30 novembre 2017

[Roberto de Mattei - Correspondance Européenne] Le «virage luthérien» du pape François

SOURCE - Roberto de Mattei - Correspondance Européenne - 30 novembre 2017

Le 31 octobre 2016, le pape Bergoglio inaugurait l’année de Luther par la rencontre de représentants du luthéranisme mondial dans la cathédrale suédoise de Lund. Puis réunions et célébrations œcuméniques se sont succédées ad abundantiam dans l’Eglise.

Un an après, le “virage luthérien” a été scellé par un acte symbolique dont peu ont saisi la gravité : l’émission, par la Poste vaticane, d’un timbre célébrant la naissance du protestantisme, advenue le 31 octobre 1517 par l’affichage des 95 thèses de Luther sur la porte de la cathédrale de Wittenberg. «Vème Centenaire de la Réforme protestante », peut-on lire en haut du timbre, présenté le 31 octobre dernier par le Bureau Philathélique du Vatican.

Selon le communiqué officiel, le timbre présente : « au premier plan, Jésus crucifié sur un fond doré et intemporel de la ville allemande de Wittemberg. Dans une attitude de pénitence, agenouillés respectivement à gauche et à droite de la Croix, se trouvent Martin Luther soutenant la Bible, source et objectif de sa doctrine, et Philippe Mélanchthon, ami de Martin Luther, un des plus grands protagonistes de la Réforme, qui tient en main la confession d’Augsbourg, première exposition officielle des principes du protestantisme dont il fut le rédacteur ».

Cette substitution, au pied de la Croix, de la Vierge Marie et de saint Jean par les deux hérésiarques Luther et Mélanchthon représente une offense blasphématoire qu’aucun cardinal ni évêque catholique n’a jusqu’à présent condamnée ouvertement. La déclaration conjointe de la Fédération Luthérienne mondiale et du Conseil Pontifical pour la promotion de l’Unité des chrétiens, parue le jour même de l’impression du timbre, nous en donne le sens. La note fait état du bilan positif  du dialogue entre catholiques et luthériens, confirme la « nouvelle compréhension des évènements du XVIème siècle, qui menèrent à notre séparation » et affirme que les deux parties sont « très reconnaissantes pour les dons spirituels et théologiques qu’ils ont reçus par la Réforme ».

Comme si cela ne suffisait pas, ces jours-ci également, La Civiltà Cattolica, porte-parole “officieux” du pape François, a célébré Luther par un article du père Giancarlo Pani (Martin Lutero cinquecento anni dopo, dans La Civiltà Cattolica, 21 ottobre-4 novembre 2017, p. 119-130). Padre Pani est celui qui en 2014 avait affirmé que les pères du Concile de Trente auraient admis la possibilité du divorce et de nouveau mariage en cas d’adultère, selon la coutume établie dans l’église schismatique grecque. Il soutien maintenant que Martin Luther ne fut aucunement un hérétique, mais un authentique “réformateur”.

En effet, « le but des thèses de Wittenberg n’est pas de défier l’autorité ni de se rebeller, mais de proposer un renouvellement de l’annonce de l’Evangile, dans le désir sincère de la « réforme » de l’Eglise » (p. 128). Malgré la prétention «tant du côté de l’Eglise de Rome que de celui de Luther, d’incarner intégralement la vérité et d’en être dispensateurs », « on ne peut nier le rôle que Luther a tenu en tant que « témoin » de la foi. Il est “le réformateur”: il a su lancer un processus de « réforme » dont – quels qu’en aient été par la suite les issues – l’Eglise catholique a aussi bénéficié » (p. 129).

S’il en est ainsi, Luther fut injustement persécuté et diffamé par l’Eglise pendant 500 ans. Le temps est venu de le réhabiliter. Et pour le réhabiliter, on ne peut se limiter à le présenter sous son aspect prophétique, mais il faut faire en sorte que l’Eglise accueille et mette en pratique ses requêtes réformatrices. Et l’Exhortation post-synodale Amoris laetitia représente une étape décisive de ce processus. Les auteurs de la Correctio filialis au pape François n’ont donc pas tort quand ils soulignent «l’affinité entre les idées de Luther sur la loi, la justification et le mariage et celles enseigbées par le pape François dans Amoris laetitia et autres déclarations ».

Il faut rappeler que le pape Bergoglio fait partie, comme le père Pani, de la Compagnie de Jésus dont le fondateur, saint Ignace de Loyola, fut le champion de la foi que la Divine Providence suscita au XVIème siècle contre le luthéranisme. En  Allemagne, des apôtres comme saint Pierre Canisius et le bienheureux Pierre Fabro  disputèrent le terrain petit à petit aux hérétiques et sur le terrain de la controverse anti-protestante saint Robert Bellarmin l’emporte sur tous.

La Civiltà Cattolica fut fondée en 1850, avec le soutien de Pie IX, et eut pendant longtemps un rôle de rempart de doctrinal contre les erreurs de l’époque. Dès le premier numéro, le 6 avril 1850, elle consacra un essai important (anonyme, mais du père Matteo Liberatore) au Rationnalisme politique de la Révolution italienne, où il voyait dans le protestantisme la cause de toutes les erreurs modernes. Ces thèses furent développées, entre autres, par deux célèbres théologiens jésuites, les pères Giovanni Perrone (Il protestantesimo e la regola della fede, La Civiltà Cattolica, Roma 1853, 2 vol.) et Hartmann Grisar (Luther, Herder, Freiburg im Breisgau 1911/1912, 3 vol.).

La revue de la Compagnie de Jésus publia en octobre 191, pour le IVème centenaire de l’affichage des thèses de Wittenberg, une commémoration de la révolte luthérienne particulièrement significative (Lutero e il luteranesimo, dans La Civiltà Cattolica, IV (1917), p. 207-233 ; 421-430). Le théologien de la Civiltà Cattolica expliquait que : « L’essence de l’esprit luthérien, du luthéranisme, est la rébellion dans toute son extension et toute la force du mot. La rébellion qui s’incarna en Luther fut diversifiée et profonde, complexe et très étendue ; elle parut en apparence et fut de fait violente, enragée, triviale, obscène et diabolique ; mais au fond elle était étudiée, dirigée en fonction des circonstances et adressée à des fins d’opportunisme et d’intérêt, entendus et voulus dans un esprit mesuré et très tenace » (p. 208-209).

Luther, poursuit La Civiltà Cattolica, « entreprit cette indigne parodie, par laquelle le moine rebelle attribuait à Dieu les idées, les blasphèmes, les infamies de son esprit perverti : il outragea de façon inouïe le pape au nom du Christ, maudit César au nom du Christ, blasphéma contre l’Eglise, contre les évêques, contre les moines avec une impétuosité vraiment infernale, au nom du Christ ; il jeta son habit sur l’arbre de Judas au nom du Christ, et au nom du Christ s’unit avec une sacrilège » (p. 209). « Sous le prétexte très commode de suivre l’Ecriture, comme celle qui contient seule la parole de Dieu, il partit en guerre contre la théologie scolastique, la tradition, le droit canonique, toutes les institutions de l’Eglise, les conciles. Et Martin Luther, moine parjure et docteur improvisé, remplaça toutes ces choses augustes et vénérables par lui-même et sa propre autorité ! Les papes, les docteurs, les saints Pères, ne valaient plus rien : la parole de Martin Luther valait plus que tous ! » (p. 212). La théorie de la justification luthérienne, enfin, «est le fruit de la fantaisie de Luther, et non de l’Evangile ou d’une autre parole de Dieu révélée à ceux qui écrivirent le nouveau Testament : pour nous, toute nouveauté chez Luther trouve son origine dans les mouvements de la concupiscence, et sa réalisation dans la falsification de l’Ecriture ou dans le mensonge formel » (p. 214).

Padre Pani ne pourra nier que le jugement qu’il donne de Luther renverse à 360 degrés ce que ses confrères affirmèrent, dans cette même revue, un siècle auparavant. En 1917, il était réprouvé comme apostat, rebelle, blasphémateur ; aujourd’hui, il est célébré comme réformateur, prophète, saint. Aucune dialectique hégélienne ne peut faire concorder le jugement d’hier avec celui d’aujourd’hui.  Ou bien Luther fut un hérétique, qui nia certains dogmes fondamentaux du Christianisme, ou bien il fut un « témoin de la foi », qui mis en place la Réforme de l’Eglise menée à termes par le Concile Vatican II et le pape François.

En un mot, tout catholique est appelé à choisir son camp : du côté du pape François et des jésuites d’aujourd’hui, ou bien du côté des jésuites d’hier et des papes de toujours. C’est le moment de choisir et la méditation de saint Ignace sur les deux étendards (Exercices spirituels, n°137) nous y aide précisément en ces temps difficiles.
 
(Roberto de Mattei)

29 novembre 2017

[FSSPX Actualités] Anniversaire de la naissance de Mgr Marcel Lefebvre

SOURCE - FSSPX Actualités - 29 novembre 2017


Le mercredi 29 novembre 1905, naissait à Tourcoing Marcel Lefebvre, troisième enfant de René Lefebvre et de Gabrielle née Watine. Il était trop tard pour faire baptiser le nouveau-né ; aussi fut-ce le lendemain, en la fête de l’apôtre saint André, que Marcel, François, Marie, Joseph fut porté sur les fonts baptismaux de l’église Notre-Dame.

Mgr Bernard Tissier de Mallerais écrit :
«La maman n’attendait jamais d’être sur pied pour faire baptiser ses enfants ; la famille allait sans elle à l’église, et c’est seulement au retour qu’elle consentait à embrasser le bébé, re-né à la vie divine et orné de la grâce sanctifiante. En embrassant Marcel que lui présentait la servante Louise, elle fut éclairée par une de ces intuitions qui lui étaient coutumières et dit : “Celui-là aura un grand rôle à jouer dans la sainte Eglise auprès du Saint-Père”».
Extrait de Marcel Lefebvre, une vie, Clovis 2002, p. 18.

28 novembre 2017

[Marie Malzac - La Croix] Le cardinal Müller affirme craindre un schisme

SOURCE - Marie Malzac - La Croix - 28 novembre 2017
L’ancien préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi demande aux autorités de l’Église d’écouter les «justes réclamations» des anti-François, selon des propos rapportés par le quotidien italien Il Corriere della Sera dimanche 26 novembre.

