25 octobre 2009

[Les Editions Romaines] Interview de M. l’Abbé Philippe Toulza, Directeur des Editions Clovis

SOURCE  - Les Editions Romaines - Octobre 2009

C’est un immense plaisir pour les Editions Romaines que d’accueillir en son sein le directeur des Editions Clovis, une maison d’édition catholique au catalogue riche en ouvrages pour tous les âges. En outre, les Editions Clovis produisent également le bimestriel Fideliter au sein duquel la foi catholique est défendue avec conviction et fierté mais aussi avec un verbe posé, respectueux et une fine argumentation.

Monsieur l’Abbé, tout d’abord, un grand merci pour le temps que vous avez voulu nous consacrer. Pouvons-nous mieux vous connaître ? Quelles sont les raisons qui vous ont amené à devenir le directeur des Editions Clovis ?
C’est moi qui vous remercie de l’attention que votre site porte à notre établissement. Je me présente donc : j’ai 43 ans. Après des études scientifiques et ma formation au séminaire, j’ai été ordonné en 1996. J’ai exercé mon ministère, pendant dix ans, dans divers lieux : au sein d’une école secondaire (j’enseignais la philosophie, entre autres) ; comme professeur de théologie dogmatique dans un séminaire ; enfin comme responsable d’un prieuré, proche de Reims. Au printemps 2006, mon supérieur m’a téléphoné : « Je viens vous demander quelque chose de difficile. » Cela commençait bien ! Puis il m’a proposé de prendre en charge les éditions Clovis. La demande venait de mon « chef », j’y ai donc vu la volonté de Dieu. Prêtre et religieux, comment devais-je réagir ? Je me suis dit : « Pour la réponse, tu as le choix entre « oui » et « oui ». » J’ai choisi « oui ».
Pouvez-vous nous raconter l’histoire de cette maison d’édition ?
Elle a commencé en 1978. A cette date le district de France de la Fraternité Saint-Pie X (fondée par Mgr Marcel Lefebvre) a jugé nécessaire de proposer un bulletin bimestriel pour soutenir par la plume la mission de notre société sacerdotale. On a craint que ce soit un « mort-né », comme d’autres tentatives de ce genre, mais les demandes d’abonnement ont afflué. Assez vite on s’est aperçu que la revue ferait du bien, intéresserait les lecteurs si elle se présentait comme un « pot-pourri ». C’est dans un deuxième temps qu’on s’est lancé dans l’éditions de livres divers (touchant à la liturgie, à la doctrine et la spiritualité, à l’histoire, à l’éducation, à la situation de l’Église depuis le concile Vatican II). Enfin on a commencé à acheter des ouvrages pour ensuite les revendre. Aujourd’hui nous offrons donc ce triple service : notre bimestriel « Fideliter », des ouvrages « Clovis » et des livres revendus. Nous proposons tout cela grâce à des catalogues papiers et un site internet : www.clovis-diffusion.com.
A quel public s’adressent vos collections ? Visez-vous toutes les tranches d’âge ?
Le livre, c’est un peu comme un ami. Un ami qui parle beaucoup, qu’on peut emmener toujours avec soi et qui ne se fâche jamais. Comme on peut avoir des amis à tout âge, nous tâchons de proposer à nos clients des ouvrages même avant 7 ou après 77 ans. Nous éditons ou rééditons des romans de jeunesse ou des vies de saints pour l’âge encore tendre. Nous offrons également une palette de livres assez complète pour les adultes. Une source de satisfaction, c’est lorsque, en visitant des personnes isolées ou des familles, ici et là, je retrouve dans leur bibliothèque des livres Clovis ou des exemplaires de la revue, surtout lorsque ces personnes disent le bien que leur a fait une lecture particulière. Cela m’est arrivé, dernièrement, dans un village retiré, en pleine montagne du Liban !
Votre ligne éditoriale a-t-elle évolué au cours du temps ?
Bien que notre maison dépende d’une congrégation religieuse, le prêtre qui en a la charge donne évidemment, selon ses vues personnelles, une couleur un peu particulière à la ligne éditoriale du moment, tout en se rangeant à la marche d’ensemble définie par le district de France. Mon prédécesseur a développé amplement de nouvelles éditions dans le domaine historique ou pour les livres de jeunesse. De mon côté je m’emploie à compléter ce travail par une réédition de grands chefs d’œuvre de la littérature catholique, comme la Vie de Jésus-Christ, de Ludolphe le Chartreux. Nous sommes également attelés à un travail considérable : la publication d’un nouveau missel.
