13 avril 2008

[Max Barret - Tychique] Souffrance d’un fils spirituel de Dom Gérard

Max Barret - Tychique n°238 - 13 avril 2008

Extrait de Tychique n°238 – 13 avril 2008 – par Max Barret, ancien chauffeur de Mgr Lefebvre
Souffrance d’un fils spirituel de Dom Gérard.
Les combattants de ma génération, ou ce qu’il en reste, se souviennent très certainement des chroniques de Julio Fleichman publiées dans la revue « Itinéraires » pendant plusieurs années. Comme Gustavo Corçao, dont il devint l’ami, il était un converti et rappelait sa condition de « pauvre juif tâtonnant au milieu de ses troubles » qu’il était encore au début des années 1950, lorsque, précisément il rencontra Gustavo Corçao… Ami fidèle de Mgr Lefebvre et de Mgr de Castro Mayer, il n’en dirigea pas moins le service juridique de « Coca-Cola » de 1963 à 1988. Marié le 28 juillet 1956, dans un monastère bénédictin, il eut quatre enfants dont un, devenu moine, Dom Laurenço Fleichman qui rejoignit le Monastère Sainte Madeleine du Barroux, en 1980. C’est sa souffrance que je veux évoquer en citant quelques passages de son témoignage bouleversant. 
« Il m’a fait trop de mal pour dire du bien de lui. Il m’a fait trop de bien pour dire du mal de lui ! » Je crois que ce sont les mots qu’avait écrit l’abbé Berto sur Jacques Maritain, et qu’aujourd’hui je pourrais reprendre à mon compte à propos de Dom Gérard Calvet OSB qui vient de disparaître. »
Suit la longue évocation du parcours de Dom Gérard. Puis, je cite toute la fin du témoignage qu’il faut lire avec attention. 
« (…) Ce n’était pas comme Ecône parce que ce n’était pas un évêque, mais il y avait une profondeur dans ses écrits et sa pensée qu’on pouvait remarquer dans ses articles de la revue « Itinéraires ». Mais Dom Gérard avait certains défauts graves et sa nature pouvait être gagnée facilement par des personnes qui le flattaient avec certains types de compliments. A cette époque il était confus et a aussitôt commencé à glisser dans l’orgueil de se savoir si influent, si recherché par tant de gens, en réussissant à construire un monastère qui laissait la France bouche bée ! Le premier signe de ce phénomène intervint en 1983, lorsque sortit le nouveau Code de Droit canonique. Le prêtre qui enseignait cette matière, issu du diocèse d’Avignon et qui célébrait aussi la messe traditionnelle, fit une conférence en montrant plusieurs erreurs graves du nouveau Code. Mais, comme sont tous ces « conservateurs », à la fin il disait que c’était l’Eglise qui nous le donnait et que nous devions l’accepter… Je lui ai demandé comment il pouvait être donné par l’Eglise et aussi corrompu. Mais Dom Gérard ne l’a pas laissé répondre en affirmant qu’il était de l’Eglise et que nous allions l’utiliser à la lumière de la Tradition. Comme à l’accoutumée, dom Gérard m’a demandé de téléphoner à Mgr de Castro Mayer pour connaître l’avis de l’Evêque émérite de Campos, docteur en Droit Canon. Ils ont entendu personnellement la réponse de Dom Antonio (de Castro Mayer ndlr) : « Le nouveau Code de Droit canon fait partie des hérésies de Vatican II ». Et la chose est restée ainsi. Mes inquiétudes, en vérité, ont diminué dans la mesure où Dom Gérard continuait, après cela, à critiquer fortement et en public les erreurs du pape et du Concile. Il suffit de relire un des exemplaires de la Lettre aux amis du Monastère où il parlait de « l’hérésie oecuméniste ».

