25 janvier 2007

[Côme de Prévigny - La Porte Latine] Le concile à "la lumière de la Tradition" (4) - Coup d'oeil sur les limites de l'expression

SOURCE - Côme de Prévigny - La Porte Latine - 25 janvier 2007

Sous les pontificats de Jean-Paul II et de Benoît XVI, la politique romaine des accords entre le Saint-Siège et les fidèles de la Tradition a généralement suivi deux orientations. D'une part, par la pratique de l'indult, elle a multiplié les concessions en faveur du rite tridentin. En se refusant jusqu'à présent à le libéraliser et en ne lui accordant qu'une existence contrôlée et surveillée, elle n'a pu lui attribuer qu'une place cantonnée, voire marginalisée. D'autre part, sur le plan théologique, elle a eu le souci de surmonter la pierre d'achoppement que constituait Vatican II en conduisant les autorités romaines à déceler la meilleure formule de compromis. Liant « concile » à « Tradition », celle-ci devait permettre l'adhésion de ces catholiques aux textes mêmes tout en laissant croire que la règle résidait dans la faculté d'y voir la pénétration du libéralisme dans l'Église. Relire le concile, éclairer le concile, revenir à la lettre du concile, le critiquer de manière positive sont autant d'expressions qui furent tour à tour expérimentées. Toutes étaient une manière plus ou moins affirmée de faire accepter le concile à la lumière de la Tradition. Mais pour l'âme catholique, peut-on objectivement se satisfaire de cette formulation ? Y aurait-il d'autre lumière que la Tradition pour éclairer un texte du Magistère?

Afin de répondre à cette question, nous souhaitons simplement donner un coup de projecteur sur l'un des points posant manifestement problème dans les textes mêmes du concile, à savoir la liberté religieuse, et montrer qu'en l'occurrence la lumière de la Tradition pourrait difficilement illuminer un texte qui nécessite indiscutablement une précision de la part du Saint-Siège, ainsi que l'a suggéré Monseigneur Fellay.
I. La "liberté religieuse", une nouveauté à Vatican II.
Ce titre n'est ni une déduction ni une innovation personnelle. C'est le Père Congar lui-même, l'un des théoriciens du Concile qui l'a affirmé. Il expliquait que, dans la Sainte Écriture, ce thème n'existait pas. Il est vrai que ce théologien dominicain n'était pas un partisan de l'herméneutique de la continuité, que pour lui Vatican II avait indubitablement constitué une rupture, et même un octobre rouge dans l'Église.

Le problème réside toutefois dans le fait que le Père puis cardinal Congar a toujours été présenté comme l'un des plus éminents théologiens du Concile et s'est systématiquement félicité de la pénétration de nouveaux idéaux dans le monde catholique tels que la liberté religieuse, la collégialité ou l'ocuménisme comme il est envisagé depuis quarante ans.

Examinons donc le texte même de la déclaration Dignitatis humanae promulguée par la neuvième session du Concile. Il prévoit et même il institue un « droit » à la liberté religieuse qui doit être reconnu dans la législation.
« Le Concile du Vatican déclare que la personne humaine a le droit à la liberté religieuse. Cette liberté consiste en ce que tous les hommes doivent être soustraits à toute contrainte de la part soit des individus, soit des groupes sociaux de quelque pouvoir humain que ce soit, de telle sorte qu'en matière religieuse, nul ne soit forcé d'agir, dans de justes limites, contre sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d'autres. Il déclare, en outre, que le droit à la liberté religieuse a son fondement dans la dignité même de la personne humaine telle que l'a fait connaître la parole de Dieu et la raison elle-même. Ce droit de la personne humaine à la liberté religieuse dans l'ordre juridique de la société doit être reconnu de telle manière qu'il constitue un droit civil. » (IIe concile du Vatican, déclaration sur la Liberté religieuse Dignitatis Humanae.)
Précisons bien les choses. L'assemblée des évêques du monde entier a donc choisi d'affirmer deux idées générales : d'une part, l'homme doit pouvoir bénéficier d'une liberté en matière religieuse ; d'autre part, ce principe de la liberté religieuse doit être inscrit dans la loi.

