15 septembre 2012

[Lettre à Nos Frères Prêtres de Septembre 2012 (3)]Prêtre et victime avec le Christ

SOURCE - Lettre à Nos Frères Prêtres n°55 - mise en ligne par La Porte Latine - Septembre 2012

Cette prédication de l’Évangile a pour but d’amener les âmes à s’unir à Jésus-Christ, unique Médiateur et Rédempteur, et particulièrement dans l’acte suprême de sa Médiation et de sa Rédemption, à savoir le sacrifice du Calvaire renouvelé sur l’autel.
 
C’est en effet par le ministère du prêtre que se consomme le sacrifice spirituel des chrétiens, en union avec le sacrifice du Christ, unique Médiateur, offert au nom de toute l’Église dans l’Eucharistie par les mains du prêtre, de manière sacramentelle et non sanglante, jusqu’à ce que vienne le Seigneur lui-même.
 
C’est là qu’aboutit son ministère, c’est là qu’il trouve son accomplissement : commencé par l’annonce de l’Évangile, il tire sa force et sa puissance du sacrifice du Christ et il aboutit à ce que, comme le dit saint Augustin, « la Cité rachetée tout entière, c’est-à-dire la société et l’assemblée des saints, soit offerte à Dieu comme un sacrifice universel par le Grand-Prêtre qui est allé jusqu’à s’offrir pour nous dans sa Passion, pour faire de nous le Corps d’une si grande Tête ».
Le sacrifice du Calvaire
Le sacrifice de la Croix, moment de la plus grande gloire de Dieu et du salut des âmes, a été la raison d’être de l’Incarnation, et cette « heure » vers laquelle le Christ Prêtre tendait de toute ses forces. Le sacrifice du Calvaire a été la grande prière de Notre Seigneur : c’est là qu’il s’est offert totalement à Dieu son Père, c’est là qu’il a imploré « avec une grande clameur » le salut des âmes.
Le coeur de l’Église
C’est pourquoi, « toutes les fois que se célèbre la commémoration de ce sacrifice, l’oeuvre de notre rédemption s’accomplit ». La liturgie de la messe est ainsi le coeur de la théologie, de la pastorale et de la vie de l’Église. Pour cette raison, le sacrifice de la messe, qui est la continuation et la réactuation de l’unique sacrifice du Calvaire, est la grande prière de l’Église, par conséquent du prêtre qui en est le ministre.

Aussi le prêtre, pour lequel le « Pour moi, vivre c’est le Christ » de saint Paul doit être une réalité, va vivre l’âme fixée en ce sacrifice de la messe qui prolonge la Passion rédemptrice de Jésus. Il doit ainsi orienter sa vie vers ce qui est essentiellement sa raison d’être et son but : le saint sacrifice de la messe, avec tout ce qu’il signifie, tout ce qui en découle, tout ce qui en est le complément.
La messe, source de l’apostolat
Et, parce que la messe est essentiellement apostolique, apte à convertir et à sanctifier les âmes pour la gloire du Père, elle doit être la source première et indispensable de l’apostolat du prêtre. Aussi le prêtre doit-il vivre dans cette conviction de foi que toute l’efficacité de son apostolat découle du sacrifice de Notre Seigneur Jésus-Christ qu’il offre quotidiennement.
 
C’est donc le coeur de son apostolat, là qu’il trouve la source de son zèle pour aller prêcher aux âmes et les attirer à l’autel, près de Jésus, pour s’offrir avec lui dans l’unique sacrifice rédempteur.
« Connaissez ce que vous réalisez »
« Agnoscite quod agitis », « Connaissez ce que vous réalisez », dit l’évêque au prêtre qu’il ordonne. Celui-ci doit donc avoir une dévotion véritable et continuelle pour la sainte messe qu’il célèbre, pour la liturgie qui l’auréole et pour tout ce qui peut rendre la liturgie expressive du mystère qui s’y accomplit.
 