«Il existe un front de groupes traditionalistes, ainsi que des progressistes, qui voudrait me voir à la tête d’un mouvement contre le pape, mais je ne le ferai jamais». C’est ce qu’a soutenu récemment le cardinal Gerhard Ludwig Müller, ancien préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, qui avait exprimé à plusieurs reprises ses prises de distance par rapport à certaines démarches pontificales.

Dans un entretien avec un éditorialiste du quotidien italien Il Corriere della Sera, Massimo Franco, publié dimanche 26 novembre, il se montre amer et inquiet.

S’il affirme croire dans « l’unité de l’Église », l’ancien préfet n’en appelle pas moins les autorités à « écouter ceux qui ont des questions sérieuses et de justes réclamations : il ne faut pas les ignorer ou, pire, les humilier ». Le cardinal va même plus loin : « Sinon, sans le vouloir, le risque d’une lente séparation peut augmenter, qui pourrait déboucher sur un schisme d’une partie du monde catholique, désorienté et déçu. L’histoire du schisme protestant de Martin Luther d’il y a 500 ans devrait surtout nous montrer les erreurs à éviter ».

Au mois de juillet, le pape François a décidé de remplacer ce cardinal à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la foi, le plus important dicastère de la curie romaine. Il avait alors durement critiqué son renvoi. Dans le Corriere, il apporte de nouvelles précisions. À ce moment-là, le pape lui aurait ainsi dit: «Certains m’ont dit de façon anonyme que vous étiez mon ennemi».
Critique acerbe des «délateurs»
«Après quarante au service de l’Église, déplore-t-il, je me suis laissé dire cette absurdité, préparée par des cancaniers qui au lieu d’instiller de l’inquiétude chez le pape feraient mieux d’aller voir un psychiatre».

Réaffirmant son attachement au pape, le cardinal soutient toutefois que ses «vrais amis ne sont pas ceux qui l’adulent » mais bien « ceux qui l’aident avec la vérité et une compétence théologique et humaine».

Le cardinal formule des paroles sévères contre les «délateurs» responsables à ses yeux de son départ de la Congrégation pour la doctrine de la foi. L’ancien préfet ne croit pas au complot contre le pape – «une exagération absolue» – mais reconnaît que d’importantes « tensions » traversent actuellement l’Église.

«Je crois que les cardinaux qui ont exprimé leurs doutes sur Amoris Laetitia, ou les 62 signataires d’une lettre de critiques, dont certaines excessives, contre le pape, doivent être écoutés, et non pas balayés d’un revers de main comme’pharisiens’ou comme des râleurs», avance-t-il. Il faut donc, à son sens, un « dialogue franc et clair ».

L’impression du cardinal allemand est que dans le « cercle magique » du pape, on « s’inquiète surtout d’espionner de prétendus adversaires, empêchant de la sorte une discussion ouverte et équilibrée ».

En gage de sa bonne foi, le cardinal Müller a récemment défendu publiquement l’Exhortation apostolique du pape François sur la famille, un document qui a cristallisé les divergences.

«Classer tous les catholiques selon les catégories ’amis’ ou ’ennemis’ du pape est le plus grand mal qu’ils causent à l’Église, insiste le cardinal Müller. Et on est perplexe lorsqu’on voit qu’un journaliste bien connu, athée, se vante d’être un ami du pape, tandis qu’un évêque catholique, cardinal comme moi, est diffamé comme opposant du pape. Je ne crois pas que ces personnes puissent me donner des leçons de théologie sur le primat du souverain pontife».
Une Église plus « faible »
Comparée à l’époque de Benoît XVI, l’Église actuelle apparaît plus «faible» aux yeux du cardinal. «Les prêtres sont de plus en plus rares et nous apportons des réponses plus organisationnelles, politiques et diplomatiques que théologiques et spirituelles», regrette-t-il. « L’Église n’est pas un parti politique, avec ses luttes de pouvoir. Nous devons discuter des questions existentielles, sur la vie et la mort, sur la famille et les vocations religieuses, et pas sur la politique ecclésiastique en permanence, développe l’ancien préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Le pape François est populaire, et c’est une bonne chose. Mais les personnes ne prennent plus part aux sacrements. Et sa popularité parmi les catholiques qui le citent avec enthousiasme ne change malheureusement pas leurs fausses convictions ».

Selon le cardinal Müller, il faut désormais dépasser le stade de l’Église «hôpital de campagne», une expression chère au pape François. Aujourd’hui, le monde aurait davantage besoin, à ses yeux, d’une «Sillicon Valley» de l’Église. «Nous devrions être les Steve Jobs de la foi, assure-t-il, et transmettre une vision forte en termes de valeurs morales et culturelles».

Marie Malzac

[Paix Liturgique] Dix fruits du Motu Proprio Summorum Pontificum

SOURCE - Paix Liturgique - lettre 622 - 28 novembre 2017

Prieur du monastère de Silverstream, fondé en 2012 dans le Comté de Meath, en Irlande, le RP Mark Kirby tient un blog d'approfondissement spirituel sur lequel il a publié, à l'occasion des 10 ans de Summorum Pontificum, un bel article consacré aux fruits du motu proprio de Benoît XVI. Nous sommes heureux de vous proposer notre traduction de cet article, suivi des réflexions qu'il nous inspire.
I – L'ARTICLE DU RP MARK KIRBY
Summorum Pontificum est le plus grand don du pape Benoît XVI à l'Église. C'est un cadeau que certains ont reçu avec une joie immense et dont ils ont immédiatement commencé à tirer profit. D'autres, enracinés dans de vieux préjugés idéologiques, ont considéré ce cadeau avec suspicion et méfiance. D'autres encore, dix ans plus tard, ignorent encore tout de ce don. 

Pour moi, Summorum Pontificum a ouvert une porte sur l'immensité et la lumière d'une tradition liturgique plus profonde, plus élevée et plus vaste que tout ce que les livres liturgiques réformés, utilisés depuis près d'un demi-siècle, offraient. Je dis cela comme un homme qui, pendant plus de trois décennies, s'est dévoué aux rites réformés et a participé de tout son cœur à la réforme de la réforme, tant au niveau académique que pastoral. Toutefois, bien avant le 7 juillet 2007, j'en étais arrivé au constat que même les efforts les plus nobles déployés dans la réforme de la réforme n'avaient que peu de succès. Au moment où, fatigué et épuisé, je m'étais résigné à devoir passer le reste de ma vie dans une sorte d'impasse liturgique postconciliaire, une porte s'est ouverte devant moi. Cette porte était Summorum Pontificum. J'en ai franchi le seuil et me suis mis à avancer tout droit sans jamais me retourner. J'ai découvert à mon niveau la puissante vérité des mots adressés par Benoît XVI aux évêques de l'Église :
    
« Ce qui était sacré pour les générations précédentes reste grand et sacré pour nous, et ne peut à l'improviste se retrouver totalement interdit, voire considéré comme néfaste. Il est bon pour nous tous, de conserver les richesses qui ont grandi dans la foi et dans la prière de l'Église, et de leur donner leur juste place. » (Lettre aux évêques, 7 juillet 2007)

En passant en revue les dix dernières années, je peux identifier au moins dix fruits de Summorum Pontificum. D'autres, en dressant le bilan de ces dix ans pourraient en indiquer d'autres. Ceux que je vois depuis mon propre jardin – qui demeure un hortus conclusus, compte tenu de son contexte monastique –, sont les suivants :

1) Une manifestation plus claire de la liturgie comme l'œuvre du Christ, Souverain Prêtre et Médiateur Éternel. J'ai longtemps soutenu que Sacrosanctum Concilium, la Constitution du Concile Vatican II sur la sainte Liturgie, devait être lue dans la continuité de l'encyclique Mediator Dei du vénérable Pie XII (20 novembre 1947), or le rétablissement de l'Usus Antiquior a bel et bien recentré l'expérience liturgique de nombreux clercs et laïcs sur la médiation sacerdotale de Jésus-Christ entre Dieu et les hommes.

2) L'ouverture, pour beaucoup d'âmes, d'un pont solide entre la célébration et la contemplation. Je ne suis pas le seul à reconnaître la qualité pénétrante de ce que saint Jean-Paul II appelait « le silence d'adoration » et que l'on observe avant, pendant et après les célébrations dans l'Usus Antiquior, surtout quand la richesse de ses ressources rituelles – chant, ordre hiératique et geste sacré – est entièrement déployée.Nous devons confesser que nous avons tous besoin de ce silence, rempli de la présence de celui qui est adoré : sur le plan théologique, afin d'exprimer pleinement l'aspiration à la sagesse et aux choses spirituelles de notre âme ; sur celui de la prière, afin de n'oublier jamais que voir Dieu signifie redescendre de la montagne avec un visage si radieux que nous sommes obligés de le couvrir d'un voile (Ex 34, 33), mais aussi que nos rassemblements doivent faire place à la présence de Dieu et éviter l'autocélébration ; et sur celui de la prédication pour nous éviter de croire qu'il suffit d'entasser mot sur mot pour attirer les gens à l'expérience de Dieu (Orientale Lumen, article 16).

3) Une transmission sereine et lucide de la doctrine de la foi. La solidité incontestable des rites traditionnels (lex orandi) est à la fois la plate-forme et l'articulation de la doctrine féconde et immuable de l'Église (lex credendi). Dégagé de la panoplie d'options qui caractérisent les rites réformés, l'Usus Antiquior permet de célébrer la liturgie sans avoir à la reconstruire, subjectivement et incessamment, par l'assemblage de parties interdépendantes.

4) Une appréciation renouvelée du lien entre le culte et la culture. Les cinquante dernières années ont souvent été marquées par une aliénation du patrimoine culturel de l'Église, notamment dans les domaines de la musique et de l'architecture. L'Usus Antiquior est de plus en plus, et notamment dans les communautés informées par le Mouvement liturgique classique, un lieu où, comme le disait le cardinal Joseph Ratzinger en 1985, « la beauté – et donc la vérité – est chez soi » (Entretien sur la Foi).

