13 septembre 2010

[Max Barret - Le Courrier de Tychique] « J’ai soif ! » - Quand ? Pourquoi ? Comment ?...

SOURCE - Max Barret - Le Courrier de Tychique n°338 - 20 juin 2010
« J’ai soif ! » (Jean : XIX – 28)

Ce sont les dernières paroles de Jésus sur la croix. Dans les souffrances morales qui me sont imposées, il m’arrive aussi de les prononcer. Non pas que je me permette de comparer mes souffrances à celles du Christ – qui oserait le faire ? – mais ma misérable condition humaine a ses limites !... Et quand on me désaltère, j’ai la faiblesse de m’en consoler et d’en remercier Celui qui suscite cette charité fraternelle ! Parmi les nombreux témoignages qui me parviennent actuellement (je devrais tous les citer !) j’en ai tout d’abord retenu un. Il me vient du Canada. En voici quelques extraits (il comporte trois pages) : « Nous continuons à prier pour vous et à nous unir à vos souffrances pour les offrir aux Coeurs unis de Jésus et de Marie. Merci infiniment de porter cette Croix pour nous. Votre oeuvre est toute de charité. Elle répond à une nécessité pressante du temps présent. Elle est douce, opportune, miséricordieuse. Elle ne tient pas du zèle amer (…).

« Je remarque que ce sont ceux qui ont été sedevacantistes autrefois, qui sont devenus « conciliants » et qui ont maintenant des comportements les plus virulents contre ceux qui veulent continuer le combat intégral de Mgr Lefebvre. Ce fut le cas des abbés Laguérie qui, lors de leur entrée au séminaire étaient autrefois sedevacantistes, selon le témoignage de personnes qui me sont proches maintenant mais qui, à l’époque, étaient pratiquement voisins des abbés Laguérie quand ils sortaient des bancs d’écoles. Ce fut aussi le cas de l’abbé de Cacqueray. Toute ma reconnaissance va à l’abbé Jacques Laguérie à qui je dois une partie de mon éducation mais à qui j’oserais, comme vous, lui exposer ses débordements, par défaut d’un Supérieur éclairé pour le faire au moment critique. (…)

« Cher Monsieur, il vous faut absolument continuer votre « Courrier de Tychique ». Il blesse parce qu’il met le doigt sur la plaie, parce qu’il dévoile les erreurs publiques des hommes publics. Ça c’est la vraie charité ! La charité c’est de crier « au loup » quand le loup rôde, c’est de crier « au feu » quand on ne peut pas l’éteindre rapidement tout seul! (…) Votre oeuvre est un diagnostic, un scalpel et un baume. Quand on lit vos jugements dans votre lettre, ce n’est pas vous qui jugez, puisque le Juge ne procèdera pas autrement : vous citez le scandale à la lumière de l’exemple ou des mots du Saint qui l’a combattu. C’est la vérité qui juge de l’erreur ! Dieu nous a dit « on juge l’arbre à ses fruits » : c’est ce que vous faites ! Tout est donc légitime. (…)

(Mon correspondant se livre alors à une comparaison entre le maintien et le développement de la Foi, et le jardinage qui exige une minutieuse préparation de la terre.)

« Le siège de la Foi étant l’intelligence ; l’intelligence étant humaine, ce n’est pas en y enterrant une vérité qu’on la cultivera ! Ce sera la sécheresse, le compactage, l’idiotie puis le scandale, puis la stérilité. La bonne terre de l’intelligence de la Foi, ça se retourne, on la ramollit, on l’arrose, on l’éclaire, on la plante, on la désherbe. C’est ce que nous fait faire le « Courrier de Tychique » ! Vous n’y donnez pas les coups de bêche déplacés et les grands coups de hache du site « Virgo Maria » qui rendent d’ailleurs ses lecteurs bien perplexes sur l’objectivité de son analyse. En déracinant les mauvaises herbes, vous faites attention de ne pas blesser la plante qui peut encore porter du fruit. Vous vous contentez de mettre le scandale à la lumière de la Vérité. Votre oeuvre ne peut être que bénie ! Et aimer Dieu dans le plus grand détachement où vous vous trouvez, c’est une des bénédictions les plus insignes : la vraie joie de Saint François !

« Mon Dieu ! Rendez-nous dignes de cet héroïsme ! Héroïsme de nos jours parce que tellement rarissime ! Saints Coeurs de Jésus et de Marie, levez-vous ! Relevez-nous ! Nous sommes tombés tellement bas ! » (…)

Je serais de bien mauvaise foi si je niais que cette lettre, telle que j’en ai reproduit une petite partie, m’a désaltéré. Comme bon nombre d’autres. Je n’en tire aucune vanité, mais j’en préfère tout de même le contenu à la haine dont mes détracteurs m’abreuvent, au mépris de la plus élémentaire charité chrétienne !... Si je l’ai publiée c’est parce que son auteur décrit fidèlement le souci – qui reste le mien – d’informer et de commenter une actualité inquiétante, sans excès verbal. Certes, la polémique y est parfois présente. Mais, comme je l’ai maintes fois rappelé, la polémique est « une oeuvre de miséricorde » (cf. Adrien Loubier « L’action au crible de la charité » p. 106 – Ed. Ste Jeanne d’Arc – 18260 – Villegenon).

