29 juillet 2007





La nouvelle liturgie
29 juil 2007 - Georges Allaire - Le Soleil
La nouvelle liturgie
La différence entre un journalisme à sensation et un journalisme d'enquête vient de l'ignorance ou de la connaissance de son sujet. La réforme liturgique décrétée par le Pape Benoît XVI a été présentée comme une légalisation du latin et un geste d'apaisement envers les «traditionalistes» de l'Église catholique. Or, le latin n'a jamais été illégal en liturgie et le souci liturgique du cardinal Ratzinger devenu Benoît XVI dépasse largement un rapprochement avec les «lefebvristes».

L'esprit du Concile

Nous avons vécu la métamorphose imposée à la liturgie catholique dans notre milieu, qui a consisté en une sorte de banditisme: après avoir privé les gens du soutien de leurs habitudes de prières, on pouvait adjoindre n'importe quelle sorte de fantaisie aux nouveaux textes liturgiques au nom de «l'esprit du Concile». — En interprétant le Concile comme une rupture et une nouveauté radicale par rapport à l'Église dite «pré-concilière», Benoît XVI constate que, dans cet esprit, «il faudrait non pas suivre les textes du Concile, mais son esprit. Il reste ainsi évidemment une grande marge pour se demander comment on définit alors cet esprit et en conséquence, on laisse la place à n'importe quelle fantaisie.»

Alors nos messes sont passées de l'adoration de Dieu à l'auto-expression de la communauté. Nos prêtres, en la personne du Christ, sont devenus des présidents d'assemblées, des animateurs de l'action, les nouveaux centres d'attention. Et surtout, le sacrifice de Dieu qui appelle le sacrifice de soi est remplacé par l'importance de soi et le party de tous. L'appel et l'occasion de conversion deviennent l'expression de notre propre sainteté qui génère la présence du Christ. — La conséquence pratique a été le mépris de la communion, auquel tous sont appelés sans purification et la désertion des églises: on n'a pas besoin de partys douteux quand on peut s'en offrir de meilleurs ailleurs et l'on n'a pas besoin d'un Dieu religieux dont le rôle premier est de confirmer notre suffisance. — Les maîtres de ce renouveau justifiaient leurs «nouveautés» par le besoin de rejoindre les gens dans le monde d'aujourd'hui, tandis que ces «nouveautés» vidaient leurs églises.

Le sens de la messe catholique

Quel est le sens de la messe catholique sinon, au dire de Benoît XVI: «l'adoration du Seigneur ressuscité, présent dans l'Eucharistie en chair et en sang, corps et âme, avec sa divinité et son humanité? [...] dans l'Eucharistie nous ne recevions pas simplement quelque chose. Celle-ci est la rencontre et l'unification de personnes; cependant, la personne qui vient à notre rencontre et qui désire s'unir à nous est le Fils de Dieu. Une telle unification ne peut se réaliser que selon la modalité de l'adoration. Recevoir l'Eucharistie signifie adorer Celui que nous recevons. Ce n'est qu'ainsi, et seulement ainsi, que nous devenons une seule chose avec Lui.»

La messe selon Jean XXIII (dite aussi messe de S. Pie V ou messe tridentine) est fondée sur l'adoration de Dieu et la présence centrale du Sacrifice du Christ, comme mode universelle de salut des hommes. Aussi sa disponibilité générale permet-elle d'asseoir la réforme liturgique sur ces éléments radicaux. Il n'est pas question de faire une compétition mais de permettre une émulation de la messe dans cette direction. Benoît XVI, fin liturgiste, respecte non seulement le coeur de certains croyants, mais le coeur même du Mystère eucharistique qui est l'acte ultime de l'Église en ce monde.

Le geste posé par le Pape, en coïncidence avec le septième jour du septième mois de la septième année de notre millénaire, n'est pas un acte politique mais un acte d'adoration, un acte de foi. — On comprend que cela échappe au journalisme à sensation... et le rend inapte à rendre justice à l'événement.

Georges Allaire
La Pocatière