26 novembre 2006

Baiser Lamourette à la Mutualité
26 novembre 2006 - Romano Libero - Golias - golias.ouvaton.org
Lundi 20 novembre, des catholiques de diverses sensibilités se sont retrouvées à la mutualité pour envisager l’avenir et essayer de trouver un minimum de consensus. Plusieurs centaines de fidèles étaient présents, pour la plupart traditionalistes.

On a pu s’étonner de voir Jean-Pierre Denis, directeur de la rédaction de l’hebdomadaire La Vie assis non loin de Bruno Larebière, rédacteur en chef du magazine d’"extrême droite "Choc du monde". Georges Hourdin s’en est certainement retourné dans sa tombe. Certaines complaisance ont portée de reniement.
Au fil des débats, beaucoup ont avancé l’idée d’une sorte de réconciliation fraternelle de toutes les tendances du catholicisme. Au nom de quel Evangile ? La question demande a être posée. Nous regrettons vivement la présence irénique de M. Denis. Les combats que mènent M. Larebière et l’abbé Laguérie, dans le sens du Front National, tout comme Daniel Hamiche, un journaliste très connu dans les milieux intégristes sont-ils acceptablers pour un catholique d’ouverture ? Que peut signifier un voisinage artificiel faussement fraternel lorsque les convictions profondes de l’un constituent la négation des convictions de l’autre ? Nous sommes en plein dans l’illusion, sinon dans la duperie réciproque (surtout à l’avantage des intégristes, notons-le).
Jean-Pierre Denis s’st fait racoleur. Pour lui, ’une des difficultés du christianisme dans la société est l’excès de tiédeur". A décrypter : je suis d’accord avec vous pour une croisade intégriste. Il y a quelque chose de méprisable dans cette façon de mettre ainsi son drapeau dans la poche au bénéfice d’une illusoire réconciliation d’un instant.
On songe à un épisode connu de la Révolution française. Adrien-Antoine Lamourette, parlementaire et ....évêque constitutionnel (comme par hasard) proposa un jour à toute l’assemblée de s’embrasser cordialement en signe de réconciliation. C’était en 1792. Deux ans plus tard, le cher homme périt la tête tranchée sur l’échafaud. Cherchez l’erreur.

25 novembre 2006

Présentation d’un disque vidéo sur la messe tridentine
25 novembre 2006 - dici.org
Le District de France de la Fraternité Saint Pie X organisera à Paris une conférence de presse le 7 décembre, au cours de laquelle son supérieur, l’abbé Régis de Cacqueray, et le directeur du trimestriel La lettre à nos frères prêtres, l’abbé Patrick de La Rocque, présenteront aux journalistes un DVD sur la messe tridentine à l’usage des prêtres qui souhaitent apprendre à la dire. Il s’agit d’un film d’une durée d’1h30 où sont expliqués tous les détails de la célébration de la messe traditionnelle. Une opération semblable a été effectuée cette année par le District d’Allemagne de la Fraternité Saint Pie X. Jusqu’à présent seule la moitié du clergé d’outre-Rhin a reçu un courrier invitant les prêtres intéressés à demander par retour un DVD sur la messe tridentine, mais sur les 8.000 destinataires de ce courrier déjà plus de 1.000 ont souhaité recevoir le film, très exactement : 100 séminaristes et 950 prêtres.
Dans la soirée du 7 décembre, vers 19h30, l’abbé de La Rocque répondra sur Radio Courtoisie aux questions de Claude Giraud et de l’abbé Lorans au sujet de cette opération qui débutera en France le 15 décembre.

[Aletheia n°100] La « réforme de la réforme » a commencé - Vient de paraître: " Katharina Tangari "

Yves Chiron - Aletheia n°100 - 25 novembre 2006
La « réforme de la réforme » a commencé - par Yves Chiron
Aux journées d’études « Autour de la question liturgique » organisées, discrètement, à l’Abbaye Notre-Dame de Fontgombault en juillet 2001, il avait été beaucoup question de « La réforme de la réforme », soit le dépassement, par le haut, de la crise liturgique introduite par l’application, désordonnée, du Missel de Paul VI.
Celui qui était alors le cardinal Ratzinger avait conclu ces journées d’études par une conférence où il avait évoqué la coexistence de rites différents dans l’Eglise catholique et la question de la « réforme de la réforme »[1]. Il réservait l’expression au Missel de Paul VI. Mais il n’excluait pas la nécessité d’introduire des éléments nouveaux dans le Missel de 1962 (introduire des « saints nouveaux » et de nouvelles préfaces « qui proviennent du Trésor des Pères de l’Eglise »).
La « réforme de la réforme », l’actuel Souverain Pontife l’envisageait en trois directions :

  • « rejeter la fausse créativité qui n’est pas une catégorie de la liturgie », en supprimant les « espaces de créativité » que le nouveau Missel autorise explicitement ;


  • le « problème grave » des traductions infidèles, déficientes voire hérétiques (le cardinal n’employait pas le mot mais parlait de traductions qui font « disparaître des choses essentielles ») ;


  • « la célébration versus populum ». « La célébration vers l’Orient, vers le Christ qui vient, est une tradition apostolique » disait le cardinal Ratzinger mais « je suis contre la révolution permanente dans les églises ; on a restructuré maintenant tant d’églises, que recommencer de nouveau en ce moment ne me semble pas du tout opportun. Mais s’il y avait toujours sur les autels une croix, une croix bien en vue, comme point de référence, nous aurions notre orient, parce que finalement le Crucifié est l’orient chrétien ».