5) L'affirmation de la primauté de la latrie dans la vie de l'Église, suivant le principe de saint Benoît selon lequel « rien ne doit être préféré à l'œuvre de Dieu ». Il est immédiatement évident que l'Usus Antiquior, comme tous les anciens rites de l'Église, en Orient comme en Occident, est orienté sur le divin. Cela contraste fortement avec l'ars celebrandi de l'Usus Recentior et de la plupart des cultes protestants. Ceux-ci, en mettant l'accent sur le contenu didactique et moralisateur, sont orientés sur l'humain, et ceci à un moment de l'histoire où les hommes et les femmes de la génération millénaire cherchent sans cesse à « sortir d'eux-mêmes ». Pour de telles âmes, fatiguées d'un monde qui cherche à satisfaire leurs besoins et leurs appétits en perpétuelle évolution, non sans exiger d'exorbitantes contreparties en retour, les rites immuables de l'Usus Antiquior sont un port tranquille et reposant déjà éclairé par les premières lueurs de l'éternité. Le pape Benoît XVI aborde la question de manière incisive :
« Dans les années qui ont suivi le Concile Vatican II, j'ai pris à nouveau conscience de la priorité de Dieu et de la liturgie divine. La mauvaise compréhension de la réforme liturgique qui s'est largement répandue dans l'Église catholique a conduit à mettre toujours plus au premier plan l'aspect de l'instruction et de notre activité et créativité propres. L'action humaine a presque fait oublier la présence de Dieu. Dans une telle situation, il devint toujours plus clair que l'existence de l'Église vit de la célébration juste de la liturgie et que l'Église est en danger lorsque le primat de Dieu n'apparaît plus dans la liturgie et, ainsi, dans la vie. La cause la plus profonde de la crise qui a bouleversé l'Église réside dans l'obscurcissement de la priorité de Dieu dans la liturgie. » (Préface à l'édition russe du volume Théologie de la Liturgie des Opera Omnia de Joseph Ratzinger).

6) Un encouragement à la récupération et au renouveau de la vie monastique bénédictine dans le cœur de l'Église. Mon propre monastère, Silverstream Priory, a été fondé dans la grâce du pontificat du pape Benoît XVI, seulement un an après la promulgation de Summorum Pontificum. Lorsque Silverstream a été canoniquement érigé, début 2017, sa relation particulière à Summorum Pontificum a été du même coup reconnue et ratifiée. Dans les premiers paragraphes du motu proprio lui-même, le pape Benoît XVI a souligné la portée distinctement bénédictine de ce qu'il exposait :
« Parmi les Pontifes qui ont eu ce soin se distingue le nom de saint Grégoire le Grand qui fut attentif à transmettre aux nouveaux peuples de l'Europe tant la foi catholique que les trésors du culte et de la culture accumulés par les Romains au cours des siècles précédents. Il ordonna de déterminer et de conserver la forme de la liturgie sacrée, aussi bien du Sacrifice de la Messe que de l'Office divin, telle qu'elle était célébrée à Rome. Il encouragea vivement les moines et les moniales qui, vivant sous la Règle de saint Benoît, firent partout resplendir par leur vie, en même temps que l'annonce de l'Évangile, cette très salutaire manière de vivre de la Règle, "à ne rien mettre au-dessus de l'œuvre de Dieu" (chap. 43). Ainsi, la liturgie selon les coutumes de Rome féconda non seulement la foi et la piété mais aussi la culture de nombreux peuples. C'est un fait en tout cas que la liturgie latine de l'Église sous ses diverses formes, au cours des siècles de l'ère chrétienne, a été un stimulant pour la vie spirituelle d'innombrables saints et qu'elle a affermi beaucoup de peuples par la religion et fécondé leur piété. »Ces dix dernières années ont vu la floraison de monastères bénédictins dédiés exclusivement à la célébration de la sainte liturgie sous sa forme traditionnelle. Et un nombre impressionnant de jeunes hommes en quête de Dieu emprunte leur chemin.

7) Joie et beauté apportées à la vie des familles catholiques. Mon expérience personnelle directe de ce fruit de Summorum Pontificum se limite aux jeunes familles qui fréquentent notre prieuré et à celles qui sont associées à notre communauté : soit parce que l'un des parents, ou les deux !, est un o, soit par la participation des enfants au scoutisme, soit parce que la découverte de l'Usus Antiquior a insufflé l'esprit de la liturgie à la piété des parents et à l'éducation des enfants. Il n'est pas rare de voir les enfants de ces familles, même les plus jeunes, totalement engagés dans l'action de la Sainte Messe et parfaitement familiers des fêtes et des saisons de l'année liturgique.

8) Un renouveau de la vraie piété sacerdotale. Silverstream Priory a à cœur les prêtres travaillant dans la vigne du Seigneur et, par conséquent, offre l'hospitalité à un flux régulier de clergé. La majorité de ces prêtres a en moyenne moins de quarante-cinq ans. Ceux qui n'offrent pas encore, quand c'est possible, la Sainte Messe dans l'Usus Antiquior sont désireux d'être instruits dans le rite traditionnel. Le témoignage de ces prêtres est impressionnant : l'accès à l'Usus Antiquior les a éveillés au mystère de la Sainte Messe, sacrifice véritable, et à leur propre participation à la médiation du Christ, « grand prêtre, saint, innocent, sans tache, séparé des pécheurs, et plus élevé que les cieux » (Hébreux 7, 26). Une attention renouvelée à l'ensemble des signes sacrés qui constitue la liturgie et, en particulier, aux rubriques du Missel romain a, dans plus d'un cas, transformé la compréhension que le prêtre avait de qui se tient réellement à l'autel. Pour moi, il est évident que Summorum Pontificum a favorisé la mise en œuvre de ce que les Pères du Concile Vatican II ont cherché à promouvoir :« Les prêtres, séculiers ou religieux, déjà à l'œuvre dans la vigne du Seigneur, seront aidés par tous les moyens opportuns à comprendre toujours plus pleinement ce qu'ils accomplissent dans les fonctions sacrées, à vivre de la vie liturgique et à la partager avec les fidèles qui leur sont confiés. » (Sacrosanctum Concilium, article 18)

9) La naissance de nouvelles expressions de la vie consacrée qui trouvent leur source et leur sommet dans la liturgie traditionnelle, la Sainte Messe et l'Office Divin. Il est hors de portée de ces réflexions de dresser un catalogue des instituts et des communautés nouvelles qui attribuent leur naissance, directement ou indirectement, aux horizons ouverts par Summorum Pontificum. Certains d'entre eux s'identifient à la tradition des chanoines réguliers; d'autres s'engagent dans des œuvres missionnaires d'évangélisation et de miséricorde à la manière des sociétés de vie apostolique. Tous ont en commun une référence vivifiante à la liturgie traditionnelle permise par les dispositions de Summorum Pontificum.

10) Un souffle d'espoir et, pour les jeunes, l'expérience d'une beauté qui rend la sainteté de la vie envoûtante et attirante. Le pape Benoît XVI a reconnu, dans sa Lettre aux évêques accompagnant le motu proprio, que bien des jeunes gens trouvent dans la liturgie traditionnelle un saint enchantement qui les attire profondément dans l'action sacerdotale du Christ et dans la vie de l'Église. Le pape a écrit :« Aussitôt après le Concile Vatican II, on pouvait supposer que la demande de l'usage du Missel de 1962 aurait été limitée à la génération plus âgée, celle qui avait grandi avec lui, mais entretemps il est apparu clairement que des personnes jeunes découvraient également cette forme liturgique, se sentaient attirées par elle et y trouvaient une forme de rencontre avec le mystère de la Très Sainte Eucharistie qui leur convenait particulièrement. »
L'expérience de l'Usus Antiquior comme forme habituelle de culte et d'expression de la vie sacramentelle a surpris les jeunes catholiques par une rencontre assez semblable à celle qui changea jadis la vie de saint Augustin : la découverte d'une beauté si ancienne, si nouvelle. Je suis moi aussi surpris d'entendre aujourd'hui sur les lèvres de la génération montante les mots mêmes que, avec une sainte appréhension et une joie secrète, j'ai pour ma part mémorisés il y a plus de soixante ans : Introibo ad altare Dei, ad Deum qui lætificat juventutem meam [Je m'avancerai jusqu'à l'autel de Dieu, jusqu'au Dieu qui réjouit ma jeunesse] (Ps 42, 4).
II – LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE
1) Cistercien, le RP Mark Kirby se sentit appelé en 2005, à une vocation particulière : celle de vivre la règle bénédictine en adoration devant le Très Saint Sacrement, « en esprit de réparation et d'intercession pour la sanctification des prêtres ». Sous la protection de l'évêque de Tulsa, dans l'Oklahoma, Mgr Slattery, il commença dans ce diocèse une œuvre qu'il transféra en 2012 en Irlande, à quelques kilomètres au nord de Dublin. En février 2017, Mgr Michael Smith, évêque de Meath, a signé le décret de reconnaissance canonique du monastère, une première depuis... la Réforme ! Encouragé par le motu proprio de Benoît XVI, le RP Kirby a, comme il ressort de son témoignage, adopté la forme extraordinaire du rite romain comme forme liturgique pour sa communauté.

2) Très intéressantes sont les réflexions que le RP Mark Kirby fait sur l'interprétation de la constitution conciliaire sur la liturgie à la lumière de la tradition : « J'ai longtemps soutenu que Sacrosanctum Concilium, la Constitution du Concile Vatican II sur la sainte Liturgie, devait être lue dans la continuité de l'encycliqueMediator Dei du vénérable Pie XII (20 novembre 1947) », écrit-il. Et il ajoute que le rétablissement de l'Usus Antiquior l'a réalisé. On peut certes discuter de la pertinence du jugement historique : Sacrosanctum Concilium s'est abstenu de toute référence explicite à Mediator Dei, et le climat des discussions du schéma était tout le contraire de celui qui prévalait sous Pie XII. Mais il est vrai que l'intention de Summorum Pontificum est d'appliquer une grille de lecture en ce sens de Sacrosanctum Concilium. Plus largement, avec Summorum Pontificum, Benoît XVI « montre ce qu'a été pour lui la compréhension du concile Vatican II », disait le cardinal Burke dans l'entretien-préface à son livre La sainte Eucharistie, sacrement de l'amour divin(Via Romana, 2016).

