15 décembre 2006

Un nouvel institut pour la Tradition ?
Abbé Patrick de la Rocque - "Lettre à nos frères prêtres" n° 32 - décembre 2006 - LNFP
Un nouvel institut pour la Tradition ?
En septembre 2006, une nouvelle étonnante a été publiée : sous la direction de l’abbé Philippe Laguérie, un nouvel Institut, prenant le nom du Bon Pasteur, venait d’être fondé par la Commission Ecclesia Dei. Comment comprendre, comment interpréter un tel événement, dont ont résonné tous les médias, même suisses ? Plus intéressant et plus utile sera d’examiner ce que peut nous apprendre cette érection sur la situation actuelle à Rome.

« A Rome, le cardinal Castrillon Hoyos peut arriver à établir des ponts. C'est bien. Mais à condition que cela se fasse en vérité. » Le propos a trait à la reconnaissance de l’Institut du Bon Pasteur par la Commission Ecclesia Dei, le 8 septembre dernier. Emanant d’un archevêque français, il est cinglant.
Sans doute ces propos expriment-ils une part d’amertume devant les procédés utilisés : on ne peut que s’étonner de voir l’épiscopat français, et plus précisément le cardinal archevêque de Bordeaux, placé devant le fait accompli. Pourtant, c’est davantage le fond de cet accord que son mode d’élaboration qui a provoqué une levée de bouclier. Peut-on en effet parler de réconciliation véritable, lorsque les problèmes de fond demeurent identiques, pour la bonne et simple raison qu’ils ont été délibérément occultés ? Nul n’ignore que les divergences existant entre la Fraternité Saint-Pie X et la Rome actuelle ne se réduisent pas à des querelles disciplinaires, mais relèvent du domaine doctrinal.
Dès lors, procéder à une reconnaissance de certains prêtres issus de la Fraternité Saint-Pie X sans que ne soient abordés ces dissensions doctrinales relève sinon de la tromperie, du moins de l’utopie. Il y a là me semble-t-il un manquement au devoir de vérité, et volontiers je souscris au propos du père Piétri (in La Croix du 25/11/06) : « Derrière l’effort tenté en direction d’anciens tenants d’Ecône, il y a, non pas une tromperie délibérée, mais un déficit de vérité. »
Une telle carence de vérité peut devenir dommageable. Outre le fait que le chrétien - et qui plus est l’homme d’Eglise - est appelé à se conduire en fils de lumière beaucoup plus qu’en pur stratège, il est toujours dangereux de laisser ainsi la vérité au second plan : lorsque la vérité ne guide plus, les passions ne tardent guère à s’emparer des commandes. Elles ne furent hélas pas absentes des réactions qui suivirent l’érection de l’Institut du Bon Pasteur (IBP). Mgr Dagens le notait à sa manière : « Avec la création de l’Institut du Bon Pasteur, Rome procède par un ralliement partiel de prêtres. Est-ce un acte de réconciliation ? J’ai plutôt l’impression que cela réveille des rapports de force, où il y aurait un gagnant et un perdant. Pourtant je ne crois pas que les rapports de force soient la loi qui détermine la vie selon le Christ et l’Evangile. »
Ces tâtonnements, hélas douloureux et sans doute peu productifs, balisent néanmoins le chemin d’une réconciliation vraie. Elle ne pourra faire l’économie d’un débat doctrinal de fond. Sans doute sera-t-il laborieux, mais sûrement déterminant. C’est pour en être persuadée que la Fraternité Saint-Pie X a écarté par principe de potentiels accords qui ne seraient que pratiques : elle s’est toujours refusée à omettre les débats de fond. Certains l’ont alors accusée de rejeter la main tendue par Rome, au risque de s’enfoncer toujours plus dans la dissidence. Les faits récents qui ont entouré la création de l’IBP disent toute l’injustice de ces reproches : on ne bâtit point une maison sur du sable, surtout lorsqu’il s’agit de bâtir la maison de Dieu.
Plus que jamais désireuse de ces indispensables discussions doctrinales – qui pourraient alors s’apparenter aux disputationes antiques – la Fraternité Saint-Pie X s’efforce donc de favoriser les conditions nécessaires à ce débat clarificateur, en éloignant par exemple tout climat passionnel ou violent. C’est en ce sens qu’elle œuvre à la libéralisation totale du rite tridentin de la messe, afin que cesse l’injuste violence faite à l’endroit de ce trésor fécond.
Abbé Patrick de la Rocque