30 juin 2015

[Lettre à Nos Frères Prêtres - FSSPX] Notre sainteté au regard des âmes

SOURCE - Lettre à Nos Frères Prêtres - FSSPX - juin 2015

Le prêtre est homme d’Église, mais il est aussi l’homme des âmes, il a dans son ministère charge d’âmes (ne serait-ce qu’au moment de conférer un sacrement, de prêcher, etc.). Ces âmes, il doit les aider à aller saintement vers Dieu. S’il ne se sanctifie pas lui-même, comment allumera-t-il dans les fidèles la flamme de la sainteté?

Le cardinal Mercier n’hésitait pas à dire à ses prêtres que la consigne de Jésus : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5, 48) s’adressait prioritairement à eux, car « si les autres doivent être saints, vous avez la mission d’être leurs sanctificateurs ; s’ils doivent être parfaits, vous êtes chargés de les mener à la perfection ».
Se sanctifier pour sanctifier
Les âmes ont besoin du prêtre pour leur sanctification, et elles sont en droit d’attendre du prêtre qu’il se rende capable effectivement de les sanctifier et de les entraîner sur la voie de la sainteté. Or, sans sa sainteté personnelle, le prêtre sera difficilement efficace auprès des âmes pour les entraîner dans leur idéal de « fidèles du Christ ».

Un entraîneur doit d’abord faire figure de convaincu et de pratiquant, faute de quoi il est considéré comme débitant un boniment commercial sans portée réelle. Mais comment faire figure de convaincu si l’on ne met pas en pratique les principes que l’on prétend imposer aux autres ?

L’autorité d’une vie sainte appuie l’autorité du ministère sacerdotal. Une des étymologies classiques du mot « religion » est religare, « relier » : mais le prêtre ne peut « relier » les fidèles à Dieu s’il n’est d’abord lui-même relié à Dieu.
Les fidèles exigent la sainteté du prêtre
Les fidèles, et même les gens du monde, attendent des prêtres, exigent même d’eux qu’ils les dépassent en vertu et en sainteté. Par la plus curieuse des sévérités, les incroyants, les anticléricaux ne tolèrent pas le prêtre mondain, relâché, inobservant. Dans une foule de choses permises et innocentes pour les laïcs, ils attendent que le prêtre fasse montre d’austérité. On ne lui permet pas d’être un simple homme, on lui demande une supériorité morale constatable.

Car, spontanément, c’est le Christ qu’on cherche en lui. Or seul le saint prêtre reflète en lui « la gloire de Dieu qui est sur la face du Christ » (2 Co 3, 18 ; 4, 6).

« Si vous n’arrivez pas à être des saints, disait en son temps avec vigueur le cardinal Sevin aux élèves du Séminaire français de Rome, vous serez les fossoyeurs de l’Église de France. Pour la conduire au tombeau, il suffit d’un clergé honnête ; pour la sauver, il faut des saints ».
Le prêtre témoin du surnaturel
Un jeune femme élevée en dehors de l’Église a fait un jour le témoignage suivant : « Pour moi, un prêtre est un vivant de Dieu. Je me souviens de la première fois où je me préparais, à l’âge de vingt-trois ans, à rendre visite à un prêtre. J’avais dans l’esprit cette idée que j’allais voir quelqu’un qui vivait de Dieu et avec lui. Pour moi, c’était cela un prêtre, un homme vivant de Dieu. Je me disais qu’il fallait que cela se voie, ou alors c’était une blague. Vous, prêtres, vous ne vous rendez pas compte que c’est là-dessus que nous vous jugeons, sur ce témoignage presque extérieur que vous nous donnez de Dieu. Il faut que la foi du prêtre passe en dehors. Le prêtre doit démontrer Dieu. Il faut que nous constations q u’il vit certainement de Dieu. Alors, pour l’athée, Dieu qui était “l’impossible” devient soudain “le possible”. On ne peut pas ne pas être frappé, troublé, bouleversé par un prêtre qui est réellement un témoin de Dieu. A l’inverse, on ne lui pardonne pas de ne pas être, à quelque degré, ce témoin fidèle ».
Comment toucher les âmes sans conviction enracinée?
Nous touchons les âmes par le ministère de la prédication : nous sommes les semeurs du Verbe, les porteurs de la parole divine. Or, comment être les serviteurs de la vérité du Christ et ouvrir les âmes à cette vérité sans la conviction vécue, qui seule donne la sincérité à l’accent ? Comment se faire écouter si la vie dément les paroles ?

Nous touchons les âmes par l’autorité sacerdotale. Ce pouvoir nous a été octroyé pour servir les âmes, non pour les dominer : nous devons les gouverner pour elles-mêmes, afin de les conduire à Dieu. Il faut donc que nous soyons à leur service des instruments dévoués du Christ, et pas autre chose. Cela suppose l’exercice des vertus les plus difficiles : humilité, abnégation pour ne pas se faire le centre de tout et se défier de soi-même et des moyens purement humains.

Nous touchons les âmes par la célébration des sacrements. Or cela demande, non sans doute pour la validité, mais pour l’exercice normal de cette charge, la sainteté de celui qui transmet aux autres la grâce et le sacré. Les fidèles, en vérité, ont droit à ce que nous leur administrions les sacrements de façon digne et sainte.
Le prêtre, sacrement de la présence du Christ
Notre mission, à nous prêtres, est de donner aux âmes le surnaturel qui les fait vivre. Le surnaturel se donne principalement par le moyen des sacrements. Les sacrements agissent ex opere operato, par leur vertu propre, qui est la vertu du Christ. Mais ils agissent aussi d’une certaine manière ex opere operantis, par la vertu de celui qui administre.

Si le prêtre ne manifeste pas par son attitude qu’il est vraiment un agent du surnaturel, qu’il expérimente en lui-même ce surnaturel avant de le présenter aux fidèles, ces derniers n’apprécieront pas à leur juste valeur les sacrements qu’il distribue, la messe qu’il célèbre, la prédication qu’il propose, les conseils qu’il donne.

Le prêtre lui-même est comme le sacrement du Christ. Les paroissiens qui viennent à son contact lui disent implicitement, comme autrefois les gens s’approchant des Apôtres : « Nous voulons voir Jésus». S’il ne peut montrer que du talent, du courage, de l’habileté, une belle activité humaine, si le Christ ne transparaît pas dans sa personne, il ne sera pas reconnu comme un témoin, un messager du Christ.

Un homme revenu d’Ars où il avait vu l’abbé Jean-Marie Vianney s’écriait avec enthousiasme: «J’ai vu Dieu dans un homme!». Il faudrait que nous puissions dire: «Seigneur, qu’en me voyant on vous reconnaisse!».