C’est le problème des traductions auquel commence à s’attaquer, avec détermination, le cardinal Arinze, Préfet de la Congrégation pour le Culte divin par une lettre en date du 17 octobre 2006, lettre adressée à tous les Présidents des Conférences Episcopales. Dans le canon de la messe, la formule « pro multis », prononcée par le prêtre lors de la consécration du Précieux Sang, a été traduite, de façon théologiquement erronée, par « per tutti » en italien, « for all » en anglais, soit « pour tous » en français.[2] De telles traductions fautives laissent entendre une sorte de salut universel « automatique » (l’expression est du cardinal Arinze). D’où la demande de réviser les traductions fautives. Ci-dessous le texte intégral de la lettre du cardinal Arinze [3].
CONGREGATIO DE CULTU DIVINO ET DISCIPLINA SACRAMENTORUM
Prot. N. 467/05/L
Rome, 17 octobre 2006
Votre Eminence, Votre Excellence,
En juillet 2005 la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, en accord avec la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, avait écrit à tous les présidents des conférences des évêques pour leur demander leur avis sur la traduction dans les diverses langues vernaculaires de l'expression pro multis dans la formule de consécration du Précieux Sang pendant la célébration de la Sainte Messe (réf. Prot. N. 467/05/L du 9 juillet 2005).
Les réponses reçues des conférences épiscopales ont été étudiées par les deux congrégations et un rapport a été rédigé à l'intention du Saint Père. À sa demande, la Congrégation écrit maintenant à Votre Eminence, à Votre Excellence en ces termes :
1. Un texte correspondant aux mots pro multiples , retenu par l'Eglise, constitue la formule qui a été en usage dans le rite romain latin depuis les premiers siècles. Dans les 30 dernières années quelques textes vernaculaires approuvés ont véhiculé la traduction interprétative « pour tous », « per tutti », ou par des mots équivalents.
2. Il n'y a aucun doute quant à la validité des messes célébrées avec l'utilisation d'une formule dûment approuvée contenant une formule équivalente à « pour tous », comme la Congrégation pour la Doctrine de la Foi l'a déjà déclaré (cf. Sacra Congregatio pro Doctrina Fidei, Declaratio de sensu tribuendo adprobationi versionum formularum sacramentalium, 25 Ianuarii 1974, AAS 66 [1974], 661). En effet, la formule « pour tous » correspondrait assurément à une interprétation correcte de l'intention du Seigneur exprimée dans le texte. C'est un dogme de Foi que le Christ est mort sur la croix pour tous les hommes et toutes les femmes (cf. Jean 11:52; 2 Corinthiens 5,14-15; Tite 2,11; 1 Jean 2,2).
3. Il y a, cependant, beaucoup d'arguments en faveur d'une traduction plus précise de la formule traditionnelle pro multis :
a.Les Evangiles synoptiques (Mt 26,28; Mc 14,24) font expressément référence à « beaucoup » [le mot grec traduit est "pollon"] pour qui le Seigneur offre le Sacrifice, et ces mots ont été soulignés par quelques érudits biblistes en relation avec les mots du prophète Isaïe (53, 11-12). Il aurait été entièrement possible dans les textes évangéliques d'avoir dit « pour tous » (par exemple, cf. Luc 12.41) ; au lieu de cela, la formule donnée dans le récit d'établissement est « pour beaucoup », et les mots ont été loyalement traduits ainsi dans la plupart des versions bibliques modernes.
b. Le Rite Romain Latin a toujours dit pro multis et jamais pro omnibus dans la consécration du calice.
c. Les anaphores des divers rites orientaux, que ce soit le Grec, le Syriaque, l'Arménien, les langues slaves, etc., contiennent l'équivalent verbal du pro multis latin dans leurs langues respectives.
d. « Pour beaucoup » est une traduction fidèle de pro multis, tandis que « pour tous » est plutôt une explication propre au langage catéchétique.
e. L'expression « pour beaucoup », tout en incluant chaque personne humaine, induit également le fait que le salut n'est pas attribué de façon mécanique, sans une adhésion ou une participation quelconque; au contraire, le croyant est invité à accepter dans la foi le cadeau qui lui est offert et à recevoir la vie surnaturelle qui est donnée à ceux qui participent à ce mystère, le vivant dans leurs vies pour être comptés parmi les "beaucoup" auquel le texte se réfère.
f. En conformité avec l'instruction Liturgiam authenticam, un effort devra être entrepris pour être plus fidèle aux textes latins dans les éditions typiques.
4. Les Conférénces épiscopales des pays où la formule « pour tous » ou son équivalent est actuellement en service sont priés pour ces raisons d'entreprendre la formation nécessaire des fidèles sur cette question dans l'année ou dans les deux années à venir pour les préparer à la réception d'une traduction vernaculaire précise de la formule pro multis (par exemple, « pour beaucoup », « per molti », etc.) dans la prochaine traduction du Missel romain que les évêques et le Saint-Siège approuveront pour l'usage dans leur pays.
Avec l'expression de ma profonde estime et de mon profond respect, je reste, Votre Eminence, Votre Excellence,
Fidèlement vôtre dans le Christ,
Francis Card. Arinze, Préfet






Vient de paraître

Katharina Tangari, née à Vienne en 1906, morte à Naples en 1989, a traversé le XXe siècle et tous ses bouleversements dramatiques. Elle aura connu les prisons anglaises en Italie, de 1943 à 1946, puis les prisons communistes en Tchécoslovaquie, en 1971 et 1972.
Ces événements extérieurs, qui la relient à la grande Histoire, ne suffisent pas à résumer sa vie. Elle a surtout connu un chemin de conversion qui l’a menée à entrer dans le Tiers-ordre dominicain et à devenir une fille spirituelle de saint Padre Pio qui a été, pendant dix-huit ans, son confesseur et son directeur spirituel.
Âme de prière, très attachée à la dévotion du Saint Enfant Jésus de Prague, une de caractéristiques de sa vie spirituelle a été l’ « immolation de soi-même », qui lui a permis de mener un véritable combat pour la sainteté du mariage, de franchir des dizaines de fois le « Rideau de fer » dans les années 60 et 70 pour venir en aide au clergé et aux fidèles persécutés des pays de l’Est. Puis, elle est venue en aide aux prêtres de la Fraternité Saint-Pie X jusqu’à la fin de sa vie.
C’est cette vie exceptionnelle qu’Yves Chiron a retracée à partir des « carnets » inédits qu’elle a tenus régulièrement à partir des années 1950 et de différentes autres archives.
L’itinéraire de Katharina Tangari et la façon dont elle a surmonté les épreuves qu’elle a connues sont exemplaires pour notre temps.

Un ouvrage de 415 pages - 20 euros -- Commande: Envoyer ses coordonnées complètes ainsi que 23 euros par exemplaire souhaité (port compris) -- Commande et paiement à adresser à "Association Nivoit" (5, rue du Berry / 36250 NIHERNE / France)
--------------------
NOTE
[1] Cardinal Joseph Ratzinger, « Bilan et perspectives », in Autour de la question liturgique, Abbaye Notre-Dame, 36220 Fontgombault, 2001, p. 173-183.
[2] Sur ce point, la traduction officielle française de 1969 n’est pas défectueuse puisqu’elle dit : « pour la multitude ».
[3] Je reproduis le texte tel que le publie le site La Porte Latine (FSSPX), non sans diverses corrections typographiques.

