16 mars 2013

[Abbé Celier, fsspx - La Porte Latine] De Sainte-Germaine à Notre-Dame de Consolation - Discours inaugural à Notre-Dame de Consolation

SOURCE - Abbé Celier, fsspx - La Porte Latine - 16 mars 2013

Messieurs les Abbés, Madame la Présidente, chers Amis,

En cette soirée qui nous réunit si nombreux, je voudrais vous raconter brièvement l’histoire de la chapelle Sainte-Germaine, qui va désormais se poursuivre ici même, à Notre-Dame de Consolation. Cette crypte d’où je vous parle actuellement, et qui n’avait pas de nom spécifique, a d’ailleurs été baptisée du nom de « Crypte Sainte-Germaine », pour maintenir le souvenir d’un passé et la transmission d’un héritage que nous n’entendons nullement oublier ou brader.

Tout commence donc en 1897. A Bordeaux. Et tout commence en 1962. A Rome. Et tout commence en 1974. A Paris. Bref, la chapelle Sainte-Germaine résulte de la rencontre entre les suites de Vatican II (et au premier chef de la réforme liturgique), un prêtre connu sous le nom de Mgr François Ducaud-Bourget et une salle de spectacles parisienne.
Mgr François Ducaud-Bourget
Germain Joseph Marie naît donc à Bordeaux le 24 novembre 1897, soit quelques mois après l’incendie du Bazar de la Charité, de Jean Ducaud et de Marie-Louise Bourget. Il fait l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux, occupe quelques emplois, est mobilisé en 1917 et démobilisé en 1919, pour entrer au séminaire Saint-Sulpice d’Issy-les-Moulineaux. Il y sera ordonné prêtre le 28 juin 1924. Il est d’abord vicaire à la chapelle Sainte-Thérèse de Boulogne-Billancourt. En 1926, il est nommé vicaire à Thiais. C’est alors qu’il publie son premier roman, La clarté d’Oxford (Rédier, 1929), prenant comme nom de plume ce qui deviendra son nom usuel : François Ducaud-Bourget. En 1930, il devient vicaire à l’église Saint-Ambroise, dans le XIe arrondissement, et aumônier du lycée Voltaire. En 1935, l’abbé Ducaud-Bourget est nommé vicaire à l’église Saint-Thomas d’Aquin, dans le VIIe arrondissement. C’est en 1936 qu’il fonde la revue de poésie sacrée Matines. En 1939, il devient vicaire à l’église Saint-Louis d’Antin, dans le IXe arrondissement. C’est à ce poste qu’il est couronné par l’Académie française du Prix Heredia pour sa pièce de vers « Notre-Dame de Haute-Mort ».

Après la « drôle de guerre », où il s’engage et qui lui vaut la Croix de guerre, l’abbé Ducaud-Bourget revient à Saint-Louis d’Antin, où il va participer à un réseau de résistance, ce qui lui vaudra d’être décoré le 20 octobre 1945 de la Médaille de la Résistance, avec une élogieuse citation. En 1944, il est nommé premier vicaire à Saint-Germain l’Auxerrois, dans le Ier arrondissement. En 1945, il est promu chapelain de l’Ordre de Malte, ce qui lui vaut le titre de « Monseigneur ». En 1950, il obtient un congé de son archevêque pour trois ans, pendant lequel il voyage et écrit. En 1955, il part pour Haïti, appelé là par Mgr Poirier, archevêque de Port-au-Prince. Il n’y restera que trois ans, sa santé supportant mal le climat tropical. Finalement, Mgr Ducaud-Bourget est nommé en 1960 aumônier de l’hôpital Laennec, dans leVIIe arrondissement, qui jouit d’une belle chapelle. Ce sera sa dernière affectation « officielle » dans le diocèse de Paris.
La crise de l’Église à l’orée des années 70
Après la mort de Pie XII, en 1958, est élu Jean XXIII. Le 25 janvier 1959, celui-ci annonce la convocation d’un concile. Vatican II (1962-1965) aura une histoire complexe, sur laquelle nous ne nous étendrons pas. Mais, le 4 décembre 1963, est promulguée la Constitution Sacrosanctum Concilium, qui ouvre la voie à une transformation majeure de la liturgie. Les réformes vont se succéder avec rapidité : la décennie ne sera pas achevée que la langue liturgique aura changé, la messe et les sacrements auront été substantiellement modifiés, la façon même de célébrer la liturgie aura subi une véritable révolution. Cette déstabilisation institutionnelle est accompagnée d’une profonde « révolution culturelle », dont Mai 68 va constituer le point d’orgue. Une étonnante folie saisit nombre de clercs durant les années 60-70, et leur fait brader par milliers les objets liturgiques venus du passé, qui prennent le chemin du brocanteur, et même souvent de la décharge.

