15 janvier 2013

[Dominicains d'Avrillé - Lettre trimestrielle] "La lumière ne peut briller sans chasser les ténèbres..."


SOURCE - Dominicains d'Avrillé - Lettre trimestrielle des Dominicains d’Avrillé, n° 64  - Décembre 2012 / janvier 2013

Questions et réponses
Le blason dominicain représente un coin blanc s'enfonçant dans un fond noir. Pouvez-vous en expliquer la signification?
Ce coin blanc représente la vérité qui chasse les ténèbres de l'erreur, comme une armée en fer de lance pénètre dans la masse ennemie. En effet, notre Ordre a été voulu par la divine Providence pour exercer le ministère de la prédication doctrinale, pour enseigner la vérité. Sa devise est Veritas et le pape Honorius III , qui a approuvé l'Ordre en 1216, a demandé que les dominicains soient les « vraies lumières du monde - vera mundi lumina ». Or, la lumière ne peut briller sans chasser les ténèbres. Si l'on veut éclairer les intelligences, il est nécessaire de dénoncer les erreurs, spécialement les erreurs de l'heure présente. Dans une oeuvre comme la Somme théologique de saint Thomas d'Aquin, on s'aperçoit que l'exposition des erreurs et leur réfutation (dans les objections et les réponses aux objections) prend autant de place, sinon davantage, que l'exposition de la vérité (il y a 10 000 objections dans la Somme).

C'est pourquoi, tout en nous efforçant d'enseigner la vérité, nous devons dénoncer les erreurs qui menacent les intelligences catholiques de ce début du 21e siècle, notamment celles de l'Église conciliaire. Car, comme le disait Ernest Hello : "Quiconque aime la vérité déteste l'erreur. [...] Cette détestation de l'erreur est la pierre de touche à laquelle se reconnaît l'amour de la vérité. Si vous n'aimez pas la vérité, vous pouvez jusqu'à un certain point dire que vous l'aimez et même le faire croire : mais soyez sûr qu'en ce cas vous manquerez d'horreur pour ce qui est faux, et à ce signe on reconnaîtra que vous n'aimez pas la vérité."
Parmi les erreurs actuelles, vous rangez celles de « l'Église conciliaire ». Ces erreurs sont-elles contenues dans le concile Vatican II lui-même, ou viennent-elles d'une mauvaise herméneutique (interprétation) ?
La crise dans l'Église vient du Concile lui-même. Si on lit l'histoire du Concile, par exemple Le Rhin se jette dans le Tibre de Ralf Wiltgen, on voit qu'un parti libéral et moderniste a pris la direction du Concile avec l'approbation au moins tacite des papes Jean XXIII et Paul VI. C'est pourquoi le Concile a produit des textes infestés de libéralisme et de modernisme. Toutefois l'erreur est souvent plus ou moins dissimulée, car les modernistes savent très bien se cacher, comme le remarquait saint Pie X : « Telle page de leur ouvrage pourrait être signée par un catholique : tournez la page, vous croyez lire un rationaliste. » (Encyclique Pascendi.)
Donnez quelques exemples d'erreurs dans les textes du Concile. 
Comme l'avait remarqué Mgr Lefebvre, le Concile a repris les trois grandes erreurs de la Révolution dite française (liberté - égalité - fraternité) sous une forme « ecclésiastique » : liberté religieuse - collégialité - oecuménisme. Voici les documents du Concile qui contiennent ces trois erreurs, et les documents du magistère antérieur qui les condamnent : La liberté religieuse affirmée par Dignitatis humanae a été condamnée par les papes Grégoire XVI (Mirari vos), Pie IX (Quanta cura), Pie X (Vehementer nos) et Pie XI (Quas primas). La collégialité contenue dans Lumen gentium n° 22 (même corrigé par la Nota praevia) est contraire à l'enseignement de Vatican I (Pastor oeternus) sur le pouvoir suprême du pape. L' oecuménisme et le dialogue interreligieux prônés par Unitatis redintegratio et Nostra aetate, sont condamnés par Pie IX (Syllabus n° 16 et 17), Léon XIII (Satis cognitum) et Pie XI (Mortalium animos).