24 novembre 2006

Mettre fin à la querelle de la messe
lefigaro.fr - Jean Sevillia - le 24 novembre 2006
Mettre fin à la querelle de la messe La messe en latin ? Depuis que Benoît XVI souhaite élargir l'autorisation de célébrer la messe selon l'ancien rite, la question fait débat. A l'issue de la Conférence des évêques de France, qui s'est tenue début novembre à Lourdes, le cardinal Ricard, archevêque de Bordeaux, a été chargé par ses pairs de faire entendre leur voix au Vatican. Nul n'ignore, puisqu'ils l'ont fait savoir publiquement, que beaucoup d'évêques français sont hostiles au projet du pape. Un nouveau bras de fer, au sein de l'Eglise, entre ligne gallicane et ligne romaine ?
Les fidèles, en revanche, prennent la chose avec calme. «Faut-il laisser aux prêtres la liberté de célébrer la messe en latin ?» A cette question, 8 500 lecteurs internautes du Figaro ont répondu oui à 79%. Selon un sondage CSA réalisé le 8 novembre, 65% des catholiques français sont favorables au choix de la liturgie : ils jugent légitime que ceux qui préfèrent la messe à l'ancienne aient la possibilité d'y assister, 60% d'entre eux se déclarant prêts à y aller ponctuellement, contre 39% qui n'y assisteraient jamais. Manifestement, l'opinion est en phase avec la volonté de Benoît XVI de décrisper une histoire qui déchaîne les passions. Vatican II, clos en 1965, avait réformé la messe. D'après la constitution conciliaire sur la liturgie, le latin et le chant grégorien, cependant, restaient la norme officielle de l'Eglise, le vernaculaire (les langues locales) n'étant qu'une dérogation à cette règle. Le missel de Paul VI, devenu obligatoire en 1969, prévoit donc que la messe soit dite en latin ou en français. L'esprit des années 70 allait bousculer cette norme, passant le latin à la trappe et poussant à toutes sortes de fantaisies liturgiques auxquelles le pontificat de Jean-Paul II mettra un frein. Mais entre-temps, cette dérive aura suscité, par réaction, l'émergence du traditionalisme, terme recouvrant toutes sortes de sensibilités. Poussé à l'extrême, Mgr Lefebvre, fondateur de la Fraternité Saint-Pie X, s'enfermera dans une opposition de plus en plus virulente envers le Vatican, et finira excommunié, en 1988, après avoir sacré quatre évêques contre l'autorisation du pape, et ce après avoir renié un protocole d'accord qu'il venait de signer avec... le cardinal Ratzinger.
C'est donc sous l'égide du futur Benoît XVI, et avec la bénédiction de Jean-Paul II, que des traditionalistes, rompant avec Mgr Lefebvre pour rester fidèles à Rome, ont entrepris, depuis dix-huit ans, de faire revivre, au sein de l'Eglise, le rite d'avant 1969 : la messe dite de saint Pie V, célébrée en latin, le prêtre tourné vers l'autel («vers Dieu», disent-ils). Cette liturgie, selon eux, rehausse le caractère sacré du «sacrifice de la messe». Soutenu au Vatican par la commission Ecclesia Dei, bien accueilli par certains évêques, mal par beaucoup d'autres, ce courant est très minoritaire : en France, sur 2,5 millions de catholiques pratiquants, il compte 45 000 fidèles. Sa force, néanmoins, est sa jeunesse, que l'on remarque chaque année, à Chartres, lors du pèlerinage de la Pentecôte. Les prêtres de cette mouvance (Fraternité Saint-Pierre, Institut du Christ-Roi), n'ayant pas 40 ans, suscitent aussi de nombreuses vocations religieuses. Contrairement à une idée reçue, les traditionalistes, toutes tendances confondues, ont un âge nettement plus bas que la moyenne des paroissiens français : au total, selon les calculs de la revue La Nef, ils représentent 13% des pratiquants de moins de 55 ans.
Avec leurs 35 000 fidèles, les lefebvristes poursuivent leur logique qui, en dépit des efforts du pape, les éloigne inexorablement de Rome. Cinq prêtres exclus de la Fraternité Saint-Pie X ont fondé, au mois de septembre, l'Institut du Bon Pasteur, dont les statuts ont reçu l'aval du Vatican. Leur supérieur, l'abbé Laguérie, longtemps curé de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, est le prêtre en soutane vers qui les caméras et les micros des médias français se tournent toujours, dans l'espoir que ses intempérances verbales déclenchent une polémique. Un jeu qui ne fait rien pour apaiser la situation.
Le 22 décembre 2005, devant la curie, Benoît XVI a invité à relire le Concile selon un esprit de «continuité» et non de «rupture». Le pape ne veut ni revenir sur Vatican II ni imposer l'ancienne messe à tous : il pense simplement que renier un rite multiséculaire serait contradictoire avec le principe selon lequel tout développement, dans l'histoire de l'Eglise, a toujours été homogène. Dès 1977, le cardinal Ratzinger déclarait être «convaincu que la crise de l'Eglise repose largement sur la désintégration de la liturgie». Devenu pape, il se donne du temps, selon sa méthode habituelle, pour faire passer cette idée. Y compris à certains évêques de France.
“Tradis”-progressistes : l’union en marche ?
24 novembre 2006 - Charles-Henri d'Andigné - libertepolitique.com
Benoît XVI est de ceux qui font « bouger les lignes », selon l’expression à la mode. La preuve, ce lundi 20 novembre au palais de la Mutualité, à Paris, où avait lieu une soirée organisée par l’Institut du Bon-Pasteur sur la paix dans l’Église. Y débattaient, entre autres, l’abbé Laguérie, supérieur de l’IBP, et Jean-Pierre Denis, directeur de la rédaction de l’hebdomadaire La Vie.

