21 novembre 2006

A propos de la messe en latin...
21 novembre 2006 - Pro Liturgia
"Les médias catholiques ne cessent de tirer à boulets rouges sur les intégristes et le retour de la messe en latin. Mais ne vous y trompez pas: cette indignation n'est qu'une bonne combine pour être perçue comme moderne dans l'opinion. Dans les périodes de crises, il faut toujours dénicher un bouc émissaire", ironisait un journaliste bien informé. En tout cas, rien ne serait plus faux que d'imaginer les traditionalistes formant un bloc uni derrière un clergé nostalgique du latin. Si les traditionalistes sont généralement favorables à la messe "tridentine" dite "de S. Pie V", ils sont néanmoins très divisés. Un rappel de ces divisions sera donc utile pour ne pas gober la désinformation colportée par les médias, y compris catholiques. Commençons par la famille traditionaliste la plus connue: les partisans de Mgr Lefebvre, qui se regroupent dans la Fraternité Saint-Pie X. Si des lefebvristes vont jusqu'à admettre certaines réformes liturgiques, tous restent, en revanche, fermement opposés à la liberté religieuse telle qu'elle a été définie par la déclaration conciliaire Dignitatis humanae. Le refus de la liberté religieuse: voilà leur vrai cheval de bataille.
L'excommunication de mgr Lefebvre après le sacre illicite de quatre évêques, en 1988, a entraîné la fondation de la Fraternité Saint-Pierre. Un indult (c'est-à-dire une concession ou une permission faite à l'encontre d'une loi générale de l'Eglise) autorise les religieux de cette Fraternité, en pleine extension, à célébrer la messe "de S. Pie V". Cet attachement à la messe qu'ils considèrent comme éminemment "traditionnelle" ne les empêche pas de respecter les décrets et constitutions conciliaires. Membres à part entière de l'Eglise, ces ralliés - comme ils sont parfois surnommés - dépendent donc de l'évêque du diocèse dans lequel ils sont incardinés.
Ce tour d'horizon ne serait pas complet si l'on ne mentionnait pas les sedevacantistes. ces "ultras" considèrent que tous les papes sont hérétiques depuis le décès de Pie XII. Difficile de dialoguer avec ces exaltés dont certains prétendent que le "vrai" pape Paul VI aurait été enfermé dans les caves du Vatican et remplacé par un sosie! "Le cas des sedevacantistes relève probablement plus de la psychanalyse que du dialogue oecuménique", déclarait un jour un prêtre spécialiste du Droit canonique, qui ajoutait: "Heureusement, ils sont peu nombreux."
Cette division des traditionalistes en blocs opposés n'est pas figée. Peu de catholiques savent, en effet, que chaque année, ou presque, des religieux lefebvristes demandent leur réintégration dans l'Eglise officielle. Si la plupart rejoignent la Fraternité Saint-Pierre, certains acceptent leur incardination dans le clergé diocésain. Ces "retours au bercail" se font généralement dans la discrétion.
Pourquoi donc le ralliement récent de plusieurs prêtres lefebvristes, comme l'Abbé Laguérie, a-t-il été l'objet d'une orchestration médiatique? On peut avancer plusieurs raisons qui incitent les médias à présenter ce ralliement comme un "retour en arrière" d'une papauté décidément rétrograde. Tout d'abord, la forte personalité de ces prêtres qui sont quasiment des membres fondateurs de la Fraternité Saint-Pie X. On murmure même que leur réintégration aurait été négociée par Rome sans que l'épiscopat français ne soit consulté. "Heureusement - confiait un fidèle de l'Abbé Laguérie - sinon l'accord n'aurait jamais été conclu!" Notons aussi le fait que loin d'être encadrés et donc contrôlés par le clergé diocésain, ces "transfuges" ont été autorisés à fonder le très officiel "Institut du bon Pasteur" à Bordeaux. "Avec ce statut de quasi autonomie, ça ne va pas être facile de les neutraliser", confiait un prêtre bordelais. Ce prêtre, qui a dépassé les 70 ans, tombait d'accord avec l'hebdomadaire "La Vie" (ex-catholique) qui titrait: "Pourquoi cet homme devait rester dehors". Ce commentaire, d'une revue qui prétend prôner le dialogue, illustrait la photo de l'Abbé Laguérie, ayant autour de la cinquantaine, premier responsable du nouvel Institut.
La différence de génération n'expliquerait-elle pas la réaction du prêtre bordelais comme celle des éditorialistes de "La Vie" (ex-catholique) illustrée? Le courrier des lecteurs filtré par cet hebdomadaire se fait, en tout cas, l'écho d'un peuple chrétien scandalisé par la "main tendue aux intégristes" puisqu'on peut lire des mises en garde dans le genre: "touche pas à mon Concile... non au retour en arrière... l'ouverture de l'Eglise ne doit pas être bloquée... Conscient que ces dithyrambes à sens unique risquait de nuire à la réputation de l'hebdomadaire, le Rédacteur en chef a hypocritement insinué: "Nous ne publions pas habituellement de lettres anonymes. Mais nous faisons une exception pour celle-ci qui nous semble tout compte fait assez révélatrice..."
Amis lecteurs, jugez vous-mêmes les termes de cette lettre révélatrice: "Ces traditionalistes me plaisent qui osent parler de Dieu clairement, qui assument tout le passé de l'Eglise, qui détestent le politiquement et l'ecclésiastiquement correct. J'en ai assez, dans mon diocèse, de supporter les discours creux, les prises de positions nuancées, les atermoiements épiscopaux, la déchristianisation à laquelle on se résout, etc..." La lettre est signée: "Un prêtre diocésain de moins de 50 ans" (cf La Vie du 12.10.2006) Autrement dit, un prêtre de la génération des "ralliés" de l'Institut du Bon Pasteur.
Ce prêtre prétendument anonyme partage-t-il leur point de vue? On n'en sait évidemment rien. Toujours est-il que son coup de gueule révèle au moins un nouveau clivage dans l'Eglise qui se superpose à l'opposition traditionaliste-progressiste. D'un côté, nous avons la réaction d'un prêtre bordelais cité plus haut et du courrier des lecteurs de "La Vie" provenant de lecteurs plutôt âgés et donc formés - ou plutôt déformés - par l'ecclésiastiquement correct. De l'autre côté, le clergé que l'on appelle parfois "restaurationiste". Plutôt jeunes, ces religieux allergiques à l'esprit soixante-huitard n'hésitent pas à porter la soutane, le col romain, à respecter l'Ordo liturgique, à faire la promotion du chant grégorien... Certains osent même utiliser des catéchismes classiques.
Nos "fidèles en responsabilité" (clercs ou laïcs) ont de la peine à admettre que le quart des prêtres ordonnés chaque année sont de sensibilité traditionnelle ou restaurationiste. Grâce à "La Vie" (ex-catholique), nous aurons au moins appris que l'avenir religieux qui se dessine en France n'est sans doute pas celui rêvé par la maffia ecclesiastique du pastoralement correct.