Pendant ce temps, que fait Mgr Ducaud-Bourget ? Il ne fait rien… tout simplement ! C’est-à-dire qu’il ne change rien à ce qu’il a toujours fait. Persuadé à bon droit, comme l’a rappelé le Motu proprio Summorum Pontificum de 2007, que les rites traditionnels de la liturgie ne sont pas interdits, et ne peuvent l’être, il continue tranquillement de dire la messe comme on le lui a appris. Sans aucune publicité, il célèbre la liturgie traditionnelle dans la chapelle de Laennec.
Un déferlement suivi d’une éviction
Or, à partir de 1967-1968, de semaine en semaine, l’assistance à la messe de Mgr Ducaud-Bourget se met à grimper en flèche. Il y a d’abord dix personnes, puis vingt, puis cinquante, puis cent, et ceci sans discontinuer. Certains catholiques désemparés se communiquent en effet le nom de Mgr Ducaud-Bourget. A partir de 1969-1970, mise en place de la « nouvelle messe », l’augmentation devient spectaculaire : un millier de fidèles aux deux messes du dimanche puis aux quatre messes. Au point que l’aumônier, pour faire face, est obligé de se faire aider d’un autre prêtre, l’abbé Lhuillier, vicaire à Saint-Germain l’Auxerrois. Ce déferlement, opposé à « l’air du temps », ne plaît guère à la direction de Laennec. Sous sa pression, l’archevêché de Paris réprimande Mgr Ducaud-Bourget, qui finit par démissionner le 1er novembre 1971.
La première chapelle Sainte-Germaine et l’errance dans des salles de spectacle
Mgr Ducaud-Bourget, à l’âge de 74 ans, se retrouve ainsi comme à la retraite. La solution la plus simple serait de se consacrer à son œuvre poétique et littéraire. Personne ne lui en tiendrait rigueur. Mais ce serait laisser à l’abandon ces milliers de catholiques qui veulent rester fidèles à la liturgie traditionnelle. Mgr Ducaud-Bourget n’hésite guère, et il accepte la proposition d’un fidèle, qui met à sa disposition un local commercial au 12 rue de la Cossonnerie, dans le Ier arrondissement : une rue perpendiculaire à la « chaude » rue Saint-Denis, ce qui va entraîner d’étranges croisements entre les paroissiens et certaines « dames » peu habillées. Au début de 1972, ce local est inauguré sous le nom de « chapelle Sainte-Germaine ».

Pourquoi ce patronage de sainte Germaine ? Il n’existe pas d’explication certaine. Mais, selon les témoignages, Mgr Ducaud-Bourget, natif de Bordeaux, avait une dévotion personnelle envers la sainte de Pibrac (près de Toulouse). Il voyait sans doute dans la bergère méconnue un modèle pour la situation de la messe traditionnelle (mise à l’écart et méprisée), et peut-être aussi un peu pour sa propre situation dans le clergé parisien.

Toutefois, si la chapelle de la rue de la Cossonnerie convient pour l’office en semaine, elle ne peut servir pour l’apostolat du dimanche, : impossible d’y accueillir plusieurs milliers de paroissiens. Reste une seule solution : louer une salle de réunion chaque dimanche et y célébrer l’office. On commence par le Musée social, au 5 rue Las Cases. Pour des raisons de taille de la salle, en particulier, les offices sont ensuite organisés à la Société d’encouragement pour l’Industrie, au 44 rue de Rennes. Mais évidemment, tout cela est précaire et peu satisfaisant.

