1 avril 2006

Vatican II, concile en péril - Abbé Barthe - (2) La question traditionaliste
Monde et Vie, 1er avril 2006 - Mis en ligne sur le www.leforumcatholique.org

La question traditionaliste

La question traditionaliste, malgré son caractère quantitativement marginal, est l’une des plus sensibles qui soient car tout le monde sait qu’elle engage l’esprit de Vatican II. On conjecture trois types de décisions. L’un concernerai la célébration de la messe dite de Saint-Pie-V : d’une manière ou d’une autre, Benoît XVI semble devoir confirmer que l'ancienne liturgie n'a jamais été interdite, et ébaucher des normes d’application. D’autre part, pourrait être mise en place une structure juridique, étudiée depuis la fin du pontificat de Jean-Paul II par les cardinaux Ratzinger, Castrillon et Herranz. L’organisme créé serait apte à dépêcher auprès des évêques français, allemands, américains, etc., quelques interlocuteurs de rang épiscopal, des sortes de « légats » représentant l’équivalent d’un « archevêque majeur » du rite tridentin, résidant pour sa part à Rome. Ces prélats seraient en mesure d’ériger des paroisses personnelles (des paroisses non territoriales) de liturgie tridentine, un peu semblables aux paroisses personnelles des diocèses militaires. Enfin, il n’est pas exclu qu’intervienne, en faveur de la Fraternité Saint-Pie-X, la levée des excommunications des quatre évêques consacrés sans mandat pontifical par Mgr Lefebvre, ce qui provoquerait une avancée notable des négociations. Le but fixé à ces négociations : conférer « généreusement » à la Fraternité de Mgr Fellay un statut très indépendant, le seul psychologiquement envisageable dans un premier temps. Il serait assorti de la reconnaissance qu’une « critique positive » du Concile est légitime.
L’ensemble de ces pronostics et l’élection de Benoît XVI lui-même, s’inscrivent, en effet, dans un long mouvement de dépréciation de l’événement historique de Vatican II. Car pour dire très politiquement les choses : le Concile a représenté la prise du pouvoir doctrinal dans l’Église par les partisans de ce que l’on appelait dans les années cinquante, la Nouvelle théologie. Or, celle-ci avait une « droite » (le P. de Lubac, le P. von Balthasar) et une « gauche » (le P. Congar, le P. Rahner). La tendance Congar, Rahner, qui a exercé le « pouvoir culturel » dans l’Église sous Paul VI a dû le partager sous Jean-Paul II. Aujourd’hui, c’est la « droite » du Concile – en sa version restaurationniste – qui entend bien infléchir seule l’interprétation de Vatican II. Tel fut le thème du discours programme adressé le 22 décembre dernier par Benoît XVI à la Curie romaine. S’il n’a nullement remis en cause les intuitions spécifiques de Vatican II, tout le monde a compris qu’il encourageait par le fait même des relectures plus involutives, avec en ligne d’horizon une inévitable révision magistérielle.
Dans l’immédiat, le baromètre le plus sensible reste celui des nominations épiscopales. Après avoir annoncé qu’il ne recevrait plus en audience particulière les nonces apostoliques, Benoît XVI a fait une exception remarquée pour Mgr Baldelli, nonce à Paris, le 16 février. Les vaticanistes ont supposé que pouvait lui être confiée une place importante à la Curie, mais il n’est pas douteux qu’il a été largement question des dossiers préparés pour les prochaines nominations épiscopales en France.
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Monde et Vie, 1er avril 2006