Il doit avoir à coeur de tout faire pour préparer spirituellement et matériellement le sacrifice, afin de « fréquenter dignement ce mystère ». Une connaissance théologique et liturgique profonde du sacrifice de la messe le convaincra toujours plus qu’en cette réalité sublime se réalise toute la Révélation, le mystère de la foi, l’achèvement des mystères de l’Incarnation et de la Rédemption, toute l’efficacité surnaturelle de son apostolat.
« Imitez ce que vous touchez de vos mains »
« Imitamini quod tractatis », « Imitez ce que vous touchez de vos mains », dit encore le pontife à l’ordinand. S’il est vrai que la croix de Jésus est le moyen de sanctification des âmes en général, alors il est clair que cette croix est tout particulièrement la raison et la voie de la sanctification du prêtre. Or la croix de Jésus est rendue présente sur l’autel, par le sacrifice de la messe. Le prêtre, qui a pour mission d’offrir le sacrifice de la messe, y trouve donc la raison essentielle et continue de sa propre sanctification, et le moyen de sanctifier le peuple fidèle.
 
C’est pourquoi, comme le disait la mère de Don Bosco à son fils le jour de sa première messe, « commencer à dire la messe, c’est commencer à souffrir », car c’est commencer à s’unir d’une façon toute spéciale à la croix de Jésus. La messe est donc et sera toujours le grand programme de la vie sacerdotale, comme le grand programme de la vie chrétienne.
« Une hostie vivante, agréable à Dieu »
La surabondante Rédemption du Christ nous a fait remise de toutes nos fautes. Cependant, par une admirable disposition de la sagesse divine, nous devons compléter dans notre chair ce qui manque aux souffrances du Christ pour son Corps qui est l’Église. Aussi bien, aux louanges et aux satisfactions dont le Christ s’est acquitté envers Dieu au nom des pécheurs, pouvons-nous, et même devons-nous ajouter encore nos louanges et nos expiations.
 
Mais nous ne devons jamais l’oublier, toute la vertu d’expiation découle uniquement du sacrifice sanglant du Christ, qui se renouvelle sans interruption d’une manière non sanglante sur nos autels, car « c’est toujours une seule et même victime, c’est le même qui s’offre maintenant par le ministère du prêtre et qui s’offrit jadis sur la croix ; seule la manière d’offrir diffère ».
 
C’est pour cette raison qu’au sacrifice eucharistique, tous les chrétiens, et en premier lieu les prêtres, doivent joindre leur propre immolation, de manière à s’offrir eux aussi « comme des hosties vivantes, agréables à Dieu ». Saint Cyprien ne craint pas d’affirmer que « le sacrifice du Seigneur n’est pas célébré avec la sainteté requise si notre propre oblation et notre propre sacrifice ne correspondent pas à sa Passion ».
S’offrir avec le Christ victime
Saint Paul exhorte les fidèles du Christ, et d’abord les prêtres, à porter dans leur corps la mort de Jésus, à s’ensevelir avec Jésus et à se greffer sur lui par la ressemblance de sa mort, non seulement en crucifiant leur chair avec ses convoitises, mais encore en manifestant la vie de Jésus dans leur corps, enfin à offrir, unis à son éternel sacerdoce, des dons et des sacrifices pour leurs péchés.

Plus l’oblation personnelle du prêtre ressemblera au sacrifice du Christ et lui sera unie, autrement dit plus parfaite sera l’immolation de l’amour-propre, plus abondants seront les fruits de propitiation et d’expiation que le prêtre recueillera pour lui-même, pour ses fidèles et pour le monde entier.
« Je monterai à l’autel de Dieu »
Le prêtre doit ainsi désirer et doit travailler à monter chaque jour à l’autel du sacrifice dans les mêmes sentiments qu’il y est monté la première fois : avec le même amour, la même ardeur, le même zèle, la même humilité, la même contrition de ses fautes, la même action de grâces. Tous les jours devraient être comme le jour de sa première messe : « Je monterai à l’autel de Dieu, vers Dieu qui renouvelle la joie de ma jeunesse ».
 
Aimer l’autel, vivre de l’autel, prier près de l’autel, amener les âmes à vivre de l’autel, en union avec le Christ mort et ressuscité, voilà la sublime vocation du prêtre.