Mgr Ducaud-Bourget, persuadé à bon droit de la pérennité de la messe traditionnelle, ainsi que de la nécessité pour tant de fidèles d’accéder à un lieu de culte digne et décent, ne va cesser de faire des démarches auprès de l’archevêque de Paris en vue d’obtenir la jouissance d’une église. Malheureusement, dans le cadre de cette recherche, il sera comme poignardé dans le dos par la personne qui possède le bail de la rue de la Cossonnerie. C’est donc la rupture.
La salle Wagram et la deuxième chapelle Sainte-Germaine
L’errance reprend ainsi pendant une année entière, encore plus difficile puisqu’on n’a même plus de chapelle de semaine. Dans cette recherche d’un lieu hospitalier, c’est à la salle Wagram, rue de Montenotte dans le XVIIe arrondissement, paradis des matchs de boxe et de catch, qu’un miracle va se produire. Il s’avère que la famille qui gère ce lieu est de sympathie « traditionaliste ». Elle propose donc à Mgr Ducaud-Bourget d’y louer chaque dimanche matin la salle semi-souterraine. Mais s’ajoute à cela un local en fond de cour au 19 avenue des Ternes, relié à la salle Wagram. C’est là que Mgr Ducaud-Bourget installe la (deuxième) chapelle Sainte-Germaine. C’est donc en janvier 1974 que commence l’aventure de la salle Wagram, qui va durer vingt-cinq ans, et celle de la chapelle Sainte-Germaine. A partir de septembre 1977, à la suite de l’installation de Mgr Ducaud-Bourget comme desservant de l’église Saint-Nicolas du Chardonnet, l’abbé Vincent Serralda devient chapelain de la salle Wagram et de la chapelle Sainte-Germaine.
La transmission à la Fraternité Saint-Pie X et la recherche d’un nouveau lieu
En 1990, l’abbé Serralda atteint sa quatre-vingt-cinquième année et, malgré sa robuste santé, il devient temps de penser à sa succession. Or aucune solution envisagée au fil des années ne s’est révélée pérenne. L’abbé Serralda est donc obligé de conclure que la seule œuvre sur laquelle il peut vraiment compter est celle fondée par Mgr Marcel Lefebvre à Écône. C’est pourquoi, en 1996, il décide de confier la communauté qu’il dirige à la Fraternité Saint-Pie X et accueille pour lui succéder l’abbé Christian Bouchacourt, auquel succédera un an plus tard l’abbé Nicolas Portail.

Comme le recrutement de la communauté se modifie progressivement (en raison des prix du logement, Paris se vide tandis que les départements de la couronne se remplissent), en 1999 le desservant de l’époque, l’abbé Daniel Joly (parti vers le Seigneur le 31 août 2012, des suites d’une longue maladie), prend la décision de renoncer à l’usage de la salle Wagram et de ne conserver que la chapelle Sainte-Germaine.

Cette décision rend plus criant le piteux état du bâtiment, réellement peu digne du Seigneur Jésus-Christ et malcommode pour la vie paroissiale. La chapelle Sainte-Germaine, en effet, est un espace assez peu avenant, de forme irrégulière, à plafond bas, en mauvais état et, de plus, imbriqué dans la vie d’un immeuble d’habitation. Le lieu possède une capacité d’accueil réduite. L’environnement immédiat est dégradé (poubelles, cour abîmée, bruit, etc.).

L’abbé Serralda avait caressé durant de longues années l’espoir, bien légitime au demeurant, de bénéficier d’un véritable lieu de culte pour sa nombreuse communauté. Malheureusement, ses espérances furent toujours déçues. C’est pourquoi, dès l’arrivée de l’abbé Bouchacourt, fut lancé le projet de trouver un local mieux adapté. La première option qui s’offrait, la plus simple, consistait à racheter le bâtiment entier de la chapelle, à le restructurer et à le réhabiliter. Malheureusement, le propriétaire du lieu, très négligent, sollicité à de nombreuses reprises et sous diverses formes, ne daigna jamais donner suite. Il ne restait donc que l’option de trouver un local pas trop éloigné de l’avenue des Ternes et susceptible de devenir un lieu de culte. Des bâtiments de ce type sont toutefois rares et chers à Paris. C’est pourquoi, au fil des années, entre 40 et 50 sites furent examinés par diverses équipes de fidèles motivés. Et, à deux reprises, les négociations furent poussées très loin. Mais, dans tous les cas, des obstacles empêchèrent la réalisation de ces projets.
Le projet à Levallois-Perret
Lorsque je suis devenu prieur, à la suite de la tragique disparition, le 15 septembre 2009, du prieur de l’époque, l’abbé Didier Bonneterre, ma conviction fut rapidement faite : il fallait absolument trouver un lieu convenable pour la communauté. Seulement, il me semblait juste et sage de tenter un dernier effort auprès du propriétaire du 19 avenue de Ternes car, si cela était possible dans des conditions convenables, il était meilleur de conserver l’implantation existante. Mais des courriers divers pendant plus d’un an n’auront pas suffi à ce que j’arrive simplement à rencontrer ledit propriétaire, apparemment assez peu soucieux de ce bâtiment qu’il possède.