Rappelons-en le point de départ, ou plutôt le détonateur : ce numéro de La Vie dont la Une, illustrée par une photo de l’abbé Laguérie, était barrée du titre : « Pourquoi cet homme devait rester dehors. » L’éditorial, signé Jean-Pierre Denis, était de la même farine. S’en était suivi une réponse vigoureuse de l’abbé Laguérie dans Objections, la revue de l’abbé de Tanoüarn.

Aussi les deux hommes avaient-ils décidé de continuer leur discussion en public. Un public majoritairement “tradi”, auquel n’a pas craint de se confronter, ce soir-là, Jean-Pierre Denis. Saluons, au passage, son esprit sportif et sa liberté d’esprit. Sa présence en un tel lieu, avec de telles personnalités, était déjà un événement en soi. Le signe que le glacis des années des années soixante-dix est en train de fondre.

Que retenir des interventions du directeur de La Vie ? D’abord ses déclarations concernant la messe. « Il n’y a pas de messe conciliaire, a-t-il déclaré sous les protestations de la salle. Il y a la messe ! Je vais le dimanche à une messe de Paul VI. Vous allez à une messe de Jean XXIII. Il n’y a entre nous qu’un pape d’écart, ce n’est pas grand-chose... La messe de Jean XXIII n’était d’ailleurs pas tout à fait la messe de Pie XII, qui n’était déjà plus exactement la messe de son prédécesseur, et ainsi de suite… »

Comment ne pas souscrire à ces propos, à la fois pacifiques, exacts et de bon sens ? Comment ne pas penser à la phrase du cardinal Ratzinger, en 1998, selon laquelle « la différence entre la liturgie selon les livres nouveaux, comme elle est pratiquée en fait, est souvent plus grande que celle entre la liturgie ancienne et la liturgie nouvelle, célébrées toutes les deux selon les livres liturgiques prescrits »?

Le coup de pied dans la fourmilière

Moins pacifiques en revanche, et moins pertinents selon nous, furent ses déclarations concernant l’existence même de l’Institut du Bon-Pasteur. Sa position, en substance, est la suivante : il ne faut pas réintégrer les brebis égarées, tant que ne sera pas réglé la question fondamentale de la liturgie.

Pas d’accord ! Pourquoi ? Parce que la décision de Benoît XVI d’accueillir les enfants prodigues, pour reprendre l’image de Guillaume Tabard dans le Figaro [1], a commencé de mettre fin à la situation – insupportable – qui prévalait jusqu’alors. Où l’on voyait, d’un côté, bien des catholiques français (qu’ils soient laïques, prêtres ou évêques) au mieux indifférents au « schisme » lefebvriste, au pire hostiles à toute réintégration ; et de l’autre, un certain nombre de lefebvristes s’accommodant très bien de leur indépendance vis-à-vis de Rome.
Une situation qui, au final, arrangeait beaucoup de monde. Mais pas Benoît XVI, à qui la notion de confort intellectuel est étrangère. Le pape a donc décidé de donner un coup de pied dans la fourmilière, si l’on peut risquer cette image assez peu pontificale, et de prendre tout le monde de court.

En bousculant les gallicans de tout poil, il incite chacun à balayer devant sa porte. Ceux qui se présentent comme les champions de l’orthodoxie, vont être contraints de se demander s’ils ont le monopole de la tradition et de la pureté doctrinale. Les autres, qui aiment tant le dialogue (avec les protestants, les orthodoxes, les juifs, les musulmans, les incroyants, etc.) vont devoir montrer qu’ils sont prêts, aussi, à dialoguer avec des catholiques. « Les intégristes nous obligent à nous poser la question de notre identité catholique et de ce en quoi nous croyons, déclarait Jean-Pierre Denis après le débat à Sophie de Ravinel, du Figaro (23 novembre). Il faut avoir le courage de leur répondre. » Après l’ouverture des cœurs, vient le temps de la conversion des esprits. Nous sommes tous concernés…

Le coup d’audace de Benoît XVI, un de plus, aura relancé la dynamique de l’union entre les catholiques. N’avons-nous pas tendance à oublier, tous autant que nous sommes, qu’il y a plusieurs demeures dans la Maison du père ?

[1] Excellente analyse parue dans le Figaro du 9 novembre

23 novembre 2006

"Je veux être un catholique évangélique"
23 novembre 2006 - Jérôme Anciberro - temoignagechretien.fr
TC : Le système romain semble vous être insupportable. Pourquoi restez-vous catholique ?
Hans Küng
: C’est ma patrie spirituelle. Ce n’est pas parce que je ne suis pas content de mon gouvernement que je vais quitter ma patrie. J’apprécie aussi cette particularité de l’Église catholique de toucher à l’universalité dans l’espace – contrairement à un certain provincialisme qu’on peut trouver dans les Églises protestantes – et d’incarner une grande tradition de deux mille ans. Mais en même temps, il faut un critère de jugement. Pour moi, ce critère, c’est l’Évangile. Je veux être un catholique évangélique, ou un évangélique catholique, comme vous voudrez…

Vous avez pu observer de près, à la fin des années 50, le paysage intellectuel catholique français. Quelles différences percevez-vous avec l’époque actuelle ?
À l’époque, il y avait encore des intellectuels catholiques français qui avaient une certaine influence. Les débats du Centre des intellectuels catholiques attiraient des centaines de personnes. C’est peut-être dû à mon ignorance, mais j’ai l’impression que tout cela a changé. C’est sans doute la « tabouisation » de nombreux problèmes dans le milieu catholique qui éloigne les gens qui osent réfléchir à voix haute. Selon Rome, on n’a même pas le droit de seulement discuter la question de l’ordination des femmes. Vous avez également peu de figures épiscopales de premier plan. Mais si on ne connaît pas les évêques, c’est peut-être parce qu’ils ne disent rien de spécial. Le système de nominations n’ouvre la voie qu’à ceux qui sont complètement en accord avec la ligne officielle. Comment, dans ces conditions, avoir envie d’entrer dans le débat ?

Que pensez-vous de la polémique actuelle autour du retour de la messe traditionnelle ?
J’étais contre toute politique rigoriste vis-à-vis de Lefebvre. On aurait dû lui permettre de célébrer ses messes à l’ancienne. Il n’y a à mon avis aucun danger que la population catholique se rallie au rite ancien et au latin. Je pense qu’on exagère un peu l’importance de cette question, même si je sais qu’en France, la situation est particulière puisque les traditionalistes sont plus nombreux qu’ailleurs et qu’ils sont souvent liés à l’extrême droite. Mais il y a d’autres problèmes autrement sérieux dans l’Église catholique. Encore une fois, la question du mode de nomination des évêques, par exemple..
Saint Eugène-Sainte Cécile à l'heure du bi-ritualisme
23 novembre 2006 - Sophie de Ravinel - lefigaro.fr
Dans cette paroisse parisienne, les deux communautés cohabitent difficilement.