Comme beaucoup de maisons d’éditions, vous offrez la possibilité aux internautes de commander en ligne. Ces nouvelles technologies vous ouvrent-elles à une nouvelle clientèle ?
Notre clientèle vivant hors de la Métropole a bien augmenté grâce à cette nouvelle possibilité. Des pays que nous n’atteignons pas jusqu’ici (le Sénégal, par exemple) voient émerger de nouveaux clients. N’exagérons cependant pas la portée de cette évolution : je ne sache pas que nous ayons beaucoup de clients en Corée du Nord ou en Birmanie ! Dommage, car ce serait l’occasion de voyages commerciaux et apostoliques pleins d’aventure…
Quel objectif nourrissez-vous à l’égard de votre publication Fideliter ?
Fideliter est historiquement le cœur des éditions Clovis, c’est à elle que nous sommes le plus attachés. Nous sommes passés récemment de 80 à 96 pages, avons changé la maquette, bien plus colorée, et nous avons un peu accru la part donnée aux illustrations. Sur le fond, je désirerais que cette revue concilie tout particulièrement les qualités suivantes : combat pour la foi catholique traditionnelle, dans une époque où elle est battue en brèche ; hauteur de vue et ton courtois, selon l’antique façon française ; intérêt pour les familles et la vie chrétienne concrète ; diversité des rubriques.
Comment voyez-vous, plus largement, le développement des Editions Clovis ?
Il faut reconnaître que les temps sont durs pour le livre et l’édition, comme nous le rappellent bon nombre d’études statistiques et de fermetures de sociétés. De notre côté, nous nous employons à conquérir de nouveaux lecteurs, en renouvelant leur intérêt pour Fideliter et leur goût pour la lecure ; et à offrir des tarifs abordables car les portefeuilles vont s’amincissant (nous avons baissé bon nombre de prix). Nous avons été obligés de procéder également à une restructuration et à ce qu’on appelle aujourd’hui une « externalisation » d’une grande partie de notre activité. Nous essayons de faire notre possible et sommes optimistes pour le futur. Le reste est dans les mains de la Providence.
Que pensez-vous de la polémique en Europe francophone relativement à l’enseignement du latin ? Pensez-vous que ceux qui s’en font les défenseurs sont armés de bons arguments ?
En réalité, il faut reconnaître que les esprits, tout doucement il est vrai, reviennent à une reconnaissance de ce qui est, en fait, la langue de l’Église et de la culture traditionnelle de l’Europe. En Finlande, par exemple, la radio nationale émet des programmes d’information en langue latine. Les statistiques apportent le nombre de 75 000 auditeurs, pour un pays qui n’est pas des plus peuplés… Le latin est d’abord, pour les catholiques, la langue de la prière collective et des textes fondateurs (la version officielle de la Bible, la Vulgate, par exemple). Elle est aussi le véhicule et le moyen d’accès à des monuments de la pensée et de la foi. Si c’était un obstacle pour prier, comment expliquer que les messes en langue vernaculaire aient souvent de la difficulté à attirer les foules ? Je vous garantis que, là où la messe traditionnelle est dite, les âmes (même jeunes) ne sont font pas prier pour venir prier – si vous me passez l’expression.
L’ensemble des supports produits par les Editions Clovis sont animés par la Tradition catholique. Quel message d’encouragement voudriez-vous faire passer à tous ceux qui se défient des valeurs de la Tradition ?
Depuis de longues années les médias nous encombrent avec l’idée selon laquelle « il faut vivre avec son temps » et semblent faire une concession extraordinaire s’ils soutiennent que la modernité doit faire place à un peu de Tradition. La question n’est pas de savoir quelle est ma façon personnelle de concevoir le catholicisme et plus généralement le rapport au monde ou la régulation de la vie. La question est de savoir quelle conception objective le catholicisme porte en lui, indépendamment de nos petites convictions. Or, il est indéniable que la religion de Jésus-Christ a été, est et sera toujours fondée sur un dépôt de vérités reçues de son fondateur, inusables et fécondes pour le bonheur des peuples. Ce que vous appelez avec bienveillance les « valeurs » de la Tradition, ce n’est rien en réalité rien d’autre que le message du Christ. Autour de nous de plus en plus de personnes, de tout niveau intellectuel et social, reviennent à la religion catholique traditionnelle. Je crois qu’au sein d’un univers en désarroi croissant elle est, selon le mot de Charrette, la « jeunesse du monde ».