9 avril 2006

Fraternité Saint-Pie X: "Nous ne souhaitons pas d'accords pratiques"
Yves Chiron - Aletheia n°91 - 9 avril 2006
La sollicitude du Saint-Siège pour la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X et la volonté d’accorder un plus visible et plus entier “ droit de cité ” à la messe traditionnelle dans l’Eglise (selon l’expression du cardinal Medina) ne se sont pas démenti. Pour résumer cette double question, liée, mais traitée séparément par le Saint-Siège, on peut mettre en parallèle les initiatives des uns et les réponses des autres, en essayant de montrer la raison de leur succession :
• Le 29 août dernier, à Castel Gandolfo, Benoît XVI a reçu, à sa demande, Mgr Fellay, Supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X, accompagné de l’abbé Schmidberger, premier Assistant général de la FSSPX. Le cardinal Castrillón Hoyos, Président de la Commission Pontificale "Ecclesia Dei", assistait également à la rencontre qui a duré un peu plus d’une demi-heure. À l’issue de la rencontre Mgr Fellay publie un communiqué pour dire notamment : “  Nous sommes arrivés à un consensus sur le fait de procéder par étapes dans la résolution des problèmes ”.
L’expression, “ procéder par étapes ”, se trouve aussi dans le communiqué publié par le Saint-Siège.
• Le 13 novembre, à la chaîne italienne de télévision Canal 5, le cardinal Castrillón Hoyos, chargé du dossier de la réconciliation avec la FSSPX, déclare à propos de celle-ci :
“ Nous ne sommes pas face à une hérésie. On ne peut pas dire en termes corrects, exacts, précis qu’il y ait un schisme. C’est une attitude schismatique de consacrer des évêques sans mandat pontifical. Mais ils sont dans l’Eglise, il manque seulement une pleine, une plus parfaite – comme il a été dit lors de la rencontre avec Mgr Fellay – une plus pleine communion, parce que la communion existe déjà. ”
• Cette déclaration a préparé, en quelque sorte, la rencontre qui a eu lieu, deux jours plus tard, le 15 novembre, à Rome et qui ne sera connue que plusieurs semaines plus tard, par une indiscrétion de la presse italienne et par d’autres sources[1]. Elle a eu lieu dans la résidence du cardinal Castrillon Hoyos, Piazza della Citta Leonina. L’abbé Marc Nély, Supérieur du district italien de la FSSPX, accompagnait Mgr Fellay. Plus qu’un déjeuner de convivialité, il s’est agi d’une rencontre approfondie puisque, arrivés vers 11 heures à la résidence cardinalice, les deux clercs de la FSSPX en sont repartis après 16 heures. Ils ont remis au cardinal Castrillon Hoyos un exemplaire de la traduction italienne de la biographie de Mgr Lefebvre par Mgr Tissier de Mallerais, traduction qui venait de paraître, et aussi un mémorandum sur les objections faites par la FSSPX au concile Vatican II et aux réformes qui l’ont suivi.
• 22 décembre : important discours de Benoît XVI devant la Curie romaine. On peut le lire comme une réponse au mémorandum présenté un mois auparavant par la FSSPX. En effet, parmi les sujets abordés lors de ce traditionnel discours de fin d’année, le Pape a longuement évoqué la réception “ difficile ” du concile Vatican II. “ Les problèmes de la réception, a-t-il notamment déclaré, sont nés du fait que deux herméneutiques contraires se sont affrontées et querellées ”. Benoît XVI a mis en cause l’ “ herméneutique de la discontinuité et de la rupture ”.
Sur la liberté religieuse, un des points nodaux de la critique de Vatican II par la FSSPX, Benoît XVI oppose à la fausse conception de la liberté de religion comme “ canonisation du relativisme ”, la conception, limitée, de “ la liberté de religion comme une nécessité découlant de la convivance humaine ” et “ comme une conséquence de la vérité qui ne peut être imposée de l’extérieur ”. 
• 13 février : 1ère réunion des chefs de dicastère de la Curie romaine autour de Benoît XVI sur la restauration de la communion avec la FSSPX.
