15 septembre 2014

[Lettre à Nos Frères Prêtres] La question du sacerdoce des femmes

SOURCE - Lettre à Nos Frères Prêtres - Lettre trimestrielle de liaison de la Fraternité Saint-Pie X avec le clergé de France - n°63 - septembre 2014

Il existe, depuis plus d’un siècle, un mouvement progressif d’émancipation de la femme. Ce mouvement prend sa source dans le romantisme, dans le courant socialiste et marxiste, la théorie psychanalytique, l’existentialisme, la doctrine des droits de l’homme, etc. Il a été nourri par l’évolution progressive des mœurs et des techniques, notamment par l’entrée des femmes dans le monde du travail.

Plus tardivement, mais non sans lien avec ce mouvement général, a émergé dans les Églises chrétiennes une revendication pour l’accès des femmes au sacerdoce. Et, de fait, certaines de ces Églises ont peu à peu admis les femmes à cette responsabilité.
La pratique d’autres Églises chrétiennes
En septembre 1958, l’Église luthérienne de Suède prit la décision d’admettre des femmes au pastorat. Progressivement, cette initiative gagna du terrain, notamment dans l’Église réformée de France. En 1971 et 1973, l’évêque anglican de Hong-Kong ordonnait trois femmes. En juillet 1974, les épiscopaliens de Philadelphie, aux États-Unis, ordonnaient onze femmes, ordination déclarée ensuite invalide par la Chambre des évêques.

En juin 1975, le Synode de l’Église anglicane du Canada approuvait le principe de l’accès des femmes au sacerdoce, suivi sur ce point dès juillet par le synode de l’Église d’Angleterre. Depuis ce jour, de nombreuses femmes ont été ordonnées prêtres, voire évêques, chez les anglicans et les épiscopaliens. Et, après plus de quinze ans de controverse, l'Eglise anglicane d'Angleterre a donné son feu vert, le 14 juillet 2014, en faveur de l'ordination de femmes évêques.
Une question posée dans l’Église catholique
Malgré les apparences, la question du sacerdoce des femmes n’est pas neuve dans l’Église catholique. Dès 1965, le futur cardinal Jean Daniélou n’hésitait pas à affirmer qu’il n’y a « aucune objection théologique fondamentale à l’éventualité de femmes prêtres » (Le Monde, 19-20 septembre 1965).

Et la revendication, au fil des années, est devenue de façon de plus en plus insistante, de plus en plus pressante. Il faut donc examiner sérieusement le problème : ne pourrait-on pas, ne devrait-on pas ordonner prêtres les femmes qui le désirent, sans se bloquer sur une attitude périmée, et ce d’autant que la théologie classique ne s’y est guère attardée ?
Les progrès de l’autonomie et de l’égalité
Il existe, en effet, des arguments loin d’être négligeables en faveur de cette option d’ordonner prêtres des femmes.

D’abord, les femmes ont peu à peu acquis l’autonomie personnelle et l’égalité avec les hommes (masculins) dans de nombreux domaines d’où elles étaient exclues auparavant. Il semble donc nécessaire d’adapter la législation canonique à cette évolution conforme, d’ailleurs, à l’esprit de l’Évangile, puisque saint Paul affirme : « Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez été revêtus du Christ ; il n’y a plus ni Juif, ni Grec, ni esclave, ni homme libre, ni homme, ni femme : car tous vous êtes un dans le Christ Jésus » (Ga 3, 27-28).
Les femmes sont aussi capables que les hommes
Ensuite, on ne voit rien dans le sacerdoce qui soit impossible à une femme. Il existe des femmes orateurs, députés, professeurs : rien n’empêche donc qu’une femme prêche. Il existe des femmes chefs d’entreprise, directrices d’école, préfets : rien n’empêche donc qu’une femme dirige une paroisse. Il a existé des femmes qui furent des théologiennes et des mystiques : rien n’empêche donc qu’une femme enseigne les voies de la perfection chrétienne. Il existe des femmes hôtesses, actrices, médecins, psychiatres : rien n’empêche donc qu’une femme célèbre la messe, baptise, confesse, donne la confirmation, préside les enterrements.

C’est d’ailleurs ce qui se passe dans les communautés ecclésiales qui ont accepté le sacerdoce féminin, et on ne voit pas que cela pose des difficultés particulières. Les habitudes socio-culturelles ayant désormais évolué, il devient normal de conférer le sacerdoce à des femmes, pour ne pas faire perdurer une situation injuste et malsaine.
Une objection peu pertinente
On oppose à ces deux précédents arguments le fait que le prêtre agit in persona Christi. Or, le Christ étant un homme (masculin), c’est un homme (masculin) qui doit le représenter. Cet argument, rétorquent les tenants du sacerdoce des femmes, n’est pas déterminant. En effet, si le prêtre agit in persona Christi, il agit également in persona Ecclesiæ, c’est-à-dire au nom de l’Église et pour la représenter. S’il est incontestable que le prêtre homme (masculin) tient mieux le rôle du ministre agissant in persona Christi, il n’est pas moins vrai que le prêtre femme tient mieux le rôle du ministre agissant in persona Ecclesiæ.
Un refus contraire à l’esprit de l’Évangile
Enfin, dire que les femmes sont incapables, par nature, de recevoir le sacerdoce, c’est affirmer qu’il existe deux catégories de chrétiens dans l’Église : les chrétiens complets et les chrétiens incomplets ; les chrétiens de première classe et les chrétiens de seconde classe ; les chrétiens intégraux et les chrétiens déficients. C’est injurier les femmes en les enfermant dans la « mauvaise part de l’humanité », en les reléguant dans une soumission perpétuelle aux hommes (masculins) censés être « par nature » doués du droit de commander. C’est contredire l’Évangile qui transcende les structures humaines pour affirmer la liberté de la grâce et son absolue indépendance : « Je vous rends grâce, Père, de ce que vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents, et de ce que vous les avez révélées aux petits » (Mt 11, 25).
Pratique constante de l’Église
Toutefois, un fait extrêmement frappant se présente à notre esprit pour relativiser ces arguments en faveur du sacerdoce des femmes : c’est que, depuis deux mille ans, aucune Église d’origine apostolique (principalement l’Église catholique romaine et les Églises dites « orthodoxes ») n’a jamais et en aucune circonstance ordonné prêtre une femme. Les évolutions historiques ont été diverses, les théologies souvent opposées, les esprits fréquemment antagonistes : pourtant, ces Églises convergent spontanément et de façon absolument ininterrompue sur ce point.
Fermeté du Magistère de l’Église
Mises en face de la demande récente du sacerdoce des femmes, ces Églises d’origine apostolique ont unanimement opposé un refus absolu. C’est le cas notamment de l’Église catholique.

Le pape Paul VI écrivait ainsi le 30 novembre 1975 : « L’Église catholique tient que l’ordination des femmes ne saurait être acceptée, pour des raisons tout à fait fondamentales » (Réponse à la lettre de Sa Grâce le Très Révérend Dr Frederick Donald Coggan, Archevêque de Cantorbery, sur le ministère sacerdotal des femmes).

Le 22 mai 1994, Jean-Paul II affirmait : « Afin qu’il ne subsiste aucun doute sur une question de grande importance qui concerne la constitution divine elle-même de l’Église, je déclare, en vertu de ma mission de confirmer mes frères, que l’Église n’a en aucune manière le pouvoir de conférer l’ordination sacerdotale à des femmes et que cette position doit être définitivement tenue par tous les fidèles de l’Église » (Ordinatio sacerdotalis).