La Tradition paraît justement enseigner l'antithèse du concile. Pire, la présente déclaration semble être contredite mot pour mot par plusieurs textes du magistère précédent. Dans son encyclique Quanta Cura du 8 décembre 1864, le bienheureux pape Pie IX ne se contente pas d'affirmer un principe dont il serait l'auteur. Il fait un rappel des enseignements de son prédécesseur :
"Et, de fait, vous le savez parfaitement, vénérables frères, il s'en trouve beaucoup aujourd'hui pour appliquer à la société civile le principe impie et absurde du " naturalisme" , comme ils l'appellent, et pour oser enseigner que " le meilleur régime politique et le progrès de la vie civile exigent absolument que la société humaine soit constituée et gouvernée sans plus tenir compte de la religion que si elle n'existait pas ou, du moins, sans faire aucune différence entre la vraie et les fausses religions. " Et contre la doctrine de la Sainte Écriture, de l'Église et des saints Pères, ils affirment sans hésitation que : " la meilleure condition de la société est celle où on ne reconnaît pas au pouvoir le devoir de réprimer par des peines légales les violations de la loi catholique, si ce n'est dans la mesure où la tranquillité politique le demande. " À partir de cette idée tout à fait fausse du gouvernement des sociétés, ils ne craignent pas de soutenir cette opinion erronée, funeste au maximum pour l'Église catholique et le salut des âmes, que notre prédécesseur Grégoire XVI, d'heureuse mémoire, qualifiait de délire (1) : " la liberté de conscience et des cultes est un droit propre à chaque homme. Ce droit doit être proclamé et garanti par la loi dans toute société bien organisée.

Les citoyens ont droit à l'entière liberté de manifester hautement et publiquement leurs opinions, quelles qu'elles soient, par les moyens de la parole, de l'imprimé ou tout autre méthode sans que l'autorité civile ni ecclésiastique puisse lui imposer une limite. " Or, en donnant pour certitudes des opinions hasardeuses, ils ne pensent ni ne se rendent compte qu'ils prêchent " la liberté de perdition " et que, s'il est permis à toutes les convictions humaines de décider de tout librement, il n'en manquera jamais pour oser résister à la vérité et faire confiance au verbiage d'une sagesse tout humaine. On sait cependant combien la Foi et la sagesse chrétienne doivent éviter cette vanité si dommageable, selon l'enseignement même de Notre Seigneur Jésus-Christ."
Que retenir de cette encyclique : Pie IX dit précisément que c'est un délire de penser d'une part que l'homme doit pouvoir bénéficier de la liberté religieuse et que, d'autre part, le principe de la liberté religieuse doit être inscrit dans la loi. Épineux problème dès lors que celui qui consiste à rendre conciliables ces deux actes du Magistère. Face à une telle confusion, n'y a-t-il pas danger de voir les âmes s'égarer dans les plus funestes doutes ? Éclairer le Concile à la lumière de la Tradition, ne reviendrait-il pas dans l'état des choses à vouloir clouer une vis ou à visser un clou ? Non seulement, ces deux propositions que tenait le Concile paraissent entrer en contradiction avec la doctrine enseignée par l'Église un siècle auparavant, mais Grégoire XVI et Pie IX n'ont pas hésité à qualifier le principe de la liberté religieuse de délire. Est-il possible que les changements des temps puissent expliquer la métamorphose d'un délire en réalité conciliaire ?
II. Les contradictions de la Tradition vivante
Le pape Benoît XVI, alors qu'il n'était encore que le cardinal Ratzinger, avait affirmé, pour illustrer cette rupture entre l'enseignement des papes du XIXe siècle et les décrets du concile, que Vatican II, c'était le contre-Syllabus (2).

Face à une telle contradiction, deux orientations majeures se sont dessinées dans l'histoire de l'Église. D'un côté, les défenseurs de la Tradition voient dans ce principe même ce qui a toujours été cru et enseigné par l'Église. Les rubriques en matière de foi doivent donc demeurer constantes. De l'autre, les partisans de « la Tradition vivante », si chère à Paul VI et Jean-Paul II, considèrent que la Tradition, c'est la doctrine interprétée par les papes. Aussi pensent-ils qu'une proposition qui s'appliquait hier peut être contraire aux intérêts des hommes le lendemain.

Si on suit un tel raisonnement, on est en droit de s'interroger sur la durabilité des doctrines définies par les papes, étant donné que jamais par le passé un pontife romain n'a clairement signalé la caducité de telle ou telle doctrine. Jamais, par exemple, un pape depuis Pie XI n'a dit que l'encyclique Mortalium animos du 6 janvier 1928 était devenue obsolète. Celle-ci condamnait fermement les réunions ocuméniques regroupant des croyants de différentes religions dans le but de promouvoir la paix. Force est de constater que, quarante ans plus tard, aux lendemains du Concile, ce texte n'était plus appliqué dans l'Église catholique. Faut-il dès lors croire que les actes du magistère vieux de quarante ans ne s'appliquent plus ? Ceci pose un réel problème lorsqu'on entend dire que le concile Vatican II n'est pas encore appliqué.

