14 octobre 2009

[Jean Madiran / Présent] La menace sur l’Eglise : le risque de «secte»

SOURCE - Jean Madiran - Présent - publié le 14 et daté du 15 octobre 2009


Un nouveau parti vient d’apparaître, lancé, entre autres, par Le Monde et par La Croix. C’est un parti qui nous propose de faire subir à l’Eglise une démocratisation égalitariste. Il est animé par des agitatrices se déclarant « cathos de l’intérieur » et qui, pour commencer, fondent une « Conférence des baptisés de France » et préparent la réunion d’« Etat généraux » rassemblant sur un pied de stricte égalité prêtres, diacres et laïcs, ces derniers s’estimant trop peu « représentés » dans la vie de l’Eglise. Pour le moment ils sont, disent-ils, quatre à cinq cents, mais la grande notoriété que La Croix et Le Monde donnent d’emblée à leurs agissements devrait leur assurer un important recrutement.

Leur philosophie générale repose sur une profonde distinction métaphysique entre l’« ouverture », on est pour, et la « fermeture », on est contre. Ce que l’on sait déjà de leurs revendications consiste à défendre, « bien sûr » disent-elles, l’accès à la prêtrise pour les femmes et pour les hommes mariés, mettant ainsi fin à la prééminence accordée aux prêtres, et réclamant que les petites filles soient enfants de chœur à part entière. L’une des deux principales dirigeantes s’honore d’avoir « sept ans de théologie à son actif ». Cela se voit. Il lui en aurait sans doute fallu quatorze.

Comme dans les partis marxistes-léninistes quand ils sont encore dans l’opposition, les revendications exprimées sont un décor pour l’agitation, le but véritable est ailleurs, il est toujours d’abattre un ennemi. Ici, il est clairement avoué, il s’agit de mener dans l’Eglise un combat contre Benoît XVI parce qu’il « tend la main aux intégristes », il s’inscrit dans une évolution « réactionnaire », « fermée à la souffrance humaine, moralisatrice, empreinte de juridisme ». D’ailleurs, nous dit la théologienne septénaire, « sous Jean-Paul II aussi cette tendance existait, mais elle était masquée par son charisme », et la théologienne n’étant pas arrivée à sa septième année d’étude, n’était pas encore capable de démasquer Jean-Paul II.

Donc, et voici maintenant le sérieux, « Benoît XVI risque de transformer l’Eglise en une secte, en un groupement de clones ». Clones, c’est l’injure gratuite, l’insolence rhétorique, mais le mot important a été prononcé, il est décisif, c’est la secte.

En effet tout est légalement prêt pour une éventuelle persécution contre l’Eglise catholique. Il suffit de l’assimiler à une secte. Les sectes sont contraires à la légalité républicaine. La « laïcité ouverte », que notre premier ministre vient d’aller vanter à Benoît XVI, consiste à accepter toutes les religions dans la mesure où chacune lutte suffisamment contre son propre intégrisme. Dans l’invention de ce nouveau laïcisme, l’islam était directement (et utopiquement) visé. Mais l’Eglise peut l’être aussi ; elle est contre le « droit » à l’avortement, contre la promotion morale et juridique de l’homosexualité, contre l’éducation des enfants par l’Etat, elle est pour toutes sortes de discriminations : entre les hommes et les femmes, les prêtres et les laïcs, les membres de la communauté catholique et les excommuniés, les hérétiques, les schismatiques, les apostats ; entre l’état de grâce et l’état de péché ; entre les prêtres du premier ordre et ceux du second ; entre la légitimité religieuse qui vient d’en haut et la légalité démocratique qui vient d’en bas. L’Eglise peut donc être déclarée foncièrement contraire à l’ordre public (républicain) ; coupable d’homophobie, d’intégrisme, de racisme discriminatoire ; bref : une secte. Puisque même des « cathos de l’intérieur » l’en accusent.

On ne peut évidemment guère savoir s’il s’agit en l’occurrence d’une malignité personnelle ou bien d’une ignorance naïve, manœuvrée par une manipulation perverse. Mais la menace est là. Elle est habilement conditionnelle : ce n’est encore qu’un simple risque, celui de voir l’Eglise accusée d’être une secte, si « le pontificat de Benoît XVI » continue son « évolution réactionnaire ». La cible, c’est bien Benoît XVI.

JEAN MADIRAN