2 février 2012

[Natalia Trouiller - La Vie] Petites manipulations entre amis

SOURCE - Natalia Trouiller - La Vie - 2 février 2012

Alors que le dossier de la Fraternité est sur la table de Benoît XVI et que, à Rome, les sources les mieux informées confirment qu'une réintégration des lefebvristes constituerait "une énorme surprise", retour sur la façon dont la FSSPX essaie de convaincre les fidèles que Rome la considère comme pleinement catholique.
FSSPX: DES INFOS-INTOX
C'est une "info" qui a fait le tour des sites traditionnalistes, fidèles à Rome ou non: un moine orthodoxe, l'archimandrite Athénagoras Bogoridi Égayez, de nationalité bulgare, aurait abjuré la foi orthodoxe pour la foi catholique devant Mgr Fellay, supérieur de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, et cette abjuration aurait été reconnue comme valable par la Congrégation romaine pour la doctrine de la foi. Une histoire qui peut paraître sans grand intérêt, mais dont l'enjeu est énorme: le fait pour la Congrégation pour la doctrine de la foi d'accepter comme valide cette abjuration chez les lefebvristes donnait de fait un brevet de catholicité intégrale à la Fraternité. Publiée sur le site polonais de la FSSPX, l'histoire s'est rapidement répandue sur les différents blogs et sites de la tradisphère, dont les plus sérieux comme Rorate Coeli n'ont pas hésité à faire part de leurs propres vérifications. Las, en fin d'après-midi hier, le journal La Croix sous la plume de Nicolas Sénèze apportait un démenti ferme au conte de fée: "Il y a seulement une lettre signée par le secrétaire de la Congrégation, Mgr Ladaria, qui répond – en termes généraux – à la demande de l’archimandrite sur la procédure à suivre pour entrer dans la communion de l’Église catholique, sans aucune référence à la Fraternité Saint-Pie-X', précise le P. Lombardi selon qui 'les informations contenues sur le site en question sont donc sans fondement et trompeuses". Depuis le démenti, "l'info" a disparu du site Rorate Coeli comme de celui de la FSSPX polonaise, mais on peut encore trouver des traces de cette histoire sur d'autres sites.

> Ce n'est pas la première fois que la Fraternité montre une certaine tendance à exagérer les infos qu'elle donne, histoire de les faire aller dans son sens. C'est ainsi qu'il y a quelques semaines, la Porte Latine, le site officiel du district de France de la FSSPX, titrait ceci: "Rome : Benoît XVI condamne fermement la pièce de Castellucci - Les évêques de France, au nom de la liberté 'artistique', ont failli à leur devoir". Le texte du communiqué est un tout petit peu plus nuancé en employant la périphrase "siège apostolique" pour désigner Benoît XVI: "Dans sa réponse du lundi 16 janvier, le Siège apostolique parle d’une œuvre 'offensante pour notre Seigneur Jésus Christ comme pour les chrétiens'. Il poursuit en disant 'espérer que tout manque de respect envers Dieu, les saints et les symboles religieux suscite la réaction ferme et convenable de la communauté chrétienne, éclairée et conduite par ses pasteurs". Le site de la Fraternité se garde bien de mettre en lien la soi-disant condamnation de Benoît XVI, et pour cause: l'histoire est un peu plus complexe. Il s'agit d'une réponse signée d'un membrede la secrétairie d'Etat, Mgr Peter B. Wells, assesseur à la secrétairie d'Etat du Vatican, qui répond à la lettre indignée d'un dominicain très choqué par la pièce "Sur le concept du visage du fils de Dieu" d'une façon très diplomatique dont le préambule mérite d'être cité en entier: "Révérend Père, par votre estimée lettre du 8 janvier dernier,vous avez voulu exprimer vos sentiments de dévouement pour le Souverain Pontife, en signalant une pièce de théâtre qui est maintenant jouée en Italie et qui est offensante pour notre Seigneur Jésus-Christ et pour les chrétiens". Si on lit la lettre du dominicain, on voit bien que l'assesseur cite là son interlocuteur et non le pape. Et la seconde phrase de cette très courte missive invite effectivement la communauté chrétienne à répondre aux offenses... mais "éclairée et guidée par ses pasteurs", c'est-à-dire en suivant fidèlement les évêques.

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