Je m’apprêtais donc à relancer la recherche d’un autre bâtiment convenable lorsque, le 1er septembre 2011, un agent immobilier est entré spontanément en contact avec moi pour me proposer un bâtiment en bordure du XVIIe arrondissement, dans le tout proche Levallois-Perret, à moins de deux kilomètres de l’avenue des Ternes. Ce bâtiment permettait d’envisager un ensemble pastoral complet à l’imitation de la chapelle des Ternes, mais nous appartenant entièrement et nettement plus grand. Nous pourrions y bénéficier d’une chapelle de plus de 200 places avec une belle hauteur de plafond, un narthex et une grande sacristie ; d’une grande salle paroissiale et d’un espace de stockage ; d’un bâtiment pour le « prieuré » ; enfin, d’une cour privative pour la sortie de messe.

L’offre me semble correspondre à nos besoins et, après avoir visité le bâtiment sans tarder, je propose l’affaire au Supérieur de District, qui décide d’avancer sur ce projet. Je récolte et prépare tous les documents nécessaires à une prise de décision, en sorte que, moins de deux mois plus tard, le District de France comme le Supérieur général de la Fraternité ont donné leur accord définitif, et que les négociations d’achat commencent.

Toutefois, pendant que ce projet avance et que je suis focalisé sur lui, le Supérieur de District me prend un jour à part et me signale que, si ce projet de Levallois-Perret lui paraît intéressant, un autre projet vient de se lancer à Paris même, une véritable chapelle, celle de l’incendie du Bazar de la Charité, et que donc il faudra peut-être abandonner en route ce projet Levallois dans lequel je suis fortement investi. Ma réponse est sans équivoque : « Si le projet de cette chapelle à Paris aboutit, j’en serai très heureux ; si la chapelle Sainte-Germaine est désignée pour en prendre la charge, je le ferai volontiers et j’abandonnerai sans regret le projet Levallois ; mais je suis absolument persuadé, totalement certain que ce projet à Paris n’aboutira jamais, trop d’obstacles s‘y opposant radicalement ». Comme vous pouvez le constater, je suis vraiment un homme de peu de foi et un très médiocre prophète, puisque c’est dans ladite chapelle Notre-Dame de Consolation que, quelques mois plus tard, j’ai le plaisir de vous raconter cette anecdote.

D’ailleurs, et sans doute providentiellement, comme pour les deux projets lancés par mes prédécesseurs, le projet Levallois finit par échouer plus d’un an après avoir été lancé, en butant sur un obstacle technique insurmontable.
La négociation du bail emphytéotique
Pendant ce temps, donc, l’Association Mémorial du Bazar de la Charité est entrée en contact avec la Fraternité Saint-Pie X en vue de lui confier, éventuellement, la charge et le bénéfice de la chapelle Notre-Dame de Consolation. Je n’ai pas vocation à parler à la place de la Présidente de l’Association, mais disons pour faire court qu’après soixante ans de présence, les Missionnaires catholiques italiens ne sont plus en mesure d’assurer sérieusement l’entretien du bâtiment. Que faire alors ? Le louer à une entité commerciale, c’est prendre le risque de dénaturer gravement ce monument essentiellement religieux. Mais quelle congrégation actuelle va vouloir prendre la charge d’un tel bâtiment, alors qu’elles en sont plutôt réduites à vendre leurs propres bâtiments ? C’est alors que l’idée germe de regarder du côté des catholiques attachés à la Tradition, car eux manifestent un véritable dynamisme et sont en recherche de lieux de culte.

