16 juillet 2012

[SPO] Accords FSSPX/Rome : le chaud et froid perpétuellement - Comment va-t-on en sortir ?

SOURCE - SPO - 16 juillet 2012

Ça ne cessera donc jamais : depuis septembre dernier, où le processus de reconnaissance de la FSSPX est enclenché, les chauds et les froids se suivent. Leur succession maintenant s’accélère : depuis un mois, nous avons droit à un coup de théâtre par semaine. Mgr Fellay va à Rome : c’est signé ! Patatras : le cardinal Levada a remonté la barre : tout repart à zéro ! Pas du tout : le Pape nomme Mgr Di Noia, pour régler l’affaire au plus vite ! Et puis, repatatras : le chapitre FSSPX a remonté à son tour la barre des « conditions » ! Etc.
 
Tout ceci est infiniment lassant, d’autant qu’en soi, le résultat final est évident pour tout le monde depuis la levée des excommunications des quatre évêques consacrés par Mgr Lefebvre. Théoriquement.
 
Comment alors expliquer cette impossibilité d’opérer une jonction pratique entre deux parties, une Rome restaurationniste et un lefebvrisme assagi dans son verbe, laquelle jonction, lorsqu’on prend un minimum de recul, semble évidente ? A notre avis, il y a au moins trois raisons :
 
1/ D’abord les deux parties se connaissent toujours fort mal. Elles forment deux cultures proches, mais distinctes, qui ont le plus grand mal à s’appréhender. Ceux que l’on a chargé du dossier, du côté du Saint-Siège, pensent qu’ils ont à traiter avec des traditionalistes semblables à ceux qu’ils rencontrent depuis plus de vingt ans (et pour certains d’entre eux, quelques années seulement) dans les communautés Ecclesia Dei, et ils imaginent qu’ils vont d’un seul coup réduire les modes de pensée de 40 ans de vie autonome. Inversement, côté FSSPX, même ceux qui savent que tout le monde à Rome n’est pas moderniste, pensent tout aussi naïvement qu’on ne peut qu’accueillir l’œuvre de Mgr Lefebvre en déroulant un tapis rouge, musique de la garde pontificale, et remerciements de la voir enfin prendre les choses en main pour sauver l’Église.
 
2/ Il y a aussi le fait que les partisans romains de la reconnaissance de la FSSPX se sont heurtés au problème de fond, qui n’est pas médiocre, celui du hiatus, apparent ou réel entre certains passages de Vatican II et le magistère antérieur. La manière dont ils résolvent cette question, en soi redoutable, les partage grosso modo en deux groupes :
 
a) Ceux que l’on pourrait appeler les gherardiniens (Mgr Gherardini), qui la résolvent, en somme, par le bas : les points en question ne sont pas infaillibles – tout le monde au reste, sauf quelques traditionalistes paradoxaux, est d’accord sur cela – et l’on peut donc les mettre respectueusement entre parenthèses. On peut donc laisser discuter (respectueusement) ces points litigieux par les théologiens traditionalistes, jusqu’à ce que plus tard (dans mille ans ?), le magistère infaillible ne tranche la question. La thèse paraît de bon sens. Elle l’est en effet du point de vue pratique, puisqu’elle permettrait, si on l’appliquait, « d’en sortir ». Elle n’explique cependant pas que ce magistère non infaillible pèse comme un boulet depuis plus de 45 ans, avec tout ce qui va avec, notamment une liturgie désastreuse, sans que le magistère infaillible n’ait jamais daigné trancher dans le vif.

b) Ceux que l’on pourrait nommer les lévadiens (le cardinal Levada), qui résolvent la question par le haut : les points en question ne sont certes pas infaillibles, mais la vigilance du magistère infaillible ne peut permettre qu’il y ait ainsi d’aussi conséquents et si longs errements. Il y a donc nécessairement une continuité et la seule discussion possible (Mgr Ocariz a mis la thèse en musique) porte sur les moyens d’expliquer comment on peut manifester cette immuabilité. L’inconvénient pratique est que les lefebvristes (et bien d’autres avec eux) ne peuvent s’en accommoder. L’inconvénient théorique est que toute la littérature, assez acrobatique, qui explique cette continuité ne se trouve pas dans les textes eux-mêmes mais uniquement chez ceux qui l’expliquent. Il est certes très beau d’affirmer que le susbisit in (l’Église du Christ subsiste dans l’Église catholique) du n. 8 de Lumen gentium, n’est rien d’autre que le est (l’Église du Christ est l’Église catholique), comme le fait le cardinal Becker. Pour autant, le texte du n. 8 ne porte toujours pas : « l’Église du Christ subsiste dans l’Église catholique, ce qui veut dire que l’Église du Christ est l’Église catholique). Cela, on le trouve seulement chez le cardinal Becker. Or, ce sont des lévadiens, jusqu’à la nomination de Mgr Di Noia comme Vice-Président de la Commission Ecclesia Dei, lequel est plutôt ghérardinien, qui sont en charge du dossier FSSPX. (Ne parlons pas du nouveau Préfet du Saint-Office, le Professeur Müller, dont il vaut mieux pour tout le monde qu’il ne se mêle pas de l’affaire Saint-Pie-X et qu’il continue à s’amuser dans ses rêveries théologiques : la virginité non physiologique, la transsubstantiation analogique et, pourquoi pas ?, la résurrection non corporelle).

3/ La troisième raison, la plus importante pratiquement, est qu’aucune des parties directement en cause n’a jusqu’à présent imaginé qu’elle pouvait négocier. S’agissant de doctrine, la Congrégation pour la Doctrine de la foi, non sans de bonnes raisons, estime qu’elle doit simplement examiner si la FSSPX tient des positions catholiques et sinon doit faire en sorte qu’elle les tienne. Quant à la FSSPX, le terme même de négociation lui est inconcevable dans cette affaire, là encore avec de bonnes raisons, dès lors qu’elle estime devoir tenir la place – par défaut – de l’accusation au procès des erreurs modernes. Et à cause de cela, depuis un an, les deux parties n’ont jamais conversé directement sur le mode informel autour d’une table (a fortiori autour d’une table de restaurant), n’ont jamais « tâté le terrain » l’un de l’autre, n’ont jamais réussi à établir des relations de confiance, n’ont jamais échangé par avance officieusement sur des documents avant de les rendre « officiels », etc. Ce que tout processus diplomatique comprend.

Certes, ce mode de relations existe bien, par la force des choses entre la FSSPX et la Congrégation pour la Doctrine de la foi, mais il s’exerce par une foule d’intermédiaires, dont certains de très haut niveau, lesquels sont tout de même incapables de remplacer les contacts directs. Quant tombent ensuite les « documents » des uns et en retour les « déclarations » des autres, le tout scandé de « communiqués » émanant des deux côtés, et gonflé par l’immédiateté de l’information Internet, il ne reste plus qu’à se désoler des pataquès qui suivent les pataquès. Alors qu’encore une fois, le résultat est théoriquement (le diable aidant, il ne le sera peut-être jamais pratiquement) acquis, et que sa concrétisation s’est trouvée périodiquement à portée de la main.

Ne va-t-il pas de soi que la solution passe par la réduction de la troisième difficulté ? Ne parlons pas de « négociation », puisque le mot fâche, mais de séries d’entretiens, d’échanges de vues, de démarches qu’on entreprend pour parvenir à un accord (Petit Robert).

Tout le monde a d’ailleurs compris, l’intéressé l’ayant immédiatement fait comprendre lui-même, que depuis la nomination de Mgr Di Noia cette phase pouvait commencer. Cette phase allait commencer ? Cette phase avait commencé ?