23 juillet 2010

[Présent - Jean Madiran] Le rendez-vous de septembre

SOURCE - Présent n° 7141 - Jean Madiran - 23 juillet 2010

Le Motu proprio du 07.07.07, libérant la messe catholique traditionnelle de l’interdiction invalide qui pesait sur elle, avait fixé son entrée en vigueur au mois de septembre 2007. La lettre l’accompagnant annonçait que l’on ferait le point dans trois ans. Nous y voici, en septembre prochain. Les criminels eux aussi seront au rendez-vous.

Un journaliste allemand du Tagepost a récemment interrogé à ce sujet le cardinal Canizarès, préfet de la Congrégation du culte divin. Il lui a demandé si, au cours de ces trois années, l’ambiance dans l’Eglise s’était améliorée depuis que le Motu proprio avait rencontré l’« accueil enthousiaste » d’une petite minorité et la « dure opposition » d’une majorité. Le Cardinal a répondu :

— Dans les grandes lignes, le climat est resté le même.

L’opposition reste dure, de la dureté qui est celle du crime.

Car l’interdiction, dans l’Eglise catholique, de la messe catholique traditionnelle, n’a pas été une sorte d’inadvertance accidentelle. Elle a été un abus de pouvoir gravement criminel, qui s’est imposé dans l’Eglise avec une assurance insolente. Un seul cardinal a publiquement déclaré en 1971 : « Le rite traditionnel de la messe selon l’Ordo de saint Pie V n’est pas, que je sache, aboli. » Il s’appelait Alfredo Ottaviani (1890-1979). Honneur à lui.

Quelqu’un avait averti, dans la revue Itinéraires de janvier 1970 : « Qu’on n’imagine pas que l’on pourra aisément faire l’aller et retour d’une messe à l’autre. Ce qui est interrompu sera perdu pour longtemps. Ce qui est brisé ne se raccommodera pas au commandement. » On le vérifie aujourd’hui.

L’interdiction criminelle a été officiellement reconnue comme invalide par Benoît XVI, sans expliquer en quoi le crime a consisté. Cette discrétion était pour permettre de tourner pacifiquement la page. Mais les responsables du crime et leurs héritiers n’ont pas désarmé. Ils ont poursuivi leur persécution des prêtres et des laïcs fidèles à la messe catholique traditionnelle. Ils ont réussi à faire qu’aujourd’hui la majorité des fidèles et des prêtres ayant moins de quarante-cinq ans n’ont jamais vu une messe traditionnelle et ne savent même pas de quoi il s’agit. La plupart des évêques et des prêtres ont été, à un degré plus ou moins grand, responsables d’une telle situation. Ils ne se sont jamais entendu dire publiquement que cette situation est le résultat épouvantable d’un crime, le leur. Cette impunité morale est devenue trop nuisible, elle doit cesser.

Pour la plupart, ils sont morts sans doute, les auteurs de l’ordonnance du 12 novembre 1969, de la notification du 28 octobre 1974, de l’ordonnance du 14 novembre 1974, de l’allocution du 24 mai 1976 et de tous autres documents criminels. Mais leurs héritiers ont assumé et entretenu l’héritage du forfait. Encore aujourd’hui, la plupart des épiscopats, ou de leurs noyaux dirigeants, continuent d’organiser leur « dure opposition » au sein même de la curie romaine et même, semble-t-il, jusqu’au cœur de la secrétairerie d’Etat. Halte au crime !

L’état général du clergé (et de sa hiérarchie) est tellement dégradé, avec sa déstructuration mentale, sa foi anémiée, sa charité refroidie, qu’il faut sans doute prendre beaucoup de précautions dans le gouvernement de l’Eglise. Jean-Paul II a préféré temporiser sur la messe. Benoît XVI a temporisé deux ans avant de publier le Motu proprio déjà prêt sous Jean-Paul II. Peut-être choisira-t-il en septembre de temporiser encore, comme il a temporisé pour le curé d’Ars. Il ne convient pas de le lui reprocher. Le Pape est seul juge en la matière. Mais la libre parole du simple laïc dit en face aux héritiers et complices de la malfaisante interdiction que leur abus de pouvoir a été et demeure un crime.


Article extrait du n° 7141 de Présent du Vendredi 23 juillet 2010