L’Association entre ainsi en contact avec le District de France de la Fraternité Saint-Pie X, lequel se montre intéressé par la reprise de cette chapelle. La forme d’un bail emphytéotique de cinquante ans est choisie comme la meilleure structure juridique. Ce type de bail a ceci de particulier que le locataire ne paie qu’un loyer symbolique au propriétaire, mais qu’en revanche il agit pendant le bail comme un propriétaire et peut réaliser sur le terrain des constructions qui reviendront toutefois intégralement au véritable propriétaire à l’issue du bail. Classiquement, un propriétaire consent un bail emphytéotique à un paysan pour un terrain sur lequel ce paysan va construire une grange, que ce paysan va utiliser durant le bail, mais qui reviendra au propriétaire à la fin.

Sauf que, dans notre cas, le bâtiment n’est pas à construire, ni même à modifier, mais seulement à utiliser et à entretenir. Par ailleurs, c’est l’Association du Mémorial et non pas la Fraternité Saint-Pie X qui a la charge morale de conserver le souvenir des victimes. Il est donc nécessaire d’adapter à la situation spécifique du monument les clauses les plus usuelles d’un bail emphytéotique. Après donc le vote en faveur de la Fraternité du Conseil d’Administration de l’Association, puis de son Assemblée générale, commence la rédaction du bail, qui sera longue, complexe et minutieuse. Au cours des débats, la situation respective des deux parties finit par se clarifier. La Fraternité va agir durant cinquante ans comme un propriétaire pour l’usage et l’entretien du bâtiment, mais en respectant sa spécificité ; son rôle est de le faire vivre religieusement par la prédication de la foi, les offices liturgiques et la vie paroissiale. L’Association Mémorial du Bazar de la Charité garde seule la charge d’entretenir le souvenir des victimes, et bénéficie pour cela de tous les moyens nécessaires : en particulier, elle conserve ici même son siège social, jouit dans le bâtiment d’un bureau, d’une boîte aux lettres et d’un panneau d’affichage, peut y organiser ses réunions, s’occupe des visites du monument, etc. Si nous avons sué sang et eau pour mettre au point ce bail, je ne le regrette finalement pas car, à le relire à tête reposée, il m’apparaît comme un modèle de clarté et d’équilibre, chacune des deux parties connaissant parfaitement ses droits et ses devoirs.

Finalement, ce bail emphytéotique va être signé le lundi 14 janvier 2013, les religieux italiens s’étant établis à l’église Saint-Pierre de Chaillot depuis le 1er janvier. Et je considère qu’a eu lieu pendant cette longue négociation le plus grand miracle de toute cette affaire, qui pourtant n’en manque pas. L’Assemblée générale de l’Association s’est déroulée le 25 juin 2012, et elle mobilisait, sauf erreur de ma part, une centaine de personnes. Ce qui signifie, puisque rien n’a filtré jusqu’à la signature, que cent personnes, hommes et femmes, ont su tenir leur langue pendant plus de six mois. Avouez qu’il a fallu pour cela une intervention divine d’une particulière efficacité.
Le déménagement
Le bail étant enfin signé, tout commence. Depuis que se dessine la perspective de cette signature, deux dates se sont imposées à moi. Je souhaite, d’une part, annoncer ce grand changement lors du sermon que, chaque année, je consacre à la situation matérielle de la communauté, et la date en est fixée au dimanche 20 janvier. Je rêve, d’autre part, de célébrer la Semaine sainte dans ce lieu exceptionnel, pour bénéficier en particulier du Chemin de croix à l’occasion du Vendredi saint. Ceci nous oblige à fixer l’inauguration aux 16 et 17 mars. Ce qui signifie qu’il s’écoulera moins de deux mois entre l’annonce du déménagement et l’inauguration du nouveau lieu. Il faut faire vite, et même très vite, et pour cela préparer les choses avec grand soin tout en se mobilisant au maximum. C’est d’ailleurs durant ces deux derniers mois que j’ai découvert avec stupéfaction que, sans que j’en sois prévenu à l’avance, les journées avaient subrepticement été réduites à vingt-quatre heures, ce qui ne laisse vraiment guère de temps pour faire tout ce qu’il y a à faire chaque jour.

