25 juillet 2008

Monseigneur Gallorme est mis en scène
25 juillet 2008 - Jean Madiran - Présent - mis en ligne par agoramag
Monseigneur Gallorme est mis en scène L‘évêque, Mgr Gallorme, 40 ans, est en poste depuis deux ans. Il vient enfin de trouver le temps d’accorder une audience à l’abbé Dubost, 75 ans, curé de campagne, qui a été son professeur au séminaire.
La rencontre entre l‘évêque et l’abbé débouche sur une confrontation entre « la foi des anciens jours » et « la religion des temps nouveaux ».
La scène est en France, elle se passe à l‘évêché, au milieu des années quatre-vingt, avec l’intervention comique d’une équipe de télévision et une dépêche dramatique de l’AFP.
C’est une pièce de théâtre écrite par Michel De Jaeghere, précédemment auteur de deux ouvrages, Enquête sur la christianophobie et La Repentance, histoire d’une manipulation, qui l’ont placé intellectuellement à la tête d’une nouvelle génération de catholiques, celle qui est née après la mort de Pie XII et qui arrive maintenant à sa pleine maturité. Ce nouvel ouvrage, qui fera date, est intitulé Ite missa est, il paraît aux Editions de Renaissance catholique (89 rue Pierre Brossolette, 92130 Issy-les-Moulineaux).
La pièce comporte six scènes. Elle respecte les trois unité classiques : unité de lieu, unité de temps, unité d’action. Elle se déroule en effet tout entière dans le bureau de Mgr Gallorme ; elle dure environ une heure ; elle est toute dans les péripéties de la révocation, par son évêque, d’un prêtre dont la paroisse est « aujourd’hui, pour le diocèse, un contre-témoignage » : son curé porte la soutane, il célèbre (avec toutes les autorisations hiérarchiques) la messe traditionnelle, il enseigne le catéchisme du concile de Trente, il ne comprend pas que le monde ayant changé, la religion doit changer pareillement.
Voilà donc le cœur de l’affaire : la religion doit changer parce que le monde change. Ce n’est pas nouveau, on connaît la chanson, et ses dégâts. Mais Michel De Jaeghere dépasse nos analyses, nos démonstrations, nos dissertations (y compris les siennes) : il en fait une synthèse vivante, c’est la supériorité concrète du théâtre sur le discours, et un Beaumarchais, on le sait, aura peut-être fait plus pour la Révolution qu’un Jean-Jacques Rousseau. Pour la Contre-Révolution, Michel De Jaeghere, bon écrivain, était déjà en passe de devenir notre Louis Veuillot. Il se met maintenant à l‘école de Molière. Je dis bravo.
Le sommet de la confrontation est à la scène IV, à partir du moment où Mgr Gallorme oppose aux réticences de l’abbé Dubost : « Je crois avoir le même Credo que vous. » Il l’a en effet, mais en lui donnant une signification simplement allégorique. « Est monté au Ciel » ? C’est « bien évidemment une scène symbolique », « un conte pédagogique ». Poussé dans ses retranchements quand il est mis en face des articles du Credo, l‘évêque en vient à l’aveu : « Je ne crois plus à toutes ces fables. » Il a « une foi adulte ». La présence réelle ? « Je crois à une présence spirituelle. » Il ne croit plus à « la fable du vieillard barbu qui aurait façonné le monde en six jours », « Dieu est au fond de chaque homme, il est ce qui, en lui, tend au bien, par opposition à ce qui abaisse l’homme ».
Je verrais bien cet Ite missa est de MDJ mis en scène et joué par trois ou quatre Jean Piat (à ma connaissance il n’y en a malheureusement qu’un). Que pourrait-il arriver alors ? Eh bien, de même que l’on dit « un tartufe » ou « un harpagon », on prendrait l’habitude de dire tout simplement un gallorme pour désigner cette sorte de prélats sans foi ni loi, sans honneur et sans remords, qui veulent que l’Eglise renonce à la prétention de détenir à elle seule la vérité absolue, et qu’un abbé Dubost peut regarder dans les yeux en leur disant, avant même qu’ils n’en fassent l’aveu : « Vous ne croyez plus en Dieu, vous ne croyez plus en Jésus, Monseigneur ! »
JEAN MADIRAN

Article extrait du n° 6638 de Présent, du Vendredi 25 juillet 2008