• 23 mars : “ Journée de réflexion et de prière ” du Sacré-Collège autour de Benoît XVI. Parmi les thèmes abordés, il y a eu, le matin, celui de la situation canonique de la Fraternité Saint-Pie X et des prêtres qui lui appartiennent, question introduite par un exposé du cardinal Castrillón Hoyos, président de la Commission Ecclesia Dei. L’après-midi, le cardinal Arinze, Préfet de la Congrégation pour le Culte divin, a fait un exposé sur la réforme liturgique post-conciliaire et sur l’usage du Missel de Saint Pie V. Dans les deux cas, de nombreux cardinaux ont pu prendre ensuite la parole.
• Ce même jour, Mgr Fellay, dans un entretien à DICI, organe de la FSSPX, fait le point sur ses relations avec Rome. Il expose, longuement, et plus clairement qu’il ne l’avait jamais fait jusqu’ici, les trois étapes qu’il souhaite franchir avec le Saint-Siège : 1/ “ la libéralisation de l’usage du missel de Saint Pie V et le retrait du décret d’excommunication ” ; 2/ “ présenter à Rome les arguments de la théologie traditionnelle, confortés par les faits de l’apostolat traditionnel ” ; 3/ obtenir un statut canonique pour la FSSPX. Selon Mgr Fellay, dans l’état actuel des choses, un statut canonique “ semble prématuré ”.
• Du 4 au 7 avril, la Conférence des évêques de France a tenu son “ Assemblée de printemps ” à Lourdes.  Pour la première fois, de manière officielle par les évêques de France, a été abordée la question de “ l’accueil et la place des “groupes traditionalistes”  dans les diocèses ”. L’association OREMUS, dirigée par Loïc Mérian, animateur également du C.I.E.L. (Centre International d’Etudes Liturgiques), avait envoyé à tous les évêques, à la demande du cardinal Ricard, une Etude statistique sur le nombre de fidèles ”traditionalistes” dans les diocèses français.
En s’efforçant d’être exhaustive, et en prenant les précautions d’usage dans le maniement des chiffres, cette Enquête estime que les fidèles attachés à la liturgie traditionnelle sont environ 80.000 en France (une centaine de lieux de culte pour les messes autorisées par les évêques et environ 45.000 fidèles ; et quelque 200 lieux de culte et environ 35.000 fidèles pour la FSSPX et les communautés qui lui sont liées). Environ 400 prêtres au total et une quinzaine d’ordinations en France (en ajoutant les prêtres des fraternités et communautés Ecclesia Dei et ceux de la FSSPX et des communautés qui dépendent d’elles). L’étude statistique évoque aussi les écoles hors-contrat, les mouvements de jeunes, les troupes scoutes, etc. qui sont liés aux fraternités et communautés traditionalistes, toutes tendances confondues.
Les évêques de France ont été assez impressionnés, semble-t-il, par cette réalité qui leur était largement méconnue dans sa globalité. Le cardinal Ricard, à l’issue des travaux de la Conférence des évêques, a dit vouloir rechercher une “ communion dans la charité et la vérité ”. L’expression trouvait déjà, très exactement, dans le discours que Benoît XVI a prononcé lors de l’audience générale du 5 avril précédent, discours consacré à  “ l’Eglise comme communion ”.
• 7 avril : 2e réunion des chefs de dicastères de la Curie romaine autour de Benoît XVI sur la restauration de la communion avec la FSSPX.
• 8 avril, dans le Figaro, M. l’abbé de Cacqueray, supérieur du District de France de la FSSPX, se réjouit de l’intérêt nouveau porté par les évêques de France aux fidèles traditionalistes. Il déclare néanmoins : “ nous ne souhaitons pas d’accords pratiques ” mais plutôt des “ modus vivendi, sur le terrain, au cas par cas ”. Ce qui se pratique déjà depuis plusieurs années.
• Jeudi Saint 13 avril : Benoît XVI devrait rendre public un motu proprio sur le rite de la messe.

[1] La grande discrétion des participants à cette rencontre m’avait fait écrire dans Aletheia que la rencontre avait eu lieu début décembre. Ce n’est que plus tard que la FSSPX donnera la date exacte.