CE DIMANCHE, l'assemblée entonne en choeur le chant d'entrée pour la messe de 9 h 30, célébrée en français par le curé de cette paroisse parisienne, qui préside face aux fidèles, vêtu d'une ample chasuble.
Deux heures plus tard, changement de décor : l'autel portatif a été retiré et ce même prêtre, vêtu d'or et de velours pourpre, célèbre en latin, dos aux fidèles silencieux qui prient au rythme du chant grégorien. Toute la matinée, l'encens s'est élevé dans l'église chatoyante à l'architecture exceptionnelle, inspirée du XIIIe siècle. Saint Eugène-Sainte Cécile, dans le IXe arrondissement, est la plus ancienne des deux paroisses parisiennes dans lesquelles sont célébrées les deux formes, ancienne et nouvelle, du même rite catholique romain. Un laboratoire ecclésial dont l'expérience pourrait servir si Benoît XVI devait libéraliser le rite tridentin. Depuis huit ans, un seul curé - le père François Potez - tente vaillamment d'unir les deux communautés, malgré « les coups reçus » d'une minorité de fidèles traditionalistes, les pétitions lancées ou les tracs sauvages.
Ancien officier de marine
Ce prêtre d'une cinquantaine d'années, ancien officier de marine doté d'une forte personnalité, estime que « le travail a été éprouvant mais passionnant ». « Les fidèles, explique-t-il, ont appris à se connaître et à s'apprécier, à ne plus avoir peur les uns des autres. » Pour favoriser encore l'unité, il suggère, à la suite de l'archevêque de Paris, Mgr Vingt-Trois, « que les deux communautés puissent bénéficier du même calendrier liturgique et du même lectionnaire ». Au détour d'un stand de la « journée d'amitié » paroissiale, Thierry, père de famille, note qu'avant le père Potez, « les deux communautés étaient totalement étrangères ». « Il a incité les fidèles à regarder la fin et non plus les moyens, note-t-il. Mais sur les questions contingentes, c'est encore bien fragile. » Une paroissienne ne mâche d'ailleurs pas ses mots au sujet des « tradis » qui « semblent parfois plus attachés à leur liturgie qu'au Christ et vivent dans leur microsociété, loin du monde qu'ils rejettent ». Et d'ajouter avec un geste expressif de la main : « Les tradis, j'en ai jusque-là ! »
Peu d'entre eux se sont d'ail­leurs déplacés pour ces journées. Président de l'Association des amis de Sainte-Cécile, « pour la promotion de la liturgie tridentine par le chant », Philippe Guy est remonté contre le père Potez. En cause ? L'autel majeur au fond de l'église, « l'un des seuls à Paris à ne pas avoir été retiré lors de la vague des années 1970 », explique cet ingénieur. Or, le curé a provoqué une levée de boucliers il y a quelques mois en voulant le déplacer pour réaménager le choeur et « disposer d'un autel unique sur lequel on pourrait célébrer des deux côtés ». « Énervé » par cette « tentative de toucher à (leur) rite », Philippe Guy menace d'envoyer « une supplique » à l'archevêque de Paris. Il rêve d'une église qui leur soit « entièrement dédiée » avec un curé « issu du monde traditionaliste ». Ces exigences commencent à lasser le père Potez, qui fustige « ces batailles d'opinion trop humaines destinées à faire triompher une vision de l'Église et du monde ».
La « réforme de la réforme » a-t-elle commencé ?
Abbé Claude Barthe - (2006-11-23) - leforumcatholique.org
La décision du cardinal Arinze, préfet de la Congrégation pour le Culte divin, dont les médias ont rendu compte la semaine dernière, a une portée considérable. Le cardinal, dans une lettre du 17 octobre, demande aux présidents des conférences épiscopales concernées de rectifier une traduction défectueuse dans... les paroles de consécration de la messe. Alors que le texte latin, parfaitement semblable en cela au missel traditionnel, dit que le Sang consacré est celui répandu pro vobis et pro multis, il faudra désormais cesser de traduire pro multis : « pour tous », comme le font les anglophones, les germanophones, les hispaniques, les Italiens, mais traduire au contraire : « pour beaucoup ». La traduction officielle française, pour le coup, plus correcte (ou moins incorrecte), « pour la multitude », n’est pas concernée. Mais pas de cocorico sur le mode « chez nous il n’y a plus d’abus » ! L’Église de France aura bientôt à rectifier nombre d’énormités (la scandaleuse traduction de l’orate fratres, notamment). Comme l’explique le cardinal, le « pour tous » des traductions donnait, en effet, l'impression que tous les hommes sont sauvés, indépendamment de leur rapport avec le Christ et avec les sacrements de son Église. La traduction « pour beaucoup », désormais exigée, exprime au contraire plus exactement que le sacrifice du Christ renouvelé par le sacrifice de la messe rend le salut disponible à tous, sans qu’il s’ensuive que tous les hommes soient automatiquement sauvés. Bref, l'enfer existe (hélas !) toujours.
Cette décision a été prise en définitive par le pape après deux ans de discussions parfois très tendues en raison de l’enjeu psychologique considérable qu’elle représente, spécialement aux États-Unis : le texte latin du missel de Paul VI n’est certes nullement incriminé, mais il va apparaître aux fidèles qu’on retouche la réforme liturgique, et cela dans le texte même de la consécration. Les consultations menées par les dicastères concernés ont été nombreuses – et parfois très habiles, en direction des traditionalistes – de sorte que le terrain a été dûment préparé.
Tout cela montre surtout que la libéralisation annoncée de la messe tridentine fait partie d’un projet beaucoup plus vaste qui, s’il arrivait à prendre forme, viserait à remodeler le nouveau missel.