Il s’agissait d’abord de préparer le déménagement de Sainte-Germaine, après quarante ans de présence en un même lieu. Ce n’était pas rien. Nous avons commandé 500 caisses à archives, plus de 400 mètres de papier bulle et 50 rouleaux de ruban adhésif. Nous avons reçu le déménageur pour bien définir les conditions de ce déménagement complexe. Des équipes de volontaires ont préparé du 15 janvier au 15 février la salle du deuxième étage : 300 boîtes à archives ont été remplies, sans compter les objets emballés directement et le mobilier. Les deux prêtres ont préparé le déménagement des deux appartements durant le mois de février : 170 boîtes à archives ont été remplies. Enfin, la chapelle a été emballée le lundi 4 mars : une cinquantaine de boîtes à archives ont été remplies. En tout, le déménagement a comporté plus de 500 boîtes à archives, 400 colis emballés directement et une centaine de meubles, grands ou petits.

Une entreprise (Hartmann) nous a livré le 29 janvier une armoire forte pour y placer tous les objets liturgiques précieux que nous confie l’Association. Une société spécialisée (Pianodem) a transporté le 4 mars l’orgue des Ternes (pour la chapelle), ainsi qu’un orgue qui nous a été donné et qui était récemment stocké dans les Yvelines (pour la crypte). Une société de déménagement (Démex) a réalisé du 4 au 7 mars, ainsi que le 11 mars, tout le déménagement classique, avec six déménageurs, trois camions et deux monte-meubles. Du 11 au 15 mars, des équipes de paroissiens volontaires se sont relayées ici même pour nettoyer, défaire les cartons et les colis, mettre tout en place et préparer l’inauguration.

Pendant ce temps, il a fallu rencontrer, et pour certains à plusieurs reprises, le chauffagiste, l’électricien, le serrurier, l’expert d’assurance, la compagnie du gaz, le responsable d’un cabinet de sécurité, une entreprise de vidéo et de son. Pendant ce temps, il a fallu aussi régler avec la Poste et nos prédécesseurs italiens la question du courrier, car toutes nos lettres finissaient à l’église Saint-Pierre de Chaillot. Et encore pendant ce temps, il a fallu diffuser les deux mille invitations lancées pour l’inauguration, expédier à tous les prêtres du District des exemplaires de notre tract, participer à une émission de radio et répondre à des entretiens de revue. Et toujours pendant ce temps, une équipe de courageux volontaires s’occupait à replacer la grille de communion, à nettoyer et faire briller l’autel et le chœur, à débarrasser et à laver la sacristie, à redonner du lustre au monument de la duchesse d’Alençon et aux stations du chemin de la croix : comme seules les neuf premières stations ont pu être restaurées, vous pourrez d’ailleurs apprécier la différence.
Les travaux prévus
Mais l’état actuel de Notre-Dame de Consolation ne constitue qu’une mise en place très sommaire, étant donné le temps très court dont nous disposions. Dès lundi 18 mars, il faudra s’y remettre et continuer à ranger et à nettoyer. Cela durera un certain nombre de semaines, d’autant qu’il faudra s’interrompre pour la Semaine sainte. Je pense que fin mai, les choses auront toutefois pris leur place définitive, l’aspect sera à peu près ce que nous voulons qu’il soit.

Mais cela même n’est qu’une première étape. Car, conformément au bail, et en fonction des besoins propres du bâtiment, le lieu va connaître des travaux d’une quadruple nature. Premièrement, il va falloir achever la rénovation de la coupole, réalisée pour moitié par l’Association ces dernières années. Deuxièmement, il va falloir procéder à un grand nettoyage, qui n’a jamais été réalisé depuis cent dix ans que cette chapelle existe, nettoyage tant extérieur (ravalement de la façade salie par la pollution) qu’intérieur (nettoyage de la chapelle et du chemin de croix salis par le chauffage à air pulsé qui, très longtemps, a été au charbon). Troisièmement, il faut réaliser des aménagements dans la partie Prieuré, où habiteront les prêtres, pour la rendre plus commode et plus agréable. Quatrièmement, il convient de travailler à améliorer l’accessibilité de la chapelle (située au premier étage) pour les personnes ayant du mal à monter les escaliers.

