31 janvier 2009





Religion: faut-il intégrer les extrémistes?
31-01-2009 - Sandra Weber - lesquotidiennes.com
Une semaine après la levée de l’excommunication de quatre évêques intégristes, les réactions hostiles n’en finissent pas. Faut-il vraiment se rapprocher des fondamentalistes? Benoît XVI voulait favoriser l’unité de son église. C’est pour le moins raté. En levant l’excommunication de quatre évêques intégristes samedi dernier, il a provoqué un véritable tollé.
Deux éléments suscitent des sursauts l’indignation. D’une part, les propos négationnistes d’un des quatre prélats de la Fraternité sacerdotale Saint Pie X choquent tant au sein de l’église catholique qu’en dehors. Et ce malgré la condamnation tardive de ce discours par le pape mercredi. D’autre part, la position très traditionaliste des lefebvristes, à l’origine du différend avec l’Eglise officielle, heurte de nombreux catholiques. Et provoque l’incompréhension notamment des protestants. La Fraternité a toujours refusé les principes de la liberté religieuse et l’œcuménisme. Or le pape veut maintenant lui faire reconnaître ces principes, introduits par le Concile Vatican II il y a plus de quarante ans. Toute cette affaire pose la question de l’attitude à adopter face aux courants religieux dont les prises de position sont considérées comme les plus extrêmes.
La volonté d’inclure un maximum de tendances est typique des catholiques, selon Jörg Stolz, directeur de l’Observatoire des religions en Suisse. «Il en va de leur identité. L’église catholique se définissant comme universelle, la pluralité doit exister en son sein même.» La maison de Rome a horreur des scissions, comme celle qui s’est produite en 1988 avec les lefebvristes, qui représentent environ 150 000 fidèles dans le monde, pour plus d’un milliard de catholiques. «Rares sont les autres religions mondiales suivant le principe de l’unicité et dont la hiérarchie permet de déterminer la doctrine à suivre. Et donc qui s’en écarte. Difficile dès lors d’établir des comparaisons.» Jörg Stolz évoque le cas des protestants, qui ne sacralisent pas leur institution. «La tendance est plutôt à la division. Les différents courants prennent leur indépendance et créent leurs propres églises et communautés.
Dans le monde juif, les marges ont un sens particulier, souligne Jacques Ehrenfreund. «Il y a énormément de courants sans qu’aucune autorité ne puisse en fixer la légitimité.» Dans un tel contexte, le professeur d’histoire des Juifs et du judaïsme à l’Université de Lausanne conçoit l’extrémisme dans un cadre plutôt politique. «Dans le conflit israélo-arabe, par exemple, la question est de savoir jusqu’où maintenir le dialogue avec des groupes extrémistes.
De par la configuration de l’islam, la réintégration d’un groupe ne peut s’envisager qu’en fonction d’un Etat ou d’une institution faisant localement autorité, selon le professeur à l’Institut des études islamiques de l’Université de Berne Reinhardt Schulze. «La réintégration dépend avant tout de la reconnaissance de l’autorité des institutions étatico-religieuses. Et surtout, elle exige l’abandon du recours à la violence.» En échange, ce groupe obtient une protection et la reconnaissance de sa doctrine. Une manière de contenir certaines dérives? «C’est parfois possible, acquiesce Jörg Stolz. Mais ce n’est en tout cas pas la raison de la levée de l’excommunication des levebvristes. Ce geste vise le renforcement des forces traditionalistes à l’intérieur de l’église pour pouvoir mieux combattre le sécularisme croissant de la société en général.»