3) Dom Jean Pateau, abbé de Fontgombault, disait, lors du colloque romain marquant les 10 ans du motu proprio : « Le 7 juillet 2007, le motu proprio Summorum Pontificum rendit son entier droit de Cité au missel de 1962. S'il ne fut pas à l'abbaye l'occasion de retrouvailles, déjà anticipées depuis plus de 20 ans, il augmenta la dévotion filiale et la gratitude des moines à l'égard de la Mère Église et envers Benoît XVI. Depuis cette date, une centaine de prêtres dont la moyenne d'âge est aux alentours de 30-40 ans, désireux d'apprendre à célébrer dans la forme extraordinaire, sont passés à l'abbaye. Envoyés par leur évêque en vue d'un ministère spécifique, venus d'eux-mêmes afin de répondre à des demandes de fidèles, ou simplement désireux de célébrer en privé cette forme vénérable afin de profiter de sa spiritualité, ils achèvent leur séjour avec la conviction d'avoir découvert un trésor. Les difficultés rencontrées tiennent à l'usage de la langue latine et à une prise de conscience d'une "conversion" à opérer dans la manière de célébrer sur laquelle nous reviendrons plus tard ». Ce témoignage est l'écho exact des propos du RP Mark Kirby et illustre parfaitement le soutien puissant que les monastères traditionnels offrent au clergé séculier.

4) En 2012, lors de l'ultime Fête-Dieu qu'il a célébrée en tant que Souverain Pontife, Benoît XVI avait tenu à rappeler dans son homélie l'importance de l'adoration du Très Saint Sacrement, qu'une « interprétation unilatérale du concile Vatican II avait pénalisée ». Pour Benoît XVI, « le culte du Saint Sacrement constitue comme le "milieu" spirituel dans lequel la communauté peut célébrer l'Eucharistie d'une manière juste et vraie. C'est seulement lorsqu'elle est précédée, accompagnée et suivie de cette attitude intérieure de foi et d'adoration que l'action liturgique peut exprimer toute sa signification et sa valeur. La rencontre avec Jésus dans la Messe se réalise vraiment et pleinement lorsque la communauté est en mesure de reconnaître que, dans le Sacrement, il habite dans sa maison, nous attend, nous invite à sa table, et puis, après que l'assemblée s'est dispersée, qu'il reste avec nous, par sa présence discrète et silencieuse, et nous accompagne de son intercession, en continuant à recueillir nos sacrifices spirituels et à les offrir au Père ». À Silverstream, le RP Mark Kirby et ses moines ont tout naturellement choisi de vivre cette adoration dans la forme extraordinaire du rite romain, dans la fidélité, comme l'écrit le RP Kirby, à « une tradition liturgique plus profonde, plus élevée et plus vaste que tout ce que les livres liturgiques réformés, utilisés depuis près d'un demi-siècle, offraient ».

[Abbé Alban Cras, fssp - Notre-Dame de Chrétienté] Comment mieux prier le « Notre Père » ?

SOURCE - Abbé Alban Cras, fssp - Notre-Dame de Chrétienté - 28 novembre 2017

Chers amis pèlerins, 

au début de cette nouvelle année liturgique, une nouvelle traduction de la sixième demande du Notre Père rentrera en vigueur pour les catholiques francophones. Aussi, Notre Dame de Chrétienté démarre la diffusion de ses nouvelles vidéoformations 2018 jusqu’à la Pentecôte, par une première vidéoformation sur le "Notre Père". Puis ce nouveau cycle continuera en ce temps de préparation de Noël par un approfondissement du chant grégorien, trésor vivant de l’Église. Notre Dame de la Sainte-Espérance, convertissez-nous!

Entretien avec l'abbé Alban Cras, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint Pierre.

26 novembre 2017

[Abbé Abbé Daniel Couture - FSSPX Canada - Lettre aux Amis et Bienfaiteurs] La Correctio Filialis et Mgr Marcel Lefebvre

SOURCE - Abbé Abbé Daniel Couture - FSSPX Canada - Lettre aux Amis et Bienfaiteurs - novembre 2017
Chers Amis et Bienfaiteurs,

Saint Jean de la Croix, célébré le 24 novembre, nous encourage à tendre aux sommets de la vie d’union à Dieu car une âme qui y arrive non seulement jouit d’une intimité divine toute spéciale mais aussi devient utile à toute l’Église. « Le plus petit mouvement de pur amour est plus utile à l’Église que toutes les oeuvres réunies. » (Cantique Spirituel) Une sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus par exemple le prouve, elle, carmélite obscure pendant sa vie, qui est devenue après sa mort la patronne des tous les missionnaires (en grande partie grâce à nos missionnaires du Grand Nord) !

Un jour viendra où l’Église jugera bien des vertus de Mgr Lefebvre pour nous dire s’il les a pratiquées à un degré héroïque, et ainsi s’il a atteint ces sommets de la sainteté. Ce que nous pouvons tout de même dire sans peur dès aujourd’hui, c’est que dès son vivant il a eu lui aussi, et a encore un impact extraordinaire sur toute l’Église. Et c’est loin d’être fini. La dernière preuve, c’est la lettre remise au pape François le 11 août, intitulée Correctio Filialis, devenue publique le 24 septembre dernier, et signée à ce jour par 245 théologiens, philosophes, laïcs et clercs, de tous les continents, dont notre Supérieur Général. Cette lettre dénonce sept propositions hérétiques tirées des enseignements divers du pontife régnant.

Voyons donc le lien logique entre cette lettre et l’impact de Mgr Lefebvre sur l’Église universelle.
Saint Pie X
Commençons en fait avec notre saint Patron, saint Pie X, et son encyclique Pascendi de 1907 qui donne la clef pour comprendre l’enjeu du combat actuel. En voici quelques passages qui résument toute l’encyclique, qui donnent le principe duquel le saint pape va déduire une litanie de conséquences mortelles pour la foi et la morale : 

« De là, l’équivalence entre la conscience et la révélation. De là, enfin, la loi qui érige la conscience religieuse en règle universelle, entièrement de pair avec la révélation, et à laquelle tout doit s’assujettir, jusqu’à l’autorité suprême dans sa triple manifestation, doctrinale, culturelle, disciplinaire. » (n. 8) « Alors, qu’est-ce donc que l’Église ? Le fruit de la conscience collective, autrement dit de la collection des consciences individuelles. (…) La conscience religieuse, tel est donc le principe d’où l’autorité procède, tout comme l’Église, et, s’il en est ainsi, elle en dépend. » (n. 27) i

La « conscience », c’est ici la foi remplacée par un vague sentiment religieux, qu’il dénomme « immanence vitale », ce qui revient à dire un sentiment subjectif vivant, qui change sans cesse. Saint Pie X avait vu clair. Cette « conscience », c’est tout simplement l’homme prenant la place de Dieu.
Les années 1960
Au Concile, Mgr Lefebvre était à la tête du groupe des Pères conservateurs, nommé le Coetus. Leur combat le plus ardu fut sans doute celui contre la liberté de conscience, dite la liberté religieuse qui attaque la Royauté Sociale de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui le découronne, même dans son Église. Lisez le livre « J’accuse le Concile », surtout ses dernières interventions pour défendre ce dogme de notre foi. Voici ce qu’il dit dans sa dixième intervention, au début de la 4e Session, le 9 septembre 1965 :

« En divers endroits, certaines affirmations (de Gaudium et Spes) contredisent la doctrine de l’Église. Par exemple : toujours l’Église a enseigné et enseigne l’obligation, pour tous les hommes, d’obéir à Dieu et aux autorités constituées par Dieu, afin qu’ils reviennent à l’ordre fondamental de leur vocation et recouvrent ainsi leur dignité.
   
Le schéma dit au contraire : « La dignité de l’homme est dans sa liberté de conscience, telle qu’il agisse personnellement, persuadé et mû par le dedans, à savoir de bon gré et non sous la simple impulsion d’une cause externe ou de la contrainte ». Cette fausse notion de la liberté et de la dignité de l’homme porte aux pires conséquences : elle conduit notamment à la ruine de l’autorité, par exemple chez le père de famille ; elle ruine la valeur de la vie religieuse. » ii
Les années 1970
Dans les années 1970, ce même combat devint le combat pour la messe traditionnelle et le sacerdoce, moyens privilégiés pour faire régner Notre-Seigneur. Ici ce fut parfois même violent, tant contre Mgr Lefebvre qui fut traité de tous les noms aptes à ébranler n’importe qui dans l’Église – « rebelle », « contre le Pape », « désobéissant », « hors de l’Église », « fauteur de schisme », etc. – que contre les prêtres et fidèles qui cherchaient à garder la foi de leur pères à tout prix et qui en récompense se voyaient chasser de leurs églises, refuser la communion, ce qui arriva même à des enfants, dénoncés publiquement en chaire et dans les journaux. Ici au Canada, un nom personnifie cette période, celui du cher curé Yves Normandin, dont le livre « Un curé dans la rue » raconte les péripéties héroïques et à qui la plupart de nos centres de messe, a mari usque ad mare, doivent leur origine.