Parmi tous les autres messages, il en est un qui me touche particulièrement. Je ne puis malheureusement pas les citer tous ni remercier personnellement leurs auteurs. Qu’ils veuillent bien me le pardonner mais, surtout, qu’ils ne cessent pas de me soutenir par leurs prières. Voici donc un extrait de celui qui m’a touché le plus: « Nous prenons part à votre épreuve qui est aussi la nôtre. La Fraternité n’a jamais connu la charité – j’en sais quelque chose ! Votre « flash » ne touchera pas leurs coeurs. Ils y ont la haine. Bien sûr, nous prions pour eux, et nous leur pardonnons. De mon fauteuil d’invalide je vous adresse toute mon affection in Christo Rege per Maria Regina » Et puis, cette simple demande : « Après avoir lu toutes les horreurs dont vous êtes victime, j’aimerais bien recevoir directement votre « Courrier ». Je suis une amie de ( x) qui m’envoie régulièrement ce que vous écrivez. Vous êtes très courageux et il faut continuer la bataille pour la tradition et l’oeuvre de Mgr Lefebvre » Et ce message vient … d’Ukraine ! Il n’y a donc pas que le Canada ! Et enfin : « Les abbés de Marlieux qui ont adopté une attitude non-amicale avec les fidèles de la Chapelle de Châtillon continuent à y aller le dimanche, mais un abbé FSSP X qui y est lié par des liens précis et anciens, et qui a donc tout naturellement une attitude amicale avec ces mêmes fidèles, reçoit l’ordre de ne pas y aller. C’est évidemment « Tychique » qui est visé, mais il se trouve qu’il n’y aurait certainement pas une seule ligne de ce « Courrier » que Monseigneur aurait censurée, tandis que je suis persuadée que ce qui se passe dans sa Fraternité lui déplairait de plus en plus ! « Quousque tandem abutere, Catalina, patienta nostra ! » (Citation latine de Marcus Tullius Ciceron contre Catalina qui se traduit ainsi : « Jusqu’à quand, Catalina, abuseras-tu de notre patience ? »)

Quand ? Pourquoi ? Comment ?...

Lorsque le RP Eugène, autour duquel nous nous étions agglutinés dans sa petite chapelle de Verjon, nous en ferma la porte, il me demanda de fonder une association et de trouver un local pour y aménager une chapelle. Et il me chargea aussi d’une bien lourde tâche : « Suivez M. Barret et ne vous désunissez pas ! » Je me trouvai donc investi dans la conduite d’un petit troupeau, à mon corps défendant : sans culture religieuse ou intellectuelle, sans études universitaires, sans dispositions particulières : niveau petit catéchisme et études primaires ! Rien, en somme !... Rien ?... Pas tout à fait !... J’avais, depuis longtemps, une dévotion et une confiance totale en la Toute Puissance de la Vierge Marie (San Damiano). J’avais aussi fait deux retraites à Chabeuil suivies par plusieurs autres, notamment en tant que « sergent recruteur » du Père Marziac et j’avais été intégré dans une cellule de la Cité catholique… à la suite d’une invitation qui ne m’était pas destinée ! Les voies du Seigneur sont impénétrables !

L’Association fut donc constituée, un magasin loué, transformé et aménagé en chapelle. Il ne manquait qu’un ciment pour solidifier une communauté qui se cherchait encore … Ce fut « La Lettre du Sacré-Coeur » ! Lettre simple, classique constituant le reflet de la vie de cette petite communauté : naissances, baptêmes, maladies, communions, décès, …. Mais aussi soucis matériels : appels de dons pour faire face à nos achats, accueil des prêtres de passage, recherche de ces prêtres et leur prise en charge financière… soucis que bon nombre de laïcs de l’époque ont dû connaître ! Car – il n’est pas inutile de le rappeler aujourd’hui – sans les laïcs, où en serait la Tradition ? Cette lettre « paroissiale » que je devais tirer à une cinquantaine d’exemplaires seulement, était attendue par tous. Il me semblait avoir ainsi répondu à « l’appel du Christ-Roi » prêché au cours des Exercices spirituels. Je m’en contentais.

Mais voici que, peu de temps après le décès de Mgr Lefebvre, je perçus une sorte de fléchissement dans la stratégie qu’il avait inaugurée. J’en fis mention, en ajoutant une petite rubrique dans ma « Lettre » qui, dés lors et sans que je ne l’aie voulu, fut adressée, qui à un parent, qui à un ami… Je n’y pris pas trop garde au début. Je n’avais même pas connaissance de ces envois. Je n’avais voulu porter mes soucis qu’à l’attention de nos fidèles… Le signe déclencheur de ma disgrâce fut ma « Lettre » n°800, du 17 mars 2002 ! J’y évoquais les infiltrations gnostiques dans la Fraternité, point éminemment sensible puisque quelques abbés se sentirent visés… à juste titre. Parmi eux, il y avait les abbés Guillaume de Tanoüarn et Christophe Héry et… encore en retrait… l’abbé Célier qui préparait déjà sans doute son ouvrage « La paille et le Sycomore » dans lequel il déclarait que « cette nouvelle notion de « gnose » constituait un mythe historiquement faux et intellectuellement absurde » reprenant ainsi, en les amplifiant, les thèses de l’abbé de Tanoüarn ! Or, dans sa lettre manuscrite datée du 16 septembre 1987, Mgr Lefebvre m’écrivait : « on est tout à fait opposé à ce monde qui navigue dans les eaux troubles de la Gnose. Je suis parfaitement d’accord sur cette infiltration dangereuse. Je sens très bien qu’une action sournoise est menée par ces milieux « de droite » pour ruiner le bloc de la Tradition catholique » L’abbé Célier contestait donc explicitement la salutaire mise en garde de Mgr Lefebvre. Il s’y opposait ! J’en fus révolté ! Je compris, dés lors, que je ne pouvais plus me taire. Et qu’il me fallait vraiment combattre pour répondre à « l’Appel du Christ-Roi »…Vous connaissez la suite !