29 juin 2007





Le pape prépare une concession majeure aux catholiques traditionalistes
29 juin 2007 - Henri Tincq - lemonde.fr
Le Vatican a annoncé, jeudi 28 juin, que le motu proprio (décret) du pape facilitant la messe en latin serait publié de manière imminente, précédé d'"une longue lettre" d'explication de Benoît XVI. Le pape et le cardinal Bertone, son secrétaire d'Etat, ont déjà réuni, mercredi 27 juin, une quinzaine d'évêques américains, anglais, suisses, allemands et français (les cardinaux Barbarin et Ricard, Mgr Vingt-Trois), soit les pays les plus touchés par le schisme traditionaliste. Le Vatican prend un maximum de précautions avant de rendre public un texte, annoncé depuis des mois, aux conséquences sans doute explosives. La teneur du motu proprio est connue. Le rituel en vigueur avant le concile Vatican II (1962-1965) - rituel dit "tridentin", car remontant au concile de Trente, avec messe en latin, dos du prêtre tourné à l'assistance, etc. - redeviendra "de plein droit", comme "une forme extraordinaire de l'unique rite romain" (messe Paul VI de 1969). Si un groupe de catholiques souhaite demain la célébration de l'ancienne messe, il n'aura plus besoin de l'autorisation préalable de l'évêque.
Le premier objectif du pape est de calmer les tensions qui traversent l'Eglise sur cette question du rite. Des diocèses en France, en Allemagne, aux Etats-Unis autorisent la messe à l'ancienne par des prêtres sous l'autorité de leur évêque. Mais de telles messes sont aussi célébrées, de manière sauvage, par des prêtres en "rupture de communion" avec l'Eglise, notamment ceux de la Fraternité Saint-Pie X (500 prêtres), créée par Mgr Lefebvre, évêque rebelle du concile Vatican II, excommunié par Jean Paul II en 1988 pour avoir consacré quatre évêques sans son accord.
L'objectif à terme de Benoît XVI est de favoriser la réintégration de ces catholiques traditionalistes (150 000 environ), nostalgiques de l'ancienne messe et hostiles aux réformes de Vatican II. Homme de tradition et d'orthodoxie, le pape a souvent critiqué les "abus" dans l'application de la réforme liturgique. Il parie sur le fait que l'usage libéralisé de la messe en latin pourra refaire l'unité. La réintégration de la Fraternité Saint-Pie X et la levée des excommunications seraient les étapes ultérieures de la réconciliation.
Mais nombre d'évêques (en France, aux Etats-Unis) sont inquiets par les risques de division que cette mesure du pape risque d'entraîner. Un bi-ritualisme de fait va s'instaurer dans l'Eglise catholique en Occident (les Eglises d'Orient ont leurs propres rites). Nombre de prêtres ont déjà exprimé leur crainte des méthodes musclées de groupes traditionalistes qui, demain, s'abritant derrière la décision du pape, viendront exiger d'eux la célébration de la messe en latin.
Cette concession aux traditionalistes inquiète aussi la grande majorité des catholiques acquis à Vatican II, pour qui la banalisation de la messe en latin - prétexte à des désaccords de fond - risque de menacer des options plus récentes de l'Eglise comme la reconnaissance de la liberté de religion, l'oecuménisme, le dialogue avec le judaïsme ou l'islam.
Henri Tincq