22 novembre 2006

A Paris, l'Institut du Bon Pasteur fait salle comble
22 novembre 2006 - Jeanne Smits - present.fr
mise en ligne par unavoce.fr
A Paris, l'Institut du Bon Pasteur fait salle comble Archicomble, même ! Il n’y avait pas assez de chaises, et même pas assez de place pour les retardataires debout, en la grande salle de la Mutualité, lundi soir, pour accueillir le gros millier de personnes qui ont participé au « IIe Carrefour apostolique» organisé autour du thème « La Tradition catholique, notre bien commun :ensemble pour la paix de l’Eglise ». L’Institut du Bon Pasteur (IBP), qui en était le maître d’œuvre, a signé là un vrai succès qui tenait autant à la grande diversité des participants qu’à la preuve apportée de la possibilité d’un débat, dans l’Eglise, sur des questions qui naguère fâchaient trop.
Ce qui frappait, c’était le souffle de joie et d’enthousiasme : la« guerre de 70 » serait-elle vraiment terminée, comme l’affirme l’abbé de Tanoüarn ? Il est certain que les défenseurs du rite traditionnel de la« messe grégorienne » jouissent d’une nouvelle considération fondée davantage sur la justesse de leur combat et de leurs demandes que sur une volonté d’arrondir les angles – en témoigne le discours de Benoît XVI à la Curie le 22 décembre dernier, qui fut évidemment beaucoup évoqué.
Ce qui frappait encore, c’était le fait que des catholiques de diverses« chapelles » puissent se retrouver désormais, clercs compris, dans une atmosphère cordiale où l’on n’évacue pas pour autant les questions épineuses. La Fraternité Saint-Pierre, l’Institut du Christ-Roi, les Dominicains de Chéméré…étaient tous représentés. Bon nombre des intervenants se révélèrent unis non pas dans une sorte de satisfaction aveugle, mais désireux de parler de doctrine, des difficultés de Vatican II, de la liberté de conscience, du sens qu’il faut donner à l’oecuménisme ou encore des rapports entre l’Eglise et l’Etat.
Une liberté de parole qui était au fond facilitée par la formule – impensable il y a un an encore – des débats où avaient accepté de venir des personnalités aussi diverses que Jean-Pierre Denis, directeur de la rédaction de La Vie, Gérard Leclerc (France catholique ) ou le Père Michel Lelong, partisan du « dialogue interrreligieux » entre les catholiques de tradition et les autres. Leurs interpellations obligeaient à une clarification. Elles étaient aussi le signe indirect du « droit de cité »de la liturgie traditionnelle. Une première table ronde, avec l’abbé de Tanoüarn et Philippe Maxence (L’Homme nouveau), fut l’occasion de souligner ce que Benoît XVI a déjà fait en faveur d’un retour au véritable esprit de la liturgie et de la remise à l’honneur de l’interprétation des textes, du Concile Vatican II notamment, à la lumière et dans le respect de la tradition bi-millénaire de l’Eglise.
Philippe Maxence fit applaudir le Saint-Père, longuement, debout, pour ce qu’il a déjà donné à tous ceux qui ont tant souffert de l’éclipse de la Tradition. J’essayai quant à moi de montrer que, s’il est encore trop tôt pour remercier Benoît XVI d’un motu poprio qui se fait attendre, ses écrits et ses actes tendent à recentrer la liturgie sur Dieu, dans une démarche qui fait quarante ans réclament « le catéchisme, l’Ecriture et la Messe »…
L’abbé Christophe Héry (IBP), notre Rémi Fontaine et Olivier Pichon (directeur de Monde et Vie) répondaient pour leur part aux« Evêques de France » après l’Assemblée de Lourdes. Notamment à l’affirmation par le cardinal Ricard selon laquelle « il faut résister à la tentation d’une “religion à la carte” », à quoi Rémi Fontaine répondait: « S’il y a bien une religion à la carte c’est celle du nouveau rite(polymorphe) et non celle de l’ancien! » Mais ce fut aussi l’occasion pour Olivier Pichon de dire la nouvelle fermeté que l’on a pu voir dans des affaires aussi emblématiques que celle de l’enseignement catholique (Mgr Cattenoz) et du Téléthon(Mgr Rey).
Ne croyons pas le Saint-Père prêt à enterrer Vatican II, dit ensuite en substance l’abbé Claude Barthe –mais il montra que la balance générale, à travers les actes et les nominations du Saint-Père, permettent d’espérer une sortie de la modernité.
Deux grands débats clôturèrent la soirée, celui entre l’abbé Laguérie, Jean-Pierre Denis, Gérard Leclerc et Bruno Larebière (Le Choc du Mois) et celui réunissant l’abbé Sébastien Leclère, professeur à Wigratzbad, le père Lelong et l’abbé de Tanoüarn.
Tout n’est pas gagné, certes. Mais comme les choses changent !

