15 septembre 2009

[CRC - Frère Bruno de Jésus] Joseph vendu par ses frères

SOURCE - La Contre-réforme catholique au XXIeme siècle - septembre 2009
«L’homme aux songes» (Gn 37, 19)

Un jour, notre Père nous raconta qu’il avait fait un songe. C’était à la fin du Concile, alors qu’il s’opposait publiquement aux textes promulgués, donnant tort au Pape, à 2 400 évêques, et aux milliers de théologiens et d’experts qui les assistaient.

Il croyait vraiment avoir raison contre tous : il le disait, l’imprimait. Tous hérétiques !

Or, une nuit, il rêva qu’il mourait et comparaissait devant Dieu, et Dieu le condamnait : « Je me heurtais à un Dieu qui était d’un autre avis que le mien. Cependant, il me laissait le temps de réfléchir. »

Remarquez que ce songe était prémonitoire, comme celui de Joseph dans l’Ancien Testament : “ la grande affaire ” de toute sa vie passait devant ses yeux.

« Je refaisais ma démonstration sur la liberté religieuse, sur l’œcuménisme, sur l’Église qui épouse le monde, sur le judaïsme et sur la falsification de l’Écriture sainte, et ces démonstrations étaient d’acier, et la contradiction entre Dieu et moi était de plus en plus vive, jusqu’à ce qu’une certitude se fît jour : ce n’était pas Dieu. Et je me réveillais. C’était un songe ! »

Il n’y a pas de contradiction en Dieu. Que Dieu puisse être d’accord avec Vatican II est intrinsèquement impossible. Mais quel rêve affreux ! Il y va de la vie éternelle de chacun des protagonistes, en cette controverse : la vie éternelle des Papes et des Pères du concile Vatican II, d’une part, et celle de leur opposant, d’autre part.

Vingt ans plus tard, en 1985, au cri d’alarme lancé par le cardinal Ratzinger, le pape Jean-Paul II répondit par la convocation d’un synode extraordinaire. Nouveau cauchemar. « Et si le cardinal Ratzinger nous déçoit ? » De deux choses l’une : « S’il est l’homme de grande foi théologique que nous savons, il peut être le prochain Pape, le sauveur de l’Église, et là il y aurait un signe d’espérance. Mais s’il est le disciple de Jean-Paul II, il lâchera, et le synode sera le grand événement qui fera oublier son livre sur l’état catastrophique de la foi. »

Les événements ont vérifié cette extraordinaire prémonition :

1° Le cardinal Ratzinger est devenu Pape.

2° Il s’avère le disciple de Jean-Paul II en tout point conforme au tableau qu’en faisait alors notre Père : « Si le cardinal Ratzinger lâche, ce sera comme une dernière sécurité qui lâchera dans l’Église. Si le charismatisme continue à se répandre dans l’Église, lui qui est insensiblement progressiste, qui a fait une sorte d’alliance tacite avec la subversion, est allié du modernisme, il portera aide par sa carence à la subversion mondiale. »

À cette éventualité qui se vérifie aujourd’hui de manière si terrifiante, notre Père opposait trois raisons d’espérer contre toute espérance :

1° Nous sommes dans la main de Dieu.

« Notre vie, disait-il en envisageant le pire, sera peut-être de plus en plus difficile. » Vingt ans après, lorsque nous lui avons annoncé l’élection de Ratzinger, en 2005, ce mot lui est revenu aux lèvres : « Ce sera difficile. »

« Poussons au noir, poursuivait-il. Eh bien ! nous sommes dans la main de Dieu. À chaque jour de notre vie, nous avons cette certitude que nous donnent les psaumes, prière de l’Église. Si nous continuons à prier, nous aurons toujours cette consolation, cette lumière : je suis dans la main de Dieu qui est paternelle. Cela, c’est la consolation des psaumes. C’est pour cela que l’Église nous les fait réciter chaque jour. Parce que Dieu est fidèle, bon et miséricordieux, il faut avoir confiance et cette confiance donne courage. Comme l’enfant qui cache sa main dans la main de son papa, y trouve son assurance : “ Je sais que je suis, que nous sommes dans la main de Dieu. ” »