Dans son allocution consistoriale du 24 mai 1976, le pape Paul VI reconnaît clairement que Mgr Lefebvre est la figure de proue du mouvement de résistance aux réformes liturgiques. Il est aussi fort surprenant d’y lire le pape affirmer que « C’est au nom de la Tradition que nous demandons à tous nos fils, à toutes les communautés catholiques, de célébrer avec dignité et ferveur la liturgie rénovée ». iii

Mgr Lefebvre de son côté s’appuyait évidemment sur la Tradition pour continuer son oeuvre :

« Si, en toute objectivité, nous cherchons quel est le motif véritable qui anime ceux qui nous demandent de ne pas faire ces ordinations, si nous recherchons leur motif profond, nous voyons que c’est parce que nous ordonnons ces prêtres afin qu’ils disent la messe de toujours. Et c’est parce que l’on sait que ces prêtres seront fidèles à la messe de l’Église, à la messe de la Tradition, à la messe de toujours, qu’on nous presse de ne pas les ordonner. » (29 juin 1976) iv
Tradition contre Tradition ? En fait, il s’agit de la Tradition au sens subjectif, ceux qui sont assis « dans la chaire de Moïse », contre la Tradition au sens objectif, le contenu de la Foi transmis inchangé depuis vingt siècles. Ceci est un exemple de plus de l’importance de bien définir les mots selon la méthode scolastique.
Les années 1980
Si la liberté religieuse et la nouvelle messe attaquent la Royauté Sociale dans son principe et son application liturgique, l’oecuménisme des années 1980 mettait bien Jésus et Barabbas sur le même balcon. Ce fut l’exaltation de la naissance de Luther en 1983, la visite du pape à la synagogue en avril 1986 et, sommet de l’impiété, la réunion interreligieuse d’Assise en octobre 1986. Qui osa lever la voix contre ces abominations ? Mgr Lefebvre. Voici son cri d’alarme à huit cardinaux avant la réunion d’Assise :

« C’est le premier article du Credo et le premier commandement du Décalogue qui sont bafoués publiquement par celui qui est assis sur le Siège de Pierre. Le scandale est incalculable dans les âmes des catholiques. L’Église en est ébranlée dans ses fondements. Si la foi dans l’Église, unique arche de salut, disparaît, c’est l’Église elle-même qui disparaît. Toute sa force, toute son activité surnaturelle a cet article de notre foi pour base. (…) Où sont les Macchabées ? » v

Cette lettre à huit cardinaux du 27 août 1986 resta sans réponse.
Les Sacres des évêques du 30 juin 1988
Avant même la fin de cette messe historique, on annonçait à la radio l’excommunication des six évêques. La raison de cet acte soit disant schismatique ? « À la racine de cet acte schismatique, on trouve une notion incomplète et contradictoire de la Tradition. » vi (Ecclesia Dei Adflicta, 2 juillet 1988) Une notion de la Tradition qui ne s’adaptait pas aux changements contemporains, une Tradition qui n’était pas vivante (d’où « incomplète »), et qui n’avait pas le droit de comparer l’enseignement des autorités de l’Église d’aujourd’hui avec celui d’hier (d’où « contradictoire »). Mais Notre-Seigneur n’a-t-il pas dit : « Allez donc enseigner toutes les nations… leur apprenant à observer tout ce que je vous ai commandé» (Mt., XXVIII, 19-20) Mgr Lefebvre ne faisait que transmettre ce qu’il avait lui-même reçu. Comme pour la question de la Messe, le fondement de cette condamnation était la notion même de Tradition, désormais falsifiée.

Pris de peur, une petite partie de ses prêtres et des fidèles l’abandonna. Mais en s’écartant de Mgr Lefebvre à cause des sacres, considérés acte schismatique, ces prêtres qui formèrent les différents groupes Ecclesia Dei (FSSP, IBP, Campos…), pour avoir un apostolat approuvé, devaient alors accepter logiquement la « racine » de cette condamnation, c’est-à-dire cette nouvelle conception de la « Tradiion vivante », qui ultimement attaquait l’immutabilité du Règne de Notre-Seigneur Jésus et de son Église Unique. Obéissance oblige !
Le Pape François
Et maintenant François entre en scène. Il applique fidèlement les principes du Concile : « Chacun a sa propre conception du bien et du mal, et chacun doit choisir et suivre le bien et combattre le mal selon l’idée qu’il s’en fait ». vii (2013) Il va publier ce document « Amoris Laetitia », qui sera une tache honteuse dans l’histoire de la papauté. Avec ses applications et interprétations officielles (telle celle des évêques d’Argentine), et avec beaucoup d’autres principes empruntés à Luther même, cela provoque tout de même une saine réaction de la part d’âmes généreuses, car ici on touche à la notion même du mariage, de la loi naturelle, de la grâce et du péché. Ça va trop loin !

Mais au nom de quoi va-t-on réagir contre ces scandales, qui ne sont qu’une continuité dans la nouveauté de Vatican II ? Sinon au nom de la Tradition – la vraie cette fois - et non la soi-disant « vivante » qui est en fait la cause réelle de ces nouvelles propositions hérétiques dénoncées par la Correctio Filialis en septembre 2017. Les signataires de la lettre citent abondamment le Denzinger (DH) qui est la référence des théologiens depuis presque deux siècles, étant le recueil des enseignements du Magistère depuis les débuts de l’Église, le livre de référence de la Tradition. Or, le 10 septembre dernier, en Colombie, d’un revers de la main, le pape écartait cette référence magistérielle précisément en faveur d’une conscience vivante, voire priante :

« Une homme qui ne prie pas, une femme qui ne prie pas ne peut pas être un théologien ou une théologienne. Que l’on devienne un Denzinger ambulant, que l’on sache toute la doctrine qui existe ou qui est possible, cela ne sera pas de la théologie. Ce sera un compendium, un manuel où tout est écrit. Mais aujourd’hui la question de savoir comment est-ce que toi tu expliques Dieu… » viii (laciviltacattolica.it) Et voilà 2000 ans de Tradition mis de côté pour cet « aujourd’hui » tragique, cette conscience moderne qui prend la place de Dieu - « comment est-ce que toi tu expliques Dieu » !
Soyons logiques
Si c’est au nom de la vraie Tradition que l’on doit défendre la loi naturelle, le mariage et les points de morale attaqués aujourd’hui, il ne faut pas oublier que c’est au nom de la même Tradition qu’il défendait de tout son être et qui était cependant considérée alors « incomplète et contradictoire », que Mgr Lefebvre fut condamné en 1988 ; c’est en s’appuyant sur l’enseignement de toute la Tradition que Mgr Lefebvre condamna l’oecuménisme, la collégialité, la liberté de conscience, la liberté religieuse, la nouvelle messe destructrice du règne de Notre-Seigneur…

Mgr Fellay expliqua pourquoi il avait accepté, à la demande des signataires, de signer cette correction filiale importante.

« Il faut souhaiter qu’elle permette une prise de conscience plus nette de la gravité de la situation de l’Église de la part des clercs et des fidèles. Oui, comme l’a reconnu Benoît XVI, « la barque de Pierre prend l’eau de toute part ». Ce n’était pas une image poétique, c’est une réalité tragique. Dans la bataille présente, ce sont la foi et la morale qu’il faut défendre !

« On peut également espérer que d’autres soutiens se manifestent de la part de ceux qui ont charge d’âmes. Les signataires de la Correctio filialis, en exposant ces propositions objectivement hétérodoxes, n’ont fait que dire tout haut ce que beaucoup savent au fond. N’est-il pas temps, pour ces pasteurs, de le dire haut et fort ? » ix
Prions donc pour que tous ces signataires et comprennent cette logique et aient la grâce de l’embrasser jusqu’au bout.

Que Notre-Dame du Rosaire, forte comme une armée rangée en bataille, accroisse son armée et nous accorde de voir le triomphe de son Coeur Immaculé le plus tôt possible !

En Jésus et Marie Immaculée,

Abbé Daniel Couture
Supérieur de District
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i.     vatican.va
iii.   vatican.va : « È nel nome della Tradizione che noi domandiamo a tutti i nostri figli, a tutte le comunità cattoliche, di celebrare, in dignità e fervore la Liturgia rinnovata. »
v.    fsspx.news
vi.   vatican.va « 4. Huius autem schismatici actus radix dignosci potest in ipsa aliqua imperfecta et pugnanti sibi notione Traditionis »
viii.  « Un uomo che non prega, una donna che non prega, non può essere teologo o teologa. Sarà il volume del Denzinger fatto
persona, saprà tutte le dottrine esistenti o possibili, ma non farà teologia. Sarà un compendio, un manuale dove c’è tutto.
Ma oggi la questione è come esprimi Dio tu… »
ix.  fsspx.news

25 novembre 2017

[Mgr Williamson - Initiative St Marcel] Question De Discernement – II

SOURCE - Mgr Williamson - Initiative St Marcel - 25 novembre 2017
Quel est notre ennemi puissant et dangereux?
Peut-on n’en rien connaître et rester bienheureux?

Après avoir posé une première question portant sur la confusion des esprits dans l’Église en général (voir les « Commentaires » de la semaine dernière), Joseph pose une deuxième question concernant la Fraternité Saint-Pie X en particulier. La voici :—

Vous écriviez la semaine dernière qu’à en juger par ses fruits, Vatican II n’était pas catholique, alors que Mgr Lefebvre l’était. Cependant, dans la Fraternité Saint-Pie X qu’il a fondée, il semble qu’une nouvelle façon de penser se soit fait jour, qu’on pourrait décliner selon une série de propositions. Par exemple :

1 Aussi mauvais que soit le comportement du pape et des évêques, ils n’en demeurent pas moins les autorités légitimes de l’Église. 2 Le pape François peut être moderniste, mais il a toujours le pouvoir de réintégrer la FSSPX dans l’Église. 3 Les évêques conciliaires ne sont pas tous entièrement mauvais. Certains font preuve de dispositions chrétiennes, et montrent qu’ils ont conscience de la crise de l’Église ; d’autres défendent publiquement la morale catholique, exhortent au respect de Dieu dans la liturgie, parlent de la dévotion envers la Très Sainte Vierge Marie, etc. 4 Si nous sommes « acceptés tels que nous sommes », un accord avec Rome peut être envisagé. 5 Si nous refusons systématiquement tout accord avec Rome, nous nous rendons coupables. 6 Il est plus utile de parler de la piété de Mgr Lefebvre que de son opposition au Concile. 7 Mieux vaut rester en bons termes avec la FSSPX plutôt que se brouiller avec elle pour des questions d’opinions qui restent faillibles. 8 L’indiscipline et la désobéissance sont caractéristiques de l’Église conciliaire. Les membres de la FSSPX se doivent d’être disciplinés et obéissants.

En conclusion, vue la complexité de la situation dans laquelle les catholiques se trouvent aujourd’hui, peut-on reprocher aux membres ou aux fidèles de la Fraternité d’approuver ces propositions ?