Au fond de ces erreurs se trouve la doctrine maçonnique de l'humanisme : tout doit être centré sur l'homme (et non plus sur Dieu). Cette erreur est exprimée dans Gaudium et spes (« tout sur terre doit être ordonné à l'homme comme à son centre et à son sommet ») et dans le discours final de Paul VI (« nous aussi, nous plus que quiconque, nous avons le culte de l'homme ») ; elle a été condamnée par Pie IX dans le Syllabus. C'est pourquoi le futur pape Benoît XVI disait à juste titre que Gaudium et spes peut être considéré comme « une révision du Syllabus de Pie IX, une sorte de contre-Syllabus ».
Pourtant le pape Benoît XVI propose une herméneutique de la continuité entre le passé de l'Église et Vatican II. Qu'en pensez-vous ?
Le pape lui-même décrit cette herméneutique comme celle du « renouveau dans la continuité de l'unique sujet Église, que le Seigneur nous a donné ; c'est un sujet qui grandit dans le temps et qui se développe, tout en restant toujours le même, l'unique sujet du Peuple de Dieu en marche ».

Par conséquent cette herméneutique permet d'enseigner une doctrine contraire à celle d'autrefois, du moment que celui qui l'enseigne est en continuité (c'est-à-dire qu'il est le successeur) de celui qui enseignait la doctrine précédente. Le pape actuel pourrait enseigner le contraire du Syllabus !

C'est conforme à la pensée moderniste selon laquelle le magistère doit transmettre l'expérience religieuse du peuple chrétien, expérience qui change avec les époques. Mais toute autre est la conception catholique du magistère, lequel doit transmettre la même doctrine, celle qu'il a reçue du Seigneur « dans le même sens et la même pensée (in eodem sensu eademque sententia) » (Vatican I.)
Mais le pape nous demande d'adhérer à Vatican II. Ne devons-nous pas obéir ?
BIEN SÛR QUE NON. Saint Paul lui-même répond dans l’Épître aux Galates (1, 8) : « Si quelqu'un, fût-ce nous-même ou un ange du ciel, vous annonçait un autre évangile que celui que nous vous avons annoncé, qu'il soit anathème ! » Et saint Pierre dit aussi : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes » (Ac 5, 29).

La nouvelle messe et l'enseignement de Vatican II mettent en péril notre foi en faisant adopter une mentalité moderniste et en favorisant l'hérésie protestante. On ne peut donc les accepter, car notre foi est ce que nous avons de plus précieux, c'est elle qui nous sauve. L'Eglise est faite pour donner la foi. Ce n'est pas l'Eglise catholique qui nous impose ces réformes, c'est « l'Église conciliaire », c'est-à dire un parti moderniste qui occupe l'Eglise et qui l'« autodétruit ». Notre devoir de catholique est de résister à ces destructeurs et de défendre l'Église notre Mère.
Vis-à-vis du pape et de la hiérarchie, devons-nous adopter une attitude de défense passive, nous efforçant de conserver la Tradition en nous contentant d'émettre quelques remarques respectueuses et discrètes, ou faut-il être plus offensif ?
Quand la foi est en danger, on a le devoir de parler pour sauvegarder le bien commun de l'Église. Mgr Lefebvre savait pratiquer l'offensive : par ses paroles (par exemple sa déclaration du 21 novembre 1974, sa conférence de presse de décembre 1983, ses sermons du 29 juin à Écône, etc.) et surtout par ses actes, en continuant d'ordonner des prêtres et en sacrant des évêques malgré l'interdiction de la Rome conciliaire. Il est vrai que depuis quelque temps, cet esprit de combat a bien diminué et cela s'avère nuisible : les fidèles sont de moins en moins fermes, et la Rome conciliaire est de plus en plus entreprenante pour éroder et faire tomber la résistance catholique. Il faut maintenir l'offensive, et c'est ce que veulent faire notre revue Le Sel de la terre et ses diverses publications, notamment le Catéchisme de la crise dans l'Église de l'abbé Gaudron et L'étrange Théologie de Benoît XVI de Mgr Tissier de Mallerais (disponibles chez DPF, BP 1, 86190 Chiré-en-Montreuil).
Vous semblez bien pessimistes. Vous n'avez pas une parole d'espoir ?
Notre espérance est dans le Cœur Immaculé de Marie. Si le pape accomplit enfin la consécration de la Russie (et nous savons qu'il la fera, mais comme pour le Roi de France, ce sera tard), alors la sainte Vierge interviendra pour sauver l'Église. En attendant il faut « résister fermes dans la foi » (1 P 5, 9), en refusant tout compromis avec l'ennemi qui occupe l'Église. L'Église catholique a les promesses de la vie éternelle, pas la secte moderniste qui l'occupe actuellement.