21 novembre 2006

La liturgie : noeud de la paix dans l'Eglise ?
21 novembre 2006 - lesalonbeige.blogs.com
C'est le constat de la réunion qui s'est tenue lundi soir à la Mutualité, pleine à craquer pour l'occasion, à l'initiative de l'Institut du Bon Pasteur. La crise post-conciliaire a exacerbé les passions entre "traditionalistes" et "progressistes". Aujourd'hui, et particulièrement en France, l'élection de Benoît XVI, la création de l'Institut du Bon Pasteur, la question de l'accueil des traditionnalistes au menu de la conférence épiscopale française et les rumeurs persistantes de 'libéralisation' du missel de 1962, font revenir la question de la réconciliation entre les catholiques au coeur de l'actualité. L'Eglise dite "du silence" (en Occident) fait désormais la une. C'est déjà une victoire. Au cours de cette réunion, qui a vu se succéder de nombreux intervenants, était particulièrement attendu le débat entre l'abbé Laguérie et Jean-Pierre Denis (photo), rédacteur en chef de La Vie, le dernier n'ayant pas été tendre avec le premier. Jean-Pierre Denis a affirmé accepter de venir pour, au-delà des polémiques, clarifier l'essentiel : aujourd'hui qu'est-ce qu'être catholique ? Que signifie évangéliser ? Selon lui, on ne peut pas refuser le Concile Vatican II d'emblée, même si on est en droit d'en récuser son interprétation. Car pour l'interpréter, il convient d'abord de l'accepter. Toujours selon lui, la question la plus controversée de ce Concile, entre les "tradis" et les "progressistes", est la question de la définition de la liberté religieuse ainsi que du rapport entre l'Eglise et l'Etat.
L'abbé Laguérie s'est réjoui de cette réunion qui nous fait sortir de la crise des années 1970, au cours desquelles il était impossible de se parler franchement. Reprenant le discours du Pape à la Curie le 22 décembre 2005, il a affirmé que l'interprétation du Concile est différente de son "esprit" et que les jugements portés sur le Concile sont aujourd'hui caduques. Et donc, que l'on ne peut se lier à un texte qui ne serait pas normatif. L'abbé Laguérie et JP Denis sont tombés d'accord sur le fait que, tant que la liturgie ne sera pas le lieu de la réconciliation entre les catholiques, le débat ne pourra pas avoir lieu sur les autres questions. Mais JP Denis s'est opposé à une diversification des rites, source selon lui de relativisme, tandis que l'abbé Laguérie a estimé que seul le Pape pouvait résoudre cette question clef.
Si les questions posant problème n'ont pu être suffisamment approfondies -et ce n'était pas le but-, cette réunion restera comme une étape dans la nécessaire réconciliation, la fin des anathèmes, entre les catholiques de France. Dialogue et réconciliation auxquels les évêques ont été plusieurs fois invités. Si le dialogue interrelieux prend autant de place aujourd'hui, il n'est pas normal, a remarqué Daniel Hamiche, que les catholiques ne dialoguent pas entre eux. C'est aujourd'hui en cours. Et nous attendons la suite.
Michel Janva
A propos de la messe en latin...
21 novembre 2006 - Pro Liturgia
"Les médias catholiques ne cessent de tirer à boulets rouges sur les intégristes et le retour de la messe en latin. Mais ne vous y trompez pas: cette indignation n'est qu'une bonne combine pour être perçue comme moderne dans l'opinion. Dans les périodes de crises, il faut toujours dénicher un bouc émissaire", ironisait un journaliste bien informé. En tout cas, rien ne serait plus faux que d'imaginer les traditionalistes formant un bloc uni derrière un clergé nostalgique du latin. Si les traditionalistes sont généralement favorables à la messe "tridentine" dite "de S. Pie V", ils sont néanmoins très divisés. Un rappel de ces divisions sera donc utile pour ne pas gober la désinformation colportée par les médias, y compris catholiques. Commençons par la famille traditionaliste la plus connue: les partisans de Mgr Lefebvre, qui se regroupent dans la Fraternité Saint-Pie X. Si des lefebvristes vont jusqu'à admettre certaines réformes liturgiques, tous restent, en revanche, fermement opposés à la liberté religieuse telle qu'elle a été définie par la déclaration conciliaire Dignitatis humanae. Le refus de la liberté religieuse: voilà leur vrai cheval de bataille.
L'excommunication de mgr Lefebvre après le sacre illicite de quatre évêques, en 1988, a entraîné la fondation de la Fraternité Saint-Pierre. Un indult (c'est-à-dire une concession ou une permission faite à l'encontre d'une loi générale de l'Eglise) autorise les religieux de cette Fraternité, en pleine extension, à célébrer la messe "de S. Pie V". Cet attachement à la messe qu'ils considèrent comme éminemment "traditionnelle" ne les empêche pas de respecter les décrets et constitutions conciliaires. Membres à part entière de l'Eglise, ces ralliés - comme ils sont parfois surnommés - dépendent donc de l'évêque du diocèse dans lequel ils sont incardinés.
Ce tour d'horizon ne serait pas complet si l'on ne mentionnait pas les sedevacantistes. ces "ultras" considèrent que tous les papes sont hérétiques depuis le décès de Pie XII. Difficile de dialoguer avec ces exaltés dont certains prétendent que le "vrai" pape Paul VI aurait été enfermé dans les caves du Vatican et remplacé par un sosie! "Le cas des sedevacantistes relève probablement plus de la psychanalyse que du dialogue oecuménique", déclarait un jour un prêtre spécialiste du Droit canonique, qui ajoutait: "Heureusement, ils sont peu nombreux."
Cette division des traditionalistes en blocs opposés n'est pas figée. Peu de catholiques savent, en effet, que chaque année, ou presque, des religieux lefebvristes demandent leur réintégration dans l'Eglise officielle. Si la plupart rejoignent la Fraternité Saint-Pierre, certains acceptent leur incardination dans le clergé diocésain. Ces "retours au bercail" se font généralement dans la discrétion.
Pourquoi donc le ralliement récent de plusieurs prêtres lefebvristes, comme l'Abbé Laguérie, a-t-il été l'objet d'une orchestration médiatique? On peut avancer plusieurs raisons qui incitent les médias à présenter ce ralliement comme un "retour en arrière" d'une papauté décidément rétrograde. Tout d'abord, la forte personalité de ces prêtres qui sont quasiment des membres fondateurs de la Fraternité Saint-Pie X. On murmure même que leur réintégration aurait été négociée par Rome sans que l'épiscopat français ne soit consulté. "Heureusement - confiait un fidèle de l'Abbé Laguérie - sinon l'accord n'aurait jamais été conclu!" Notons aussi le fait que loin d'être encadrés et donc contrôlés par le clergé diocésain, ces "transfuges" ont été autorisés à fonder le très officiel "Institut du bon Pasteur" à Bordeaux. "Avec ce statut de quasi autonomie, ça ne va pas être facile de les neutraliser", confiait un prêtre bordelais. Ce prêtre, qui a dépassé les 70 ans, tombait d'accord avec l'hebdomadaire "La Vie" (ex-catholique) qui titrait: "Pourquoi cet homme devait rester dehors". Ce commentaire, d'une revue qui prétend prôner le dialogue, illustrait la photo de l'Abbé Laguérie, ayant autour de la cinquantaine, premier responsable du nouvel Institut.
La différence de génération n'expliquerait-elle pas la réaction du prêtre bordelais comme celle des éditorialistes de "La Vie" (ex-catholique) illustrée? Le courrier des lecteurs filtré par cet hebdomadaire se fait, en tout cas, l'écho d'un peuple chrétien scandalisé par la "main tendue aux intégristes" puisqu'on peut lire des mises en garde dans le genre: "touche pas à mon Concile... non au retour en arrière... l'ouverture de l'Eglise ne doit pas être bloquée... Conscient que ces dithyrambes à sens unique risquait de nuire à la réputation de l'hebdomadaire, le Rédacteur en chef a hypocritement insinué: "Nous ne publions pas habituellement de lettres anonymes. Mais nous faisons une exception pour celle-ci qui nous semble tout compte fait assez révélatrice..."
Amis lecteurs, jugez vous-mêmes les termes de cette lettre révélatrice: "Ces traditionalistes me plaisent qui osent parler de Dieu clairement, qui assument tout le passé de l'Eglise, qui détestent le politiquement et l'ecclésiastiquement correct. J'en ai assez, dans mon diocèse, de supporter les discours creux, les prises de positions nuancées, les atermoiements épiscopaux, la déchristianisation à laquelle on se résout, etc..." La lettre est signée: "Un prêtre diocésain de moins de 50 ans" (cf La Vie du 12.10.2006) Autrement dit, un prêtre de la génération des "ralliés" de l'Institut du Bon Pasteur.
Ce prêtre prétendument anonyme partage-t-il leur point de vue? On n'en sait évidemment rien. Toujours est-il que son coup de gueule révèle au moins un nouveau clivage dans l'Eglise qui se superpose à l'opposition traditionaliste-progressiste. D'un côté, nous avons la réaction d'un prêtre bordelais cité plus haut et du courrier des lecteurs de "La Vie" provenant de lecteurs plutôt âgés et donc formés - ou plutôt déformés - par l'ecclésiastiquement correct. De l'autre côté, le clergé que l'on appelle parfois "restaurationiste". Plutôt jeunes, ces religieux allergiques à l'esprit soixante-huitard n'hésitent pas à porter la soutane, le col romain, à respecter l'Ordo liturgique, à faire la promotion du chant grégorien... Certains osent même utiliser des catéchismes classiques.
Nos "fidèles en responsabilité" (clercs ou laïcs) ont de la peine à admettre que le quart des prêtres ordonnés chaque année sont de sensibilité traditionnelle ou restaurationiste. Grâce à "La Vie" (ex-catholique), nous aurons au moins appris que l'avenir religieux qui se dessine en France n'est sans doute pas celui rêvé par la maffia ecclesiastique du pastoralement correct.