Réponse : Tout dépend de ce que savent ces membres ou ces fidèles. Par exemple, les anciens de la FSSPX savaient que le Concile était une nouvelle religion. Si bien que l’opposition de Mgr Lefebvre était une question de foi, intrinsèquement plus importante que la piété, car comment peut-il y avoir de piété sans la foi ? Ces vétérans de la Fraternité méritent vraiment d’être blâmés (à moins qu’ils ne réagissent enfin publiquement), parce qu’ils permettent à cette « nouvelle façon de penser », comme dit Joseph, de devenir la pensée dominante dans la Fraternité de Mgr Lefebvre. De ce fait, les jeunes ont d’autant moins de chance d’entrevoir ce qui est faux dans les huit propositions ci-dessus. Car la nouvelle génération de prêtres de la Fraternité pourra être aussi pieuse que souhaitable, mais (toujours avec des exceptions) cela ne leur donne aucune compréhension de la crise qui ravage l’Église depuis maintenant plus d’un demi-siècle. Donc répondons aux huit arguments :—

1 Certes, le Pape et les évêques selon les apparences, semblent bien être les autorités légitimes de l’Église. Mais leur comportement à l’égard de la Foi est tellement mauvais que beaucoup de catholiques sérieux remettent en question cette légitimité. 2 Dans quelle Église le pape ferait-il rentrer la Néo-fraternité Saint Pie X ? Dans la Néo-Eglise ? Mgr Lefebvre déclarait après son « excommunication » : « Ils m’ont expulsé de leur Néo-Eglise ? Et alors ? Je n’en ai jamais fait partie ! » 3 Certes, les évêques conciliaires ne sont pas tous mauvais, mais presque tous sont des modernistes, ce qui signifie que beaucoup d’entre eux ont perdu la foi catholique sans même s’en apercevoir. L’homme moderne est tellement corrompu que lorsque la religion catholique en vient à correspondre à la modernité, il ne se rend même pas compte qu’il n’est plus catholique. 4 Le « tels que nous sommes » de la FSSPX en 1987 était une chose. En 2017, c’est tout autre chose ! 5 Si seulement Rome revenait à la vraie Foi, il n’y aurait plus besoin d’un accord. 6 Merci à Dieu pour la piété de Mgr Lefebvre mais la qualité de loin la plus importante qui brillait en lui, c’était sa foi. 7 « Des opinions faillibles » ? Il y a une vérité ! Y a-t-il un responsable de quelque importance dans la néo-Fraternité qui ait étudié les documents de Vatican II ? Va-t-il nier que ceux-ci introduisent une nouvelle religion ? 8 Les membres de la FSSX doivent être disciplinés et obéissants, mais à quoi ? À la nouvelle religion Conciliaire personnaliste, centrée sur l’homme ?

Le problème sous-jacent à toutes ces propositions est un problème de foi. La FSSPX fondée par Mgr Lefebvre est née au cœur de cette grande guerre menée par le monde moderne contre Dieu, mais depuis la mort de Monseigneur en 1991, ses dirigeants ont essentiellement perdu de vue cette guerre, et ceux qui la mènent, et dans quel but. Joseph ! pour comprendre le comment du pourquoi, lisez “Pascendi”. Lisez et relisez cette encyclique jusqu’à ce que vous saisissiez clairement ce dont il s’agit!

Kyrie eleison.

24 novembre 2017

[Abbé Alain Lorans - FSSPX Actualités] Un combat asymétrique

SOURCE - Abbé Alain Lorans - FSSPX Actualités - 24 novembre 2017

Dans sa Lettre aux Amis et Bienfaiteurs de la Fraternité Saint-Pie X du 21 novembre 2017, fête de la Présentation de la Bienheureuse Vierge Marie, Mgr Bernard Fellay présente la lutte inégale qui met aux prises les partisans de la révolte de Luther, les héritiers de la révolution d’Octobre 1917, d’une part, et les fidèles catholiques qui professent la souveraineté absolue de Dieu, d’autre part. Dans ce combat asymétrique, les seconds n’entendent pas opposer à la révolution des premiers une révolution contraire, mais l’exact contraire de la révolution, c’est-à-dire la soumission à l’ordre naturel et surnaturel voulu par Dieu.

Ce combat est celui que saint Augustin a décrit dans La Cité de Dieu : « Deux amours ont bâti deux cités : l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu, la cité de la terre, l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi, la cité de Dieu. L’une se glorifie en soi, et l’autre dans le Seigneur. » (XIV, 28, 1)

Pour cette lutte qui s’amplifie de façon effroyable aujourd’hui, Notre Dame a proposé des moyens surnaturels qui paraissent sans proportion aucune avec les maux à combattre : la dévotion à son Cœur Immaculé, la pratique des cinq premiers samedis du mois, la consécration de la Russie. Les experts mitrés se gaussent, ils préfèrent l’œcuménisme tous azimuts. Les politiques madrés ricanent, ils ont choisi le compromis à tout prix. Ces moyens offerts à Fatima leur semblent tellement inadéquats qu’ils en deviennent risibles.

C’est vrai : le chapelet est dérisoire aux yeux des hommes, comme la fronde de David qui terrassa le géant Goliath. La dévotion mariale est aussi disproportionnée que la sainteté d’une petite bergère de Lorraine face aux armées ennemies. Apparemment dérisoire, réellement efficace. 

Abbé Alain Lorans

22 novembre 2017

[Abbé Benoît Espinasse, fsspx - Le Carillon du Nord] Logique à suivre

SOURCE - Abbé Benoît Espinasse, fsspx - Le Carillon du Nord - novembre 2017
Bien chers fidèles, en sortie de communauté à Cassel, nous avons pu prendre connaissance dans l’église paroissiale d’un panneau proposant plusieurs prières pour la paix : celle des religions traditionnelles africaines, celle des juifs, celle des bouddhistes, celle des musulmans avec des sourates du Coran, enfin une prière indiquant seulement le nom de son auteur, inconnu de nous, et qui ne parle pas de Dieu. Isolée au milieu du panneau, cette seule citation de saint Paul (Ep 2, 14): «Le Christ est notre paix». Suffit-elle à gommer l’idée de l’ensemble qui propose à égalité, comme au choix, les prières de toutes les religions ? Il est permis d’en douter. 
     
Cette affiche est sans doute critiquable, mais ne reproduit-elle pas un exemple venu de plus haut ? La vidéo des intentions du pape de janvier 2016 ne se terminait-elle pas, après avoir affirmé que «beaucoup cherchent ou rencontrent Dieu de diverses manières», par une image montrant quatre mains tenant un enfant Jésus, et non une croix, un Bouddha, une menorah juive et un Tasbih, sorte de "chapelet" musulman ? Faut -il alors, devant un tel exemple, s’étonner de l’indifférentisme de nos contemporains ne croyant plus que Jésus-Christ seul soit « la voie, la vérité et la vie » (Jn 14, 6)? 
     
Bénissons Mgr Lefebvre d’avoir légué à la Fraternité Saint-Pie X une position de principe contre le dialogue interreligieux tel qu’il est pratiqué dans l’Église conciliaire depuis Vatican II, et ainsi de nous permettre de ne pas avoir à blâmer des effets dont on chérirait les causes. 
     
Abbé Benoît Espinasse

[FSSPX Actualités] «Viva Cristo Rey!» : pèlerinage du Christ Roi à Mexico

SOURCE - FSSPX Actualités - 22 novembre 2017

Le 29 octobre 2017, 1400 fidèles ont pris part au pèlerinage du Christ Roi à Mexico, organisé par la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X.

Le pèlerinage a débuté dans l'église de Santo Domingo, dans le centre historique de la ville : 1400 fidèles venus de différents Etats du Mexique et une délégation des Etats-Unis se sont mis en marche le matin afin de proclamer par les chants et la prière la royauté du Christ sur toutes les nations.

Le point d'orgue du pèlerinage fut l'arrivée dans le sanctuaire de Notre-Dame de Guadalupe.

En 1531, il y a 486 ans, Notre-Dame de Guadalupe est venue en ce pays pour y demeurer et protéger ses enfants. La conversion de neuf millions d’indigènes en moins de dix ans fut plus nombreuse que la perte de la foi provoquée en Europe par la révolte protestante.

À l'arrivée des pèlerins dans la basilique, l’abbé Jorge Amozurrutia, supérieur du district du Mexique, a procédé à la consécration du district au Cœur Immaculé de Marie.

Après l'acte de consécration et l'allocution du supérieur de district, les pèlerins ont continué en direction du couvent des Minimes Franciscaines pour y assister à la messe, source inépuisable de la grâce, où ils ont pu écouter l'homélie de l’abbé Rodrigo Fernández.

[Paix Liturgique] A Nanterre, la joie de la paix

SOURCE - Paix Liturgique - Lettre 621 - 22 novembre 2017

Dans le diocèse de Nanterre, la paix liturgique, conquise jadis de haute lutte, se goûte aujourd’hui dans l’action de grâces.

C’est parce que notre lettre puise une partie de ses racines dans le diocèse de Nanterre, que nous revenons cette semaine sur le pèlerinage que les groupes Summorum Pontificum du diocèse y ont accompli le samedi 11 novembre, et qui s'est conclu par une messe solennelle célébrée en la cathédrale Sainte-Geneviève. Retenu par un autre engagement, Mgr Aupetit, l'Ordinaire du lieu, a tenu à faire saluer les pèlerins de sa part par le célébrant, Mgr Aybram. Voici quelques impressions inspirées par cette belle journée de paix et d'action de grâce.

I – UN NOUVEAU POINT DE DÉPART

« Partis de Sainte-Marie-des-Fontenelles, l'église où fut célébrée, après une longue demande, la première messe traditionnelle (1) du diocèse, nous avons retrouvé les autres pèlerins à l'aumônerie de l'enseignement public de Nanterre, où nous attendaient Mgr Aybram et l'abbé Roberge, vicaire de la cathédrale. Là, nous avons partagé un repas tiré du sac avant de nous rendre à la cathédrale pour une belle conférence sur saint Martin, dont c'était la fête, suivie de la messe solennelle à laquelle participaient les prêtres qui desservent nos groupes stables mais aussi quelques prêtres diocésains dont le curé de la cathédrale et le directeur de la propédeutique diocésaine. Pour nous, qui avons participé à l'expression difficile de la demande de célébration de la liturgie traditionnelle dans le diocèse quand l'évêque d'alors, Mgr Daucourt, refusait tout simplement de reconnaître notre existence, cette belle journée du 11 novembre est comme un armistice longtemps attendu.»