Aussi, apparaît-il clairement que cette fausse conception de Tradition vivante est impuissante à expliquer les contradictions du magistère, que vouloir l'appliquer engendrerait un nombre de confusions incalculables où nul ne saurait distinguer ce qui doit être cru de ce qui ne doit plus l'être.

Tournons-nous donc vers l'autre orientation, celle qui prône la pérennité des doctrines, celle que défendaient les papes du XIXe siècle lorsqu'ils condamnaient la liberté religieuse. En 1864, Pie IX faisait précisément référence à l'encyclique Mirari vos de son prédécesseur Grégoire XVI. Celui-ci dressait un tableau assez troublant des effets de la liberté religieuse qui amènera facilement l'observateur à établir quelques comparaisons avec l'époque que nous vivons :
« De cette source empoisonnée de l'indifférentisme découle cette maxime fausse et absurde ou plutôt ce délire : qu'on doit procurer et garantir à chacun la liberté de conscience ; erreur des plus contagieuses, à laquelle aplanit la voie cette liberté absolue et sans frein des opinions qui, pour la ruine de l'Église et de l'État, va se répandant de toutes parts, et que certains hommes, par un excès d'impudence, ne craignent pas de représenter comme avantageuse à la religion. Eh ! " Quelle mort plus funeste pour les âmes que la liberté de l'erreur " disait saint Augustin (S. Aug., Ép. CLXVI). En voyant ôter ainsi aux hommes tout frein capable de les retenir dans les sentiers de la vérité, entraînés qu'ils sont déjà à leur perte par un naturel enclin au mal, c'est en vérité que nous disons qu'il est ouvert ce " puits de l'abîme " (Apoc. IX, 3), d'où saint Jean vit monter une fumée qui obscurcissait le soleil, et des sauterelles sortir pour la dévastation de la terre.

De là, en effet, le peu de stabilité des esprits ; de là, la corruption toujours croissante des jeunes gens ; de là, dans le peuple, le mépris des droits sacrés, des choses et des lois les plus saintes ; de là, en un mot, le fléau le plus funeste qui puisse ravager les États ; car l'expérience nous l'atteste et l'antiquité la plus reculée nous l'apprend : pour amener la destruction des États les plus riches, les plus puissants, les plus glorieux, les plus florissants, il n'a fallu que cette liberté sans frein des opinions, cette licence des discours publics, cette ardeur pour les innovations.»
Inutile d'épiloguer plus longtemps. Grégoire XVI parle ici en prophète. L'instabilité des esprits, la corruption de la jeunesse, le mépris du sacré, tout apparaît de manière flagrante sous nos yeux. Il suffit d'en chercher la source.
III. Revenir à la doctrine traditionnelle de la liberté
Tous les papes ont condamné le principe de la liberté religieuse en tant que liberté d'adhérer indifféremment à la vérité ou à l'erreur.Reprenez saint Paul, les pères, les docteurs, les papes, ils dressent un réquisitoire sans appel ! Faut-il qu'un concile enseigne l'erreur et le délire ? Pas exactement. D'ailleurs Monseigneur Lefebvre a rappelé que Vatican II ne professait pas formellement l'hérésie mais que les textes pouvaient amener à l'hérésie. La déclaration sur la liberté n'enseigne pas précisément : « il est libre à tout homme de choisir sa religion» même si le principe global pourrait presque le laisser penser. S'il ne proclame pas explicitement l'erreur, il ouvre néanmoins les portes à une hérésie rampante. Ce sont ces portes que nous voulons justement fermer par une redéfinition des termes.

