5 novembre 2006

Le pape et les intégristes : des évêques se rebiffent
5 novembre 2006 - L'Union - lunion.presse.fr
Le rapprochement entre le pape et le prêtre intégriste Philippe Laguérie, qui veut proposer des « évêques », provoque des remous dans l'épiscopat français réuni à Lourdes. L'évêque de Soissons et celui de Châlons ne sont pas d'accord. «UNE pure provocation ! ». L'évêque de Soissons pique un coup de sang. Mgr Marcel Herriot réagit vivement à l'annonce du prêtre intégriste bordelais Philippe Laguérie de proposer à l'Église « deux ou trois candidats en rite traditionnel » pour devenir « évêque », comme il vient de le déclarer sur une radio.
« Le pape ne peut pas nommer évêque des personnes qui ont semé la division. Ce serait en contradiction totale avec le ministère d'unité et de communion d'un évêque », s'étrangle Mgr Herriot. « D'ailleurs, je ne pense pas que le pape lui a demandé de lui proposer des candidats », ajoute, ironique, l'évêque de Soissons.
L'opposition de l'évêque de Châlons-en-Champagne, moins virulente, est tout aussi ferme. « L'unité de l'Église ne peut pas se faire à n'importe quel prix », insiste Mgr Gilbert Louis. « Ou les intégristes acceptent enfin le concile Vatican II, qui remonte tout de même à 1965, et ils réintègrent l'Église. Ou ils le refusent toujours et ils restent dehors. »
Mettre fin au schisme
L'abbé Laguérie, 53 ans, et plusieurs autres adeptes de Mgr Marcel Lefebvre, excommunié par le pape Jean-Paul II en 1988 et décédé en 1991, se sont ralliés au Vatican, début septembre, après que celui-ci eut fait savoir que le pape Benoît XVI s'apprêtait à signer un décret pour faciliter la célébration de la messe en latin dans l'espoir de mettre fin au schisme des catholiques intégristes.
Avec l'accord de Rome, l'abbé Laguérie a été intronisé, en septembre, supérieur général de l'Institut du Bon-Pasteur à Bordeaux. Cette institution a été taillée sur mesure pour accueillir d'anciens membres de la Fraternité Saint-Pie X, fondée en 1979 par Mgr Lefebvre, mais qui en ont été exclus pour « dissidence ».
« Cette décision a créé de l'émotion chez beaucoup de chrétiens, de prêtres et d'évêques », assure l'évêque de Châlons. « Les discussions seront serrées à Lourdes », prédit Mgr Louis, qui participe depuis hier à l'assemblée plénière des évêques de France dans la cité mariale. Quant à l'évêque de Reims, Mgr Thierry Jordan, il a prévu de s'exprimer à son retour de Lourdes.
Cette assemblée épiscopale est présidée Mgr Jean-Pierre Ricard, président de la Conférence des évêques de France et archevêque de Bordeaux. Or, Mgr Ricard n'a pas l'abbé Laguérie en odeur de sainteté, même si celui-ci assure « s'entendre très bien » avec lui. Le prélat bordelais n'aurait pas apprécié d'être mis devant le fait accompli dans sa ville.
« Un enfant dans le dos »
« Ca va plutôt dans le bon sens », se félicite pour sa part l'abbé lefebvriste Ludovic Girod, 35 ans. Longue soutane noire, il est l'un des trois prêtres de la Fraternité Saint-Pie X à Reims. Il dirige le cours Saint-Remi, une école primaire hors contrat qui compte 22 élèves à Prunay, dans l'agglomération. « Le bon sens, c'est le retour de la tradition dans l'Église malgré les oppositions dans l'Église de France », souligne, intransigeant, le jeune abbé. Il s'explique : « La tradition, ça va bien au-delà de la soutane, de la messe en latin, du chant grégorien et de l'encens. C'est un retour aux vraies valeurs de l'Église, qui est là pour prêcher la doctrine du Christ, pas pour faire du social et du politique ».
Dans sa paroisse du diocèse de Châlons-en-Champagne, un prêtre grince : « On a l'impression que le pape nous fait un enfant dans le dos ».
Francis Dujardin