Le témoignage de ces amis de longue date de la paix et de la réconciliation suffirait presque à rendre compte de la gratitude et de la joie des familles ayant participé à ce pèlerinage diocésain qui a rassemblé plus de 250 fidèles. Mais cette journée de prière n'est pas seulement un point final mais un point de départ, comme en témoigne Dominique, qui a embrassé la forme extraordinaire du rite romain après le motu proprio de Benoît XVI : « Je fais partie du groupe de fidèles du Plessis-Robinson, désormais desservi par un jeune prêtre de la Fraternité Saint-Thomas-Becket, l'abbé d'Aigremont. Souvent, par le passé, nous avons pu nous sentir isolés, voire marginalisés par rapport aux autres catholiques du diocèse, comme si nous n'étions que tolérés. Cette journée au cœur du diocèse nous a fait partager pleinement la joie d'être des catholiques comme les autres. Elle a montré aussi que le peuple Summorum Pontificum est une portion bien réelle et bien vivante de notre Église locale. Les dames de la sacristie de la cathédrale, par exemple, nous ont manifesté combien elles ont été touchées et surprises par une liturgie dont elles avaient une fausse image. Le fait d'être accueillis au nom de l'évêque met aussi du baume au cœur. En discutant avec les autres fidèles à la fin de la messe, nous avons tous exprimé un même désir : celui de pouvoir recommencer. À la fois pour renforcer les liens entre nos différents groupes mais aussi pour établir de nouveaux contacts avec le reste des fidèles et du clergé du diocèse.»

Pour Aurélien aussi, cette journée est un point de départ : « Récemment installé à Vanves, je fais du tourisme liturgique le dimanche. Certes, Notre-Dame-du-Travail n'est pas loin, mais la messe traditionnelle y est célébrée à 18h, et je préfère sanctifier mon dimanche dès le matin. J'alterne donc la forme ordinaire quand je suis pressé et souhaite rester près de chez moi ou l'une des messes traditionnelles offertes à Paris, y compris à Saint-Nicolas-du-Chardonnet où j'allais quand j'étais étudiant. Cette initiative diocésaine me fait comprendre que nous avons toute notre place dans le diocèse et je pense donc que je vais aller trouver mon curé pour lui demander d'introduire la forme extraordinaire dans la paroisse d'autant plus que l'ancien curé, l'abbé Hauttecœur était présent aujourd'hui.»

II – LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE

1) Tous les échos que nous avons recueillis à l'issue de ce pèlerinage diocésain en la fête de saint Martin vont dans le même sens : joie, gratitude, désir de poursuivre et de croître. L'esprit de franche coopération entre les différents groupes stables du diocèse a été fort bien illustré par la fusion de leurs trois chœurs en une seule chorale qui, en dépit d'une seule répétition le mercredi précédent, a su parfaitement accompagner la célébration. En outre, la présence de quelques-unes des dominicaines de l'Institut Saint-Pie-X de Saint-Cloud, autre lieu au sein duquel est offerte la forme extraordinaire du rite romain dans le diocèse, et celle du chanoine Guitard (ICRSP) qui célèbre chaque trimestre à Notre-Dame-de-Pentecôte, à La Défense, ont parfaitement souligné le caractère fédérateur de ce rassemblement.

2) Tous les observateurs, en outre, ont pu constater le grand recueillement qui a marqué la cérémonie. Un pèlerin, venu par curiosité, a été surpris par la profonde participation de l'assemblée. Les dames de la sacristie, quant à elles, ont non seulement été très favorablement impressionnées par la beauté de la liturgie mais aussi par l'intérêt des fidèles pour la cathédrale elle-même. Il faut dire que la paroisse a récemment publié un très beau guide sur la cathédrale Sainte-Geneviève qui a fait le bonheur des pèlerins qui ont pu en faire l'acquisition.

3) Comme le manifeste Aurélien, le succès d'une telle journée peut, et doit, être un moteur pour la poursuite du développement du motu proprio Summorum Pontificum dans le diocèse. Si les trois paroisses où se célèbre aujourd'hui la forme extraordinaire du rite romain sont bien réparties au sein du diocèse, de gros bassins de population sont encore dépourvus de toute célébration : Asnières-Clichy (140 000 habitants), Boulogne- Billancourt (110 000 habitants), Meudon-Clamart (95 000 habitants), Rueil-Malmaison (80 000 habitants), etc. Bien entendu, la bonne diffusion de la liturgie traditionnelle dans le diocèse ne peut qu'être le fruit d'une étroite coopération entre les prêtres et les fidèles. Pour cela, il faut néanmoins que les laïcs n'hésitent pas à se manifester, pacifiquement mais avec conviction, auprès de leurs curés comme l'on déjà fait, sans succès jusqu'ici, les paroissiens de Sèvres et de Vaucresson. Plus que quiconque, nous n'oublions pas que la bonne entente liturgique – que ce pèlerinage du 11 novembre 2017 a superbement manifestée – est aussi, à l’origine, le fruit de la détermination et de l'action de quelques familles déterminées. Rappelons qu'il n'y a nul besoin d'être nombreux pour entreprendre une demande alors que le sondage réalisé en 2011 par l'institut JLM Études dans le diocèse indiquait que plus de 35 % des fidèles désiraient y vivre, chaque dimanche,  leur Foi au rythme de la liturgie traditionnelle…
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(1) C'était en novembre 2005 et Benoît XVI n'avait pas encore forgé l'expression « forme extraordinaire du rite romain ».

21 novembre 2017

[Dominicains d'Avrillé - Le Sel de la Terre] François est-il hérétique? (éditorial)

SOURCE - Dominicains d'Avrillé - Le Sel de la Terre (éditorial) - automne 2017

La correction filiale
Une lettre de vingt-cinq pages, datée du 16 juillet dernier et signée par quarante clercs et universitaires, a été remise au pape François le 11 août. Elle a été rendue publique le 24 septembre [1].

Son titre est : Correctio filialis de haeresibus propagatis (correction filiale concernant la propagation d’hérésies). Elle affirme que le pape, par son exhortation apostolique Amoris lætitia ainsi que par d’autres paroles, actions et omissions en rapport avec celle-ci, a soutenu sept propositions hérétiques par rapport au mariage, à la vie morale et à la réception des sacrements, et qu’il a été à l’origine de la diffusion de ces opinions hérétiques au sein de l’Église catholique.

Citons quelques extraits de cette « correction » : 
Au moyen de paroles, d’actions et d’omissions et par des passages du document Amoris laetitia, Votre Sainteté a soutenu, de manière directe ou indirecte (avec quelle connaissance de cause, nous ne le savons pas et nous ne voulons pas en juger), les propositions fausses et hérétiques suivantes, propagées dans l’Église aussi bien de façon officielle que par acte privé : 
1. « Une personne justifiée n’a pas la force avec la grâce de Dieu d’accomplir les commandements objectifs de la loi divine, comme si certains commandement étaient impossibles à observer pour celui qui est justifié ; ou comme si la grâce de Dieu, en produisant la justification d’un individu, ne produisait pas invariablement et par sa nature la conversion de tout péché grave, ou comme si elle ne suffisait pas à la conversion de tout péché grave. » [Suivent six autres « propositions hérétiques ».] 
Ces propositions contredisent toutes des vérités qui sont divinement révélées et que les catholiques doivent croire avec l’assentiment de la foi divine.
Ce n’est pas la première fois que le pape est accusé d’enseigner des hérésies : le 29 juin 2016, quarante-cinq théologiens ont adressé au Doyen du Sacré Collège, le cardinal Angelo Sodano, une étude critique de l’exhortation Amoris lætitia où dix-neuf propositions du document romain étaient censurées [2]. On y trouvait les sept propositions qui sont reproduites dans la « correction filiale ».

Mais ce dernier document semble aller plus loin, non seulement parce qu’une large publicité en a été faite, mais encore parce que deux évêques ont apporté leur signature [3].

On est amené à se poser quelques questions : Peut-on accuser le pape d’hérésie ? L’hérésie du pape est-elle avérée ? Que se passerait-t-il dans un tel cas ?
Nisi fide devius
D’abord, on peut se demander s’il est permis de reprocher au pape propager des hérésies. En effet, qui peut juger le pape ?

La réponse à cette question est connue depuis le haut moyen âge. Le canoniste Gratien, dans son célèbre Décret (livre de référence pour le droit canon jusqu’au Code édité par Benoît XV en 1917), écrivait :
Si un pape est trouvé négligent pour son salut et celui de ses frères, relâché et nuisible dans ses actions et silencieux quand il devrait parler, ce qui est particulièrement nuisible pour lui et pour les autres, cependant, même s’il entraîne à sa suite, par groupes entiers, des foules innombrables qui, comme lui, seront livrés au prince des ténèbres pour être sévèrement punis pendant l’éternité, qu’ici-bas aucun mortel ne soit assez téméraire pour l’inculper au sujet de ses fautes, car c’est à lui qu’appartient le droit de juger tout le monde sans que personne puisse le juger, à moins qu’il ne soit convaincu d’errer dans la foi. Que tous les fidèles prient plutôt pour son salut, avec d’autant plus d’insistance qu’ils savent que leur propre salut dépend de façon prépondérante, après Dieu, de sa santé spirituelle [4].
Cette exception : « à moins qu’il ne soit convaincu d’errer dans la foi » signifie manifestement que si le pape dévie de la foi, un jugement peut être porté sur lui. C’est l’opinion commune des théologiens postérieurs à Gratien [5].
L’hérésie du pape est-elle avérée ?
Nous avons cité la première proposition hérétique que les auteurs de la « correction filiale » reprochent au pape. 

On peut remarquer d’abord que le pape n’a pas écrit cette phrase. La « correction filiale » s’appuie sur deux paragraphes d’Amoris lætitia qui laissent entendre que telle est la pensée du pape. Ce sont les § 295 et 301 [6]. 

On peut remarquer ensuite que la « proposition hérétique » signalée par les auteurs de la « correction filiale » n’a pas été condamnée telle quelle par le magistère. Pour montrer que cette proposition est hérétique, la « correction filiale » doit s’appuyer sur des textes du magistère, notamment un passage du concile de Trente [7]. 

