15 octobre 2004

[Abbé Philippe Laguérie - Le Mascaret] "...blessé, dégoûté – mais plus résolu que jamais ..."

SOURCE - Abbé Philippe Laguérie - Le Mascaret - septembre/octobre 2004

J’avais d’abord pensé écrire ici une lettre ouverte à Mgr Fellay, sorte d’épilogue à ce terrible été qui, après 31 ans de soutane et 25 ans de sacerdoce par, dans et pour la Fraternité, m’a exclu comme un malfaiteur sans même oser le dire: «Vous serez considéré comme n’appartenant plus…», quel courage. Mais les cicatrices de ces deux mois d’enfer ecclésiastique sont là, ouvertes, béantes, pleines de sang et de sueur. Je risquerais des formules irrespectueuses. Il ne le faut absolument pas. Mgr Fellay a cru son Autorité personnelle attaquée ; il n’a vu que cela, il ne voit encore que cela. Quant à moi, je suis blessé, dégoûté – mais rassurez-vous plus résolu que jamais – et quelques semaines de calme donneront à la réponse que je dois absolument à Mgr plus de sérénité, de profondeur et de vérité. 
 
C’est donc à vous que je préfère m’adresser. Pour vous redonner courage, dans cette persécution que vous subissez : « Aussi bien, tous ceux qui voudront vivre pieusement dans le Christ Jésus auront à subir persécution » (saint Paul à Tim.). L’apôtre savait aussi que les souffrances viennent parfois des “faux frères”. Il ne voulait pas que ses propres difficultés affectent ses fidèles : « Ne vous laissez pas troubler par les souffrances que j’endure pour vous : elles sont votre gloire ». 
 
Fidèles de Bordeaux ou d’ailleurs, relevez donc la tête ! Vous avez été et vous êtes merveilleux à nos côtés. Vous avez démontré à la face du monde où était le respect pour le sacerdoce et le sacerdoce en herbe, les séminaristes. Vous avez démontré aussi avec nous que l’Autorité, toute divine qu’elle soit, ne peut jamais être sa propre fin et ne viser, dans son exercice, qu’à se préserver elle-même. Vous avez démontré que la Fraternité Saint Pie X ne peut ni ne doit devenir ce que nous l’avons vu cet été : une zone de non droit, d’arbitraire de crispation autoritaire, de violence même. 
 
Vous avez affiché votre intention de la défendre, coûte que coûte, contre elle-même, pour lui rappeler ses origines « essentiellement apostolique ( art. 2 des statuts )», par et pour le sacerdoce, dans la charité de son incomparable fondateur dont nous faisons nôtre la devise : « Credidimus Caritati ». Oui, nous croyons encore à la charité et au souffle de l’Esprit Saint pour que des frères d’armes et des soldats du Christ (Tim.), au lieu de se déchirer et de s’exclure, bâtissent et construisent ensemble. De la phrase de Jérémie (1, 9- 10), ils n’ont retenu que le début et oublié la fin : « Vois, je t’ai établi en ce jour sur les nations et les royaumes, pour arracher et pour abattre, pour bâtir et pour planter… ». Arracher et abattre, sûrement pas des frères. Mais plutôt bâtir et planter toujours avec ses frères. 
 
J’ai dit à Monsieur l’abbé de Cacqueray, le soir du dimanche 15 août : « Monsieur l’abbé, je ne vous connaissais pas tant d’énergie et de capacité. J’en ai été admiratif. Si depuis deux ans, vous les aviez utilisées à m’aider, me soutenir et m’encourager à Bordeaux, on n’en serait pas là ». Quand je lis dans les revues sous la plume des abbés Lorans, Célier (dont la tête est réclamée par Chiré en Montreuil, ce qui explique son zèle soudain à me pourfendre…) et de Cacqueray que tout a été entrepris pour sauver votre serviteur, j’éclate de rire. A part : « Enlevez vos recours, et partez au Mexique », je n’ai rien, absolument rien entendu d’autre. C’est quand même fort de café ! Le ridicule ne tue plus personne, pas même l’abbé Lorans, ce vieil ami que je croyais plus fier… 
 
Alors, chers fidèles, si vous me comprenez bien, ne regardez pas les difficultés locales présentes ; elles sont le prix à payer pour la grande victoire que nous avons d’ores et déjà remportée ensemble. Rien ne sera comme avant, les remises en question vont bon train. Je suis au fond très fier de vous. Saint-Eloi vit, prospère, et la Fraternité peut et doit suivre. Que mes ennemis sachent que je leur pardonne de tout coeur ; c’est pour eux que j’ai fait tout cela et non pour moi (qu’avais-je à y gagner ? ) ; et s’ils m’ont pris pour un adversaire à abattre, je les considère toujours comme des frères à conforter. 
 
Abbé Philippe Laguérie