18 avril 2010

[Max Barret - La Lettre de Tychique] En 1984… déjà !

SOURCE - Max Barret - La Lettre de Tychique - 18 avril 2010

Le premier « indult » autorisant la célébration de la messe, dite de St Pie V, venait d’être publié (3 octobre 1984) et une certaine forme d’euphorie avait gagné quelques « tradis », déjà fatigués d’un combat qu’ils n’avaient mené, sans grand enthousiasme, qu’en espérant prochaine une victoire qui n’arrivait pas ! Et qui s’éloigne encore aujourd’hui …

Une association nationale – que je ne nommerai pas car elle s’est beaucoup amendée depuis et mérite désormais notre soutien – avait organisé une messe solennelle dans la basilique d’Ars, célébrée, par un bon prêtre conciliant sinon conciliaire, dans le rite multiséculaire qui venait de faire l’objet de toute la commisération vaticane. On m’en avait parlé. M’en étant réjoui je crus devoir y inviter mes amis et les lecteurs d’un courrier (ancêtre de « Tychique ») qui avait alors pour titre « La Lettre du Sacré-Coeur ». Dés les premiers instants de cette « célébration » solennelle, je me sentis mal à l’aise. Mais enfin, je pris patience ! Vint alors le sermon ! J’en rendis compte en ces termes dans la « Lettre du Sacré-Coeur » n° 144 du dimanche 4 novembre 1984 : « Dans la basilique souterraine – moins remplie que pour le Jubilé de M. l’abbé Molin (qui desservait notre première petite chapelle jusqu’à son décès – ndlr) – le prêtre célébrant nous expliqua que, désormais, nous avions assez fait « joujou », que la Résistance était finie, et qu’il fallait « rentrer dans le rang », le petit doigt sur la couture du pantalon… En souffrant, précisa-t’il, il est vrai ! » Et j’ajoutai : « Eh bien non ! Ce n’est pas ce que nous voyons depuis vingt ans, et que nous continuons à voir chaque jour, qui nous amènera à déposer les armes. Nous sommes désormais habitués à nous battre. Nous allons continuer à le faire. Je ne sais ce qui s’est passé ensuite à la Messe. Je n’y étais plus ! J’avais regagné mon foyer. On ne nous y reprendra plus. »

Mais déjà, il y a 26 ans, en 1984, la résistance catholique perdait les plus timorés d’entre les siens … 26 ans après, d’autres timorés continuent à quitter le navire… sans bruit, sur la pointe des pieds !

Toujours est-il que je reçus deux lettres particulièrement musclées, que j’ai évidemment conservées : l’une du président national de l’Association et l’autre de son président régional. Voici un extrait de la seconde (il réjouira mes détracteurs) !

« C’est moi qui ai organisé le pèlerinage d’Ars. Que vous écriviez n’importe quoi, c’est normal, (c’est évidemment moi qui souligne !) mais vous êtes culotté de le faire sur un papier portant « La Lettre du Sacré-Coeur » ! C’est horrible ! J’arrive de Rome. J’ai eu des rendez-vous avec 7 cardinaux et une audience privée par le Saint-Père. Voici les nouvelles que je vous apprends : 1/ Le Saint Père n’a pas été satisfait des conditions posées pour la messe de St Pie V, et tout cela va être supprimé. 2 / Rome avait pensé que la nouvelle liturgie allait amener plus de piété, mais on s’aperçoit qu’il n’en est rien et de grands changements se préparent. 3 / Il est question également de promulguer comme article de Foi que la Ste Vierge est bien corédemptrice. Voila ce que j’avais à vous dire. Qui êtes-vous ? Envoyez-moi donc votre curriculum vitae : je vous envoie le mien ». Celui-ci était impressionnant !... Officier de la Légion d’honneur, Commandeur de l’Ordre National du Mérite, médailles diverses, palmes académiques … Et même Commandeur de l’Ordre du Mérite Italien ! Il avait joint à son panégyrique un article de presse sur lequel on le voit en photo, en tête à tête avec Jean-Paul II bénissant les chapelets qu’il lui présente. Et l’article de presse précise : « Il assista tout d’abord à la réunion de l’Académie pontificale de théologie, au cours de laquelle il a été présenté aux cardinaux présents. Après une longue audience avec le cardinal Oddi, préfet de la Congrégation du Clergé, il eut le grand honneur d’être l’invité privilégié de la messe privée du Saint-Père qui lui accorda par la suite un entretien privé » ! Impressionnant vous dis-je ! Face à cette inflation d’honneurs, je me sentis admiratif et bien insignifiant ! Quant à tout ce que le Saint-Père lui promettait, les lecteurs actuels apprécieront !... Et puisqu’il me demandait « Qui êtes-vous ? », voici quelle fut ma réponse : « Rien ! Je ne suis rien ! Je n’ai à faire valoir, comme modeste « titre de gloire », que la défense de la messe traditionnelle, dite de St Pie V, m’imposant pendant plusieurs années des voyages parfois de plus de 100 km pour assister à la « vraie messe »… Et vous ? … J’ai ouvert à Châtillon la Chapelle du Sacré-Coeur où la Sainte Messe est célébrée chaque dimanche. A part cela, j’organise divers pèlerinages ( 3 ou 4 par an ). Dimanche dernier j’ai conduit un car à Martigny (Suisse) pour les cérémonies du cent-trentième anniversaire de la proclamation du Dogme de l’Immaculée Conception et la consécration du genre humain et de la Russie au Coeur Immaculé de Marie par Mgr Lefebvre. Et vous ? … J’ai aussi conduit deux cars à Lourdes l’an passé au pèlerinage du Christ-Roi de l’abbé Coache, un banal curé de campagne… Et vous ? » Et je me permis d’ajouter quelques-unes de mes autres actions qui durent l’impressionner puisqu’il demanda aussitôt à me rencontrer… ce qui fut fait dans un climat apaisé et serein, à mon bureau… car il s’était déplacé pour cet entretien !

Mais j’avais tenu à ajouter : « Il reste un problème que personne n’aborde : celui de la réhabilitation de Mgr Lefebvre et de la reconnaissance officielle de son OEuvre. Tant que justice ne sera pas rendue à ce prélat, persécuté, calomnié, injurié, humilié, je ne déposerai pas les armes. Puisque, me dites-vous, vous avez été reçu par 7 cardinaux et par le Saint Père luimême en audience privée, avez-vous abordé le sujet ? Je parie que non ! Or, si des hommes comme vous, qui ont un tel curriculum vitae à faire valoir, qui ont leurs entrées au Vatican, ne mènent pas ce combat, qui le mènera ? Pas moi, tout au moins à ce niveau : je vous l’ai dit, je ne suis rien ! Le néant ! » Sans doute voulut-il revenir sur ses propos. Dans une lettre suivante il m’écrivit : « Ne parlez pas de néant !... Je crois que vous êtes docteur ! » Ce qui m’amena à terminer nos relations (épistolaires tout au moins) par cette réponse : « Mais si… justement, parlons de « néant » ! Je demande tous les matins dans ma prière la grâce d’être pénétré par cette réalité : je ne suis rien ! Sans Dieu je ne suis rien, je ne vaux rien, je ne sais rien, je ne comprends rien … et je ne suis même pas « docteur » !...

Je lui fis évidemment rencontrer Mgr Lefebvre … ça manquait à son CV! Et 26 ans plus tard, je poursuis le même combat! Et je subis les mêmes attaques! Deo gratias!