Il y a donc une certaine marge, qui peut permettre au pape de répondre qu’on ne l’a pas compris et que ses propos ne tombent pas sous le coup des condamnations précédentes du magistère. C’est d’ailleurs ce qu’il fait, en prétendant même que son enseignement est parfaitement thomiste :
Face à ceux qui « soutiennent que derrière Amoris laetitia, il n’y a pas de morale catholique, ou, tout du moins, que ce n’est pas une morale sûre », le pape a affirmé « que la morale d’Amoris laetitia est une morale thomiste, celle du grand Thomas [8].
Nous dirons sur ce point que la « correctio filialis » montre que le pape François favorise l’hérésie, dans la mesure où les propositions « hérétiques » qui sont énoncées sont des conséquences logiques des paroles et écrits du pape. Mais l’hérésie du pape, l’hérésie formelle et consciente, n’est pas encore prouvée.
Et si l’on prouvait que le pape est hérétique ?
Évidemment, les auteurs de la correctio filialis pourraient insister et parvenir à montrer que le pape est vraiment hérétique. S’ils arrivaient à convaincre un nombre suffisant d’évêques, voire de cardinaux, pour que ce jugement puisse être considéré comme un jugement de l'Église catholique, alors nous nous trouverions dans l’hypothèse envisagée par Jean de Saint-Thomas et la majorité des théologiens : un tel pape perdrait le pontificat, du fait que l’Écriture nous recommande d’éviter l’hérétique après un ou deux avertissements et qu’il est impossible d’éviter le pape régnant. Nous renvoyons à l’étude de Jean de Saint-Thomas, « De la déposition du pape »[9].

Toutefois une telle hypothèse reste bien improbable aujourd’hui. 

En effet, d’une part nous sommes à l’époque du « déclin du courage » et il est vraisemblable que peu de clercs sont prêts à « mouiller leur soutane » pour reprocher au pape ses hérésies au risque de perdre leur situation.

D’autre part, on peut remarquer que la plupart des auteurs de la correction filiale font partie des milieux « ralliés » qui ont accepté les plus graves erreurs (les erreurs doctrinales du dernier Concile) tout en voulant lutter contre les conséquences morales de ces erreurs. C’est ainsi que, pour critiquer le pape François, ils s’appuient sur le magistère conciliaire (Vatican II, nouveau code, Paul VI, Jean-Paul II, Benoît XVI).
La nouvelle religion
Sans doute, la « correction filiale » fait un effort pour montrer que les erreurs du pape ont leur origine dans le modernisme et le protestantisme. Cependant elle est loin de dénoncer les vraies racines de ces erreurs et l’ampleur du mal. 

Nous laisserons à Mgr Lefebvre le mot de la fin. Il a décrit en quelques traits, à la fin de sa dernière conférence spirituelle le 11 février 1991, la nouvelle religion qui se met en place sous nos yeux [10]. Ces ultima verba (dernières paroles) adressés aux séminaristes d’Écône ont une valeur de testament. 

Après avoir expliqué que de nombreux évêques et prêtres, avant le Concile, avaient déjà une foi bien diminuée, car ils ne croyaient pas vraiment dans la grâce et qu’ils employaient des moyens purement humains et des expédients naturels, Mgr Lefebvre poursuivait : 
Maintenant, ce n’est pas une foi diminuée qu’ils ont, mais ils ont vraiment une autre religion, ils ont d’autres principes. […] Maintenant ils sont dirigés par d’autres principes, par vraiment une autre religion. 
Et le fondateur d’Écône insistait sur la gravité de la situation. Car quand la foi diminue on peut espérer qu’on pourra la faire revivre, mais « quand on remplace la religion par une autre religion, alors c’est beaucoup plus grave. »

Quels sont ces nouveaux principes absolument contraires à ceux de l’Église ?
Pour eux désormais, pour beaucoup de ces théologiens modernes, c’est Notre-Seigneur Jésus-Christ qui suscite dans les âmes de tous les hommes [de n’importe quelque religion] les pensées religieuses qu’ils peuvent avoir. 
La pensée de Dieu, l’élan vers Dieu, peut se réaliser par des fétiches, par des cérémonies païennes, même par des cérémonies criminelles, qui exigent le crime, peu importe, le seul fait que les hommes ont dans le tréfonds de leur âme la pensée de Dieu, cette pensée de Dieu, c’est Jésus-Christ qui la suscite, quelle que soit sa réalisation.

Il y aurait ainsi un « substratum religieux » dans chaque âme, suscité, prétend-on, par Notre-Seigneur Jésus-Christ. Mgr Lefebvre estimait qu’on a là « une inversion de la doctrine catholique » et qu’une telle doctrine est « blasphématoire », puisque Notre-Seigneur serait à l’origine de toutes les horreurs des fausses religions et des sectes.

En conclusion, les « hérésies du pape » sont sans doute bien graves, mais autrement grave est « la nouvelle religion » qui est imposée aux catholiques depuis cinquante ans et qui est la source de toutes ces erreurs.

Souhaitons que les auteurs de la « correction filiale » le comprennent, dénoncent cette « nouvelle religion » et ne cherchent pas un compromis avec elle [11].
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[1] Un site a été spécialement créé : correctiofilialis.org où l’on peut trouver ce texte en diverses langues.
[2] Une analyse de ce document a été faite par l’abbé Jean-Michel Gleize, Courrier de Rome n° 595 de janvier 2017 / La Porte Latine du 29 janvier 2017.
[3] Mgr Bernard Fellay supérieur de la Fraternité Saint-Pie X et Mgr René Henry Gracida ancien évêque de Corpus Christi, âgé de 94 ans.
[4] Décret de Gratien, Pars I, D 40, c. 6 : « Si papa suæ et fraternæ salutis negligens reprehenditur inutilis et remissus in operibus suis, et insuper a bono taciturnus, quod magis officit sibi et omnibus, nihilominus innumerabiles populos cateruatim secum ducit, primo mancipio gehennæ cum ipso plagis multis in eternum uapulaturus [ou : uapulaturos]. Huius culpas istic redarguere presumit mortalium nullus, quia cunctos ipse iudicaturus a nemine est iudicandus, nisi deprehendatur a fide deuius ; pro cuius perpetuo statu uniuersitas fidelium tanto instantius orat, quanto suam salutem post Deum ex illius incolumitate animaduertunt propensius pendere. »
[5] Sur cette question du pape hérétique, on peut se reporter à l’étude de l’abbé Gleize déjà mentionnée et à celle de Jean de Saint-Thomas O.P., « De la déposition du pape, parue dans Le Sel de la terre 90, automne 2014, p. 112.
[6] AL 295 : « Dans ce sens, saint Jean-Paul II proposait ce qu’on appelle la “loi de gradualité”, conscient que l’être humain “connaît, aime et accomplit le bien moral en suivant les étapes d'une croissance”. Ce n’est pas une “gradualité de la loi”, mais une gradualité dans l’accomplissement prudent des actes libres de la part de sujets qui ne sont dans des conditions ni de comprendre, ni de valoriser ni d’observer pleinement les exigences objectives de la loi. » — AL 301 : « Par conséquent, il n’est plus possible de dire que tous ceux qui se trouvent dans une certaine situation dite “irrégulière” vivent dans une situation de péché mortel, privés de la grâce sanctifiante. Les limites n’ont pas à voir uniquement avec une éventuelle méconnaissance de la norme. Un sujet, même connaissant bien la norme, peut avoir une grande difficulté à saisir les “valeurs comprises dans la norme” ou peut se trouver dans des conditions concrètes qui ne lui permettent pas d’agir différemment et de prendre d’autres décisions sans une nouvelle faute. »
[7] AL 295 : « Dans ce sens, saint Jean-Paul II proposait ce qu’on appelle la “loi de gradualité”, conscient que l’être humain “connaît, aime et accomplit le bien moral en suivant les étapes d'une croissance”. Ce n’est pas une “gradualité de la loi”, mais une gradualité dans l’accomplissement prudent des actes libres de la part de sujets qui ne sont dans des conditions ni de comprendre, ni de valoriser ni d’observer pleinement les exigences objectives de la loi. » — AL 301 : « Par conséquent, il n’est plus possible de dire que tous ceux qui se trouvent dans une certaine situation dite “irrégulière” vivent dans une situation de péché mortel, privés de la grâce sanctifiante. Les limites n’ont pas à voir uniquement avec une éventuelle méconnaissance de la norme. Un sujet, même connaissant bien la norme, peut avoir une grande difficulté à saisir les “valeurs comprises dans la norme” ou peut se trouver dans des conditions concrètes qui ne lui permettent pas d’agir différemment et de prendre d’autres décisions sans une nouvelle faute. »
[8] Rencontre informelle avec des jésuites de Colombie, le 10 septembre 2017, zenit.org
[9] Le Sel de la terre 90, automne 2014, p. 112. Voici un bref extrait : « Nous devons nous séparer des hérétiques selon Tt 3, 10 : “Écarte (devita) celui qui est hérétique, après un premier et un second avertissement”. Or, on ne doit pas éviter celui qui demeure dans le [souverain] pontificat, au contraire l’Église doit plutôt lui être unie comme à sa tête suprême et communiquer avec lui ; donc, si le pape est hérétique, soit l’Église doit communiquer avec lui, soit il doit être déposé du pontificat. »
[10] Cette conférence a été publiée partiellement sur internet. Voir par exemple : tradinews.blogspot.fr
[11] Comme exemple de compromis avec la nouvelle religion, on peut citer le Cœtus internationalis Summorum Pontificum qui a organisé un congrès pour le 10e anniversaire de Summorum Pontificum : « Le motu proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI, une nouvelle jeunesse pour l’Église ». Une relation assez favorable de ce congrès a paru sur le site de la Fraternité Saint-Pie X (Source : FSSPX/Italie - FSSPX.Actualités – 19/09/17). Cette relation contraste avec le jugement porté par Mgr Tissier de Mallerais sur ce motu proprio en 2013 : « La malice de la hiérarchie conciliaire est achevée par l’usage qu’elle fait du mensonge et de l’équivoque. Ainsi le motu proprio du pape Benoît XVI déclarant que la messe traditionnelle n’a jamais été supprimée et que sa célébration est libre, assortit cette liberté de conditions contraires à cette dernière, et va jusqu’à qualifier la messe authentique et sa contrefaçon moderniste de “formes extraordinaire et ordinaire du même rite romain” » (Le Sel de la terre 85 (été 2013), p. 15).