Dans l'application, on est conduit à dépasser l'étape consistant à « interpréter à la lumière de la Tradition » car cette expression semble équivoque. Il ne suffit pas simplement d'éclairer les textes, il faut graver les lignes que dessine cette effervescence lumineuse sur les textes eux-mêmes afin d'en dénoncer les ombres. En d'autres termes, il est nécessaire de repréciser, de redéfinir les mots de la déclaration. À cet effet, il est d'ailleurs inutile de sombrer dans un examen sans fin des formulations conciliaires car l'histoire de l'Église est assez riche et recèle des trésors inestimables en la matière. En l'occurrence, l'encyclique Libertas Praestantissimum (20 juin 1888) du pape Léon XIII est une mise au point idéale du principe de liberté. D'une part, elle indique qu'il existe une liberté intrinsèque à l'homme, celle des enfants de Dieu, qui leur permet d'adhérer eux-mêmes à la Vérité ; d'autre part, elle fustige la conception née dans les salons anticléricaux des Lumières selon laquelle la liberté serait une mise à un même niveau de la vérité et de l'erreur et qui, à terme, doit écrouler l'édifice de la Chrétienté.

Comment montrer que la liberté religieuse du concile est la première et non la deuxième ? La marge de manouvre concédée parDignitatis humanæ paraît étroite mais elle semble toutefois praticable dans la mesure où les termes sont définis, où les principes sont éclaircis, où le doute est volontairement écarté.

Sans que l'on puisse s'en étonner, dans Libertas Praestantissimum, Léon XIII se fait l'héritier de la Tradition en condamnant la liberté en tant que source du libéralisme. Il défend parallèlement la liberté, souverain bien, que Dieu a conféré à l'homme pour qu'il se donne librement à lui.
« Et d'abord, à propos des individus, examinons cette liberté si contraire à la vertu de religion, la liberté des cultes, comme on l'appelle, liberté qui repose sur ce principe qu'il est loisible à chacun de professer telle religion qu'il lui plaît, ou même de n'en professer aucune. Mais tout au contraire, c'est bien là sans nul doute, parmi les devoirs de l'homme, le plus grand et le plus saint, celui qui ordonne à l'homme de rendre à Dieu un culte de piété et de religion. Et ce devoir n'est qu'une conséquence de ce fait que nous sommes perpétuellement sous la dépendance de Dieu, gouvernés par la volonté de la Providence de Dieu et que, sortis de lui, nous devons retourner à lui. » [.]

« C'est pourquoi offrir à l'homme la liberté dont Nous parlons, c'est lui donner le pouvoir de dénaturer impunément le plus saint des devoirs, de le déserter, abandonnant le bien immuable pour se tourner vers le mal : ce qui, nous l'avons dit, n'est plus la liberté mais une dépravation de la liberté et une servitude de l'âme dans l'abjection du péché.»
De liberté religieuse, il ne peut donc y avoir que la liberté d'adhérer sans aucune entrave à la religion divine, liberté qui doit s'exercer sans contrainte sinon elle engendrerait un défaut de liberté. Elle doit néanmoins être assistée par des secours tant humains (présence marquée de la Religion dans les États) que divins (grâce de Dieu) pour soutenir le Chrétien et pour pallier la nature blessée par le péché originel qui incline inévitablement au mal. Mais quel homme de Foi oserait imaginer que des secours puissent constituer des entraves ? Il est nécessaire de rappeler la précision incontournable qu'a le soin d'apporter le pape Léon XIII. La liberté dont Dieu a doté l'homme est un bien inestimable que l'Église a toujours défendu :
« Que tous participent à la vraie liberté, celle qui consiste, comme nous l'avons démontré, en ce que chacun puisse vivre selon les lois et selon la droite raison. Si, dans les discussions qui ont cours sur la liberté, on entendait cette liberté légitime et honnête, telle que la raison et Notre parole viennent de la décrire, nul n'oserait plus poursuivre l'Église de ce reproche qu'on lui jette avec une souveraine injustice, à savoir qu'elle est l'ennemie de la liberté des individus et de la liberté des États. Mais, il est un grand nombre qui, à l'exemple de Lucifer, de qui est ce mot criminel : Je ne servirai pas, entendent par le nom de liberté ce qui n'est qu'une pure et absurde licence. Tels sont ceux qui appartiennent à cette école si répandue et si puissante et qui, empruntant leur nom au mot de liberté, veulent être appelés Libéraux.»
De deux choses l'une : ou bien les théologiens se comportent en libéraux et voient dans la liberté religieuse celle qui consiste à choisir à son gré sa confession et dès lors ils s'inscrivent à l'école de Lucifer. Léon XIII le dit bien, c'est ainsi que s'ouvre le chemin de la différence. Ou bien ils rappellent clairement qu'elle ne peut être que cet élan sans entrave ni embûche qui conduit l'homme vers Dieu, par sa grâce et par les bienfaits de l'Église et des États chrétiens.