« En 1984, Dom Gérard a été appelé à une rencontre avec le président de la Confédération bénédictine à Florence, en Italie. Là on lui a proposé de recevoir les approbations de Rome pour la vie monastique et pour la messe traditionnelle, si, en échange, il acceptait de ne plus aller à Ecône. A son retour, Dom Gérard en a parlé à la communauté qui lui a répondu que cette proposition était une trahison, et que lui n’était pas un traître. Par cette réponse et d’autres encore, je me sentais en sécurité malgré des glissements que je percevais déjà. Quatre ans plus tard, encore influencé par des personnes infiltrées dans le monastère, le Prieur se laissa séduire par une Tradition officialisée par Rome, en disant croire à la sincérité des autorités qui, disait-il, ne lui demandaient rien en échange. Mais Dom Gérard a reçu le cardinal Mayer qui est rapidement venu au Barroux proposer un accord après le refus de Monseigneur Lefebvre de continuer les négociations. Pour faire un accord avec Rome, le Barroux devait s’éloigner de Mgr Lefebvre. La même proposition qu’en 1984… avec une réponse différente de dom Gérard. Cette fois la mitre et la crosse de l’abbé étaient en jeu. Rome savait séduire pour gagner. Et la trahison arriva. Il a trahi ce que Monseigneur Lefebvre avait fait pour le Barroux. Il a trahi la Sainte Eglise en baissant les bras, en cessant le combat, en concélébrant avec le pape à Rome, en acceptant la nouvelle messe. Ensuite il a laissé agir la dynamique de Vatican II (comme le dira quelques années plus tard l’abbé Cottier, aujourd’hui cardinal, à propos de l’accord de Campos). S’il m’est permis de me citer moi-même, je dois dire qu’avant de partir du Barroux j’ai dit à Dom Gérard : « Des milliers de familles attendent, en France et dans le monde, un mot pour les confirmer dans la foi, en refusant la trame et la malice de nos ennemis. Cet accord sera l’occasion de grandes divisions dans les familles ». Tout a été vain. Le reste fut un drame aux proportions incalculables, pour les moines divisés, pour une belle communauté monastique qui changeait l’itinéraire de sa vie pour finir détruite, ensevelie par le progressisme de Vatican II. Des vingt prêtres que nous étions au Barroux, je crois que cinq sont restés. Quelques uns ont tout lâché, la vie monastique et le sacerdoce, d’autres ont continué le combat de la Foi aux côtés de la FSSPX, d’autres sont devenus prêtres diocésains en célébrant la nouvelle messe, aussi mondains et laïcisés que les prêtres progressistes. Un cataclysme que maintenant, devant Notre Seigneur, Dom Gérard doit considérer dans toute sa proportion…. Il paraît que, dans ses derniers mois, il se serait rendu compte du mal qu’il avait permis et avait causé. Il aurait dit qu’il s’était trompé dans son choix de 1988. Je ne sais pas ce qu’il en est vraiment. Je prie pour son âme en ce moment terrible, le remerciant de tout ce que j’ai appris de lui, attristé par tout ce que j’ai souffert par lui, animé par la vertu d’Espérance du désir qu’il ait une place au purgatoire où il puisse expier ses manques.

« De son âme, de sa vie morale, je n’ai pas à témoigner, ni n’ai à dire quoi que ce soit contre lui. Mais la chute de son monastère, causé par sa vanité, en a atteint beaucoup, a blessé l’Eglise et a besoin d’être expiée. »

Dom Laurenço Fleichman.

Où l’on voit la perversité des instances romaines…

Il suffit de relire les passages que j’ai soulignés dans le texte ci-dessus ! Comme me l’a écrit personnellement Mgr Lefebvre : « Ils n’ont pas changé, sinon en pire » (cf. « Mgr Lefebvre, tout simplement » p. 126). On y découvre la fourberie, la duplicité, la perversité des squatters sans scrupules, qui ne sont en réalité que les « exécuteurs des hautes oeuvres » d’une action planifiée depuis fort longtemps ! Et l’on constate, affligé, le succès de leur entreprise quand le piège fonctionne !
En effet, il aurait pu ne pas fonctionner ! Il eut suffi d’un adversaire solide, déterminé et moins perméable aux sirènes du monde. Car, comme le précise Dom Fleichman, c’est par la vanité de Dom Gérard, que la belle communauté monastique du Barroux fut « détruite et ensevelie par le progressisme de Vatican II » !... Le même sort serait réservé à la Fraternité St Pie X si elle tombait dans le même piège ! Il n’en existe pas de preuve plus incontestable que le témoignage de Dom Laurenço Fleichman.