Évidemment, ceci ne peut se faire en un jour : il faut, en réalité, envisager une année de préparation, puisqu’il y aura détermination entre les abbés et l’architecte des besoins et des possibilités techniques ; ensuite préparation des plans ; puis accord de l’Association et de l’architecte des Monuments historiques pour les travaux envisagés ; ensuite sollicitation des entreprises et passation des contrats ; enfin, lancement effectif du chantier. La durée de celui-ci peut être estimée raisonnablement à une année pleine. Nous espérons donc voir le bâtiment pleinement opérationnel et restitué à sa splendeur primitive à la fin de l’année 2014 ou au début de l’année 2015.

Mais qui dit travaux, chers amis, dit forcément sous, pognon, pépette ou, pour parler comme les Tontons flingueurs, « grisbi ». Je vous le dis en toute sincérité : nous ne sommes subventionnés ni par le Qatar, ni par l’Arabie saoudite, ni par le Venezuela, pas même par la Corée du Nord. Sans doute, me répondrez-vous, mais ce n’est pas grave, puisque tout le monde sait que la Fraternité Saint-Pie X est richissime. Hélas ! Trois fois hélas ! Ce mythe de l’immense richesse de la Fraternité Saint-Pie X n’est malheureusement… qu’un mythe ! Ce que, pour ma part, je regrette amèrement : je préférerais de beaucoup recevoir lundi matin un chèque de Suresnes pour payer tous les travaux que j’ai prévus.

Il est accablant de le dire, mais je ne trouverai rien de tel dans mon courrier lundi matin. Si la Fraternité réussit des exploits en réhabilitant des bâtiments pour le culte, ce n’est pas en bénéficiant d’une manne cachée, mais tout bonnement grâce à l’aide généreuse des fidèles. Je vous lance donc un appel pressant, et à travers vous à tous les catholiques : nous avons besoin d’aide pour pouvoir réaliser ces travaux dont nous avons le projet. Soyez nos soutiens par vos dons, mais soyez aussi nos ambassadeurs et nos représentants auprès de vos amis et connaissances, pour leur faire part de la réalité magnifique qu’est Notre-Dame de Consolation, et les inciter ainsi à devenir également de généreux donateurs.
Une nouvelle étape pour notre communauté
Pour conclure cette allocution déjà trop longue, je voudrais dire d’abord à tous les paroissiens de Sainte-Germaine que Notre-Dame de Consolation constitue une étape dans la vie de notre communauté, étape dont j’espère qu’elle sera la dernière. Nous avons connu Laennec, la rue de la Cossonnerie, la rue Las Cases, la rue de Rennes. Nous avons connu la salle Wagram. Nous avons connu durant presque quarante ans la petite chapelle Sainte-Germaine de l’avenue des Ternes. Et, de tous ces lieux, nous avons conservé des souvenirs magnifiques, émouvants, profonds. Nous ne les oublierons jamais. Mais aujourd’hui, la Providence nous a guidés jusqu’à cette chapelle Notre-Dame de Consolation, qui est véritablement ce lieu digne du Seigneur Jésus-Christ et commode pour la vie paroissiale que nous recherchions.

Ensuite, en votre nom à tous et de la façon la plus solennelle qui soit, je voudrais exprimer à l’Association Mémorial du Bazar de la Charité, si dignement représentée ce soir, et qui nous a confié ce précieux monument de la rue Jean Goujon, nos plus sincères remerciements : nous nous engageons à vraiment justifier leur confiance et leur générosité.

Enfin et surtout, je voudrais appeler tous les fidèles catholiques à adresser au Ciel les plus vives actions de grâces pour cette étape capitale de l’apostolat de la Tradition catholique à Paris, pour cette bénédiction inespérée que Dieu a bien voulu faire pleuvoir sur nous. Comme le dit à chaque messe la Préface : « Vraiment, il est digne et juste, équitable et salutaire de vous rendre grâces en tous lieux et toujours, et spécialement pour… » Eh bien ! aujourd’hui, notre motif spécial d’action de grâce sera pour cette chapelle Notre-Dame de Consolation, qui va accueillir nos prières et notre vie chrétienne au moins pour les cinquante années à venir.

Je vous remercie de votre attention.

Samedi 16 mars 2013 - Abbé Grégoire Celier, prieur