Dès lors, l'unique façon de reconnaître cette partie de la déclaration Dignitatis humanae telle qu'elle a été formulée de manière ambiguë est de lui adjoindre des marques de précision qui la réorientent vers la Tradition. D'une certaine mesure, on peut affirmer que « le Concile du Vatican déclare que la personne humaine a le droit à la liberté religieuse » uniquement si cette liberté est celle de recourir toujours plus à Dieu et non la liberté de choisir son culte. Le fait que « nul ne soit forcé d'agir, dans de justes limites, contre sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d'autres », ne peut pas constituer une faculté autorisée à sombrer dans l'erreur. Il doit être entendu de manière exclusive comme l'interdiction d'user de violence physique ou morale pour forcer une âme à croire.

C'est pourquoi, cette liberté religieuse ne doit en rien être perçue comme la liberté de l'erreur. En la matière, les hommes doivent en être prémunis. Cette liberté religieuse n'est pas celle qui permet d'opter pour la croyance présumée par la seule conscience. Ce serait, dans bien des cas, rendre l'âme esclave de ses propres pensées. Elle est simplement ce principe, qui lui est en tout opposé, qui consiste à « soustraire les hommes à toute contrainte de la part des individus », qui fait que « nul ne soit forcé d'agir » car comme le disait le grand Bossuet : « on ne précipite pas une âme dans la Foi, on l'y conduit ». Dès lors, il va de soi que la liberté religieuse qui doit être garantie par l'ordre juridique est bien celle qui évite à l'homme d'être forcé ou persécuté pour croire à une religion. Elle n'induit aucunement, bien au contraire, que la religion doit disparaître de la société. Elle ne constitue certainement pas cette fausse liberté (qui est en réalité une privation de la liberté) qui annihilerait toute forme de religion dans la société pour mettre au même plan la vérité et l'erreur.

Ce principe, tel qu'il a été défini doit donc interdire d'utiliser la violence, qu'elle soit physique ou morale, pour forcer l'âme à croire car d'ailleurs il est même douteux qu'en de telles circonstances elle crût. Parallèlement, il se doit d'assister en plaçant sur son chemin les services indispensables à son salut. Ce serait d'ailleurs contraire à la charité chrétienne que d'imaginer que l'on puisse rendre son prochain aussi libre d'assurer son salut dans le seul vrai Dieu un et Trinité que de s'égarer dans des systèmes de croyance purement humains.
Conclusion
Dans l'état des choses, la lettre du Concile demeure trop ambiguë pour qu'elle puisse être suivie par l'âme catholique. Il ne suffit pas de l'éclairer à la lumière de la Tradition pour que les uns travaillent dans cette lueur tandis que les autres vivent dans la pénombre. La préciser et la définir est un devoir incontournable pour pouvoir la concilier avec la Tradition. Il ne suffit certes pas de juxtaposer deux textes qui doivent constituer deux réservoirs doctrinaux afin de contenter les deux tendances de l'Église ; il faut donner les moyens à tous les prêtres de la terre, à tous les fidèles de disposer de la saine doctrine par des précisions théologiques systématiques. En matière liturgique, nous pensons que la libéralisation de la sainte messe pourra diffuser des grâces qui peu à peu rendront obsolète le nouveau rite ambigu. De même, nous avons la ferme conviction que la proclamation de la vraie et saine doctrine réduira à néant les nouveaux décrets si ambigus.

Côme Prévigny - Paris le 25 janvier 2007
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(1) - Il faut entendre délire au regard de son étymologie : de delirare, sortir du sillon. Dans ce sens, le délire est une construction intellectuelle sans liaison avec le monde réel et s'accompagnant généralement d'une conviction absolue.

(2) - Le cardinal Ratzinger, à propos de la constitution pastorale Gaudium et Spes déclara : « Si l'on cherche un diagnostic global du texte, on pourrait dire qu'il est (en liaison avec les textes sur la liberté religieuse et sur les religions du monde) une révision du Syllabus de Pie IX, une sorte de contre-Syllabus. [...] Contentons-nous ici de constater que le texte joue le rôle d'un contre-Syllabus, dans la mesure où il représente une tentative pour une réconciliation officielle de l'Église avec le monde tel qu'il était devenu depuis 1789. » Joseph, cardinal Ratzinger, Les principes de la théologie catholique. Esquisse et matériaux, Coll. Croire et Savoir, Paris, Téqui, 1985, pp.423-427.