Cette première manière d’envisager le pire est parfaite, sanctifiante, très sûre, et méritoire. « De moment en moment, on peut beaucoup supporter. »

2° La mort est notre amie. Elle marque la limite et la fin de l’épreuve. « Deo et Mariæ gratias. Je ne pécherai plus... » La mort est l’acte plénier du juste qui remet son âme entre les mains de Dieu sans avoir capitulé devant le mal. Mais il y a plus : non seulement la mort marque la fin de toutes les épreuves, mais elle est l’acte par lequel l’être humain que nous sommes, créé à l’image de Dieu, peut donner, comme Jésus sur la Croix, la preuve de sa fidélité à Dieu. Telle est la victoire, le “ coup de majesté ” qui a dressé des hommes avec fierté au poteau d’exécution en face de ceux qui allaient les tuer. C’est la signification de la vision ultime du troisième Secret :

« Sous les deux bras de la Croix, il y avait deux Anges, chacun avec un vase de cristal à la main, dans lequel ils recueillaient le sang des martyrs, et avec lequel ils arrosaient les âmes qui s’approchaient de Dieu. »

3° Ces paroles répondent aussi à la troisième question que les deux premières laissent en suspens : « Et les autres, après nous ? »

Réponse : après ma mort, les choses iront peut-être de mal en pis, mais elles achemineront vers le Règne de Dieu. Cette troisième réponse est aussi nécessaire et elle tire toute sa valeur du bilan effroyable qui fonde notre pessimisme : Dieu régnera. Le Notre Père imprime dans nos âmes cette certitude à force de demander : “ Que votre règne arrive ! ” Dieu sera le Père de ceux que nous laissons. Et ainsi, les générations se succèdent en se passant le flambeau, et les chrétiens savent qu’ils vont vers la Parousie qui est le Royaume de Dieu venant en puissance et en majesté. Ils sont donc sûrs que la victoire est définitivement acquise et déjà en chemin. Notre invocation du Sacré-Cœur est pleine de cette attente : “ Que votre règne arrive !

Jésus a affirmé à la face de ses juges qu’ils verraient le Fils de Dieu revenir en puissance pour instaurer son règne. Cette affirmation magnifique, magistrale, divine, est victorieuse de tout désespoir.

Jésus aussi a connu, dans sa sainte agonie, « tristesse et abattement » que jamais homme ne connut avant lui, ni ne connaîtra après lui. Mais il les a affrontés et surmontés, après avoir dit, avant de s’enfoncer dans la nuit : « Ayez confiance, j’ai vaincu le monde. »

« J’ai vaincu. » Le monde était vaincu d’avance.

Nous avons vécu sans autre appui que cette certitude. Les autres après nous seront sans appui et pourtant soutenus. Chacune de nos morts hâte le jour de la victoire. Les martyrs hâtent le règne de Dieu. Le troisième Secret de Fatima nous le révèle : c’est par la succession des sacrifices qu’est hâté le jour de la glorification du Christ.

Le Cœur Sacré de Jésus prépare son Règne universel par celui du Cœur Immaculé de Marie, retardé par les forces sataniques déchaînées. Mais même si tout doit aller de mal en pis, ce déchaînement des puissances de l’enfer est le signe avant-coureur de leur défaite : à la fin, le Seigneur des seigneurs donnera à sa Mère l’honneur d’écraser la tête du démon de son pied virginal et de donner au monde un certain temps de paix.

Alors, plus de désespoir. Nous sommes débordants d’espérance. Cette vertu théologale est la clarté du jour, la sécurité de notre quotidien, la sûreté de l’avenir. En tant que membres de la Communion phalangiste, nous sommes sûrs de la victoire, nous n’avons pas peur de la mort, ne la considérant pas comme une catastrophe.

Malgré ses ennemis, « le Christ régnera » par le Cœur Immaculé de Marie.

frère Bruno de Jésus.