20 novembre 2006

"Homme d’action, je parlerai en homme d’action…"
Intervention de l'abbé Aulagnier - 20 novembre 2006 - 2ème Carrefour Apostolique, à la Mutualité
Mis en ligne par la.revue.item.free.fr
« Homme d’action, je parlerai en homme d’action… Au milieu de cette toute récente actualité religieuse, ce que je constate, c’est que la messe « tridentine » reste toujours au cœur du débat.
Elle est la « pierre d’angle » comme le Christ l’est pour l’Eglise.
Elle est tout également la « pierre d’achoppement » comme le Christ le fut pour son peuple, en son temps et pour toujours.
Elle est pour nous tous, notre joie, notre honneur.
Elle est pour nous, principe de vie. Elle est, pour nous, l’honneur et la louange que nous devons à Dieu, en son plus haut degré de puissance et d’intensité parce qu’elle est l’action même du Christ, le sacrifice du Christ qui, rétablissant toute justice, donne à Dieu le Père tout honneur et toute gloire. « Omnis honor et gloria ».
Mais elle est étonnement pour certains, pour nos évêques tout particulièrement, raison de crainte, de doute. Ils hésitent dans la restauration de ce beau rite, qui exprime au mieux le culte dû à Dieu.
Le cardinal Ricard l’exprime à ses pères à Lourdes, lors de leur session de novembre : « La décision de libéraliser, dit-il, pour les prêtres la possibilité de dire la messe selon le missel de 1962 n’a pas encore été prise…. » Ouf !
« Le Motu Proprio (décret) annoncé n’a pas été signé… » Ouf !
« Son projet va faire l’objet de consultations diverses… » A la bonne heure !
« Nous pouvons faire part, dès maintenant, de nos craintes, de nos souhaits ». Nous sommes le 5 novembre 2006…. A la bonne heure !Il n’est pas question de remettre en cause la liturgie « réformée » qui reste la « forme ordinaire et habituelle du rite romain »…Les voilà apaisés !
Mais alors quoi ! Ce Motu Proprio en faveur du rite romain de toujours, le rite dit de saint Pie V, va-t-il tout de même sortir ?
Oui ! semble-t-il
Oui ! Car le pape Benoît XVI le veut.
Il s’est montré très favorable à sa restauration alors qu’il était préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Très bien !
Oui ! Car le pape veut mettre fin au « schisme lefébvriste ». « C’est dans cet esprit qu’il faut comprendre ce projet du Motu Propri », dit le cardinal à ses Pères.
J’en prends acte…Mais la raison me désole et je ne la partage pas. Car il n’y a pas plus de « schisme lefebvriste » que d’arête dans une dinde, disait un jour M l’abbé Laguérie.
De plus si le Motu Proprio doit être publié en l’honneur de la messe « tridentine », qui, pour moi est la seule « messe romaine », l’autre est « bâtarde »... ce n’est pas d’abord pour résoudre une crise, comme on l’a dit en 1984…C’est en raison de l’honneur et du respect que l’on doit nécessairement, en justice, aux « coutumes immémoriales de la sainte Eglise. C’est eu égard au respect du « à l’être historique de l’Eglise ». Voilà la raison noble et juste qu’il faut invoquer lorsque l’on parle du retour de la messe dite de saint Pie V dans l’Eglise romaine.
Toutefois, je suis un homme d’action, vous dis-je, on saura se satisfaire de toute raison, plus ou poins valable, pourvu qu’ « ils » nous redonnent ce trésor et que l’on cesse d’être bafoué, dans l’Eglise, parce qu’on y tient…
Et l’on a bien l’impression que l’on va à grands pas dans ce sens…ce qui nous réjouit…
Et s’il est possible d’apaiser les inquiétudes de nos évêques, de Mgr Vingt-Trois en particulier, pour favoriser ce retour, il faut dire que notre attachement à la messe dite de saint Pie V n’est pas pour autant le refus du Concile Vatican II, n’entraîne pas ce refus ou ne s’explique pas par le refus du Concile. Ce serait une grave erreur…Notre « controverse liturgique » n’a pas pour principe et fondement la critique ou le refus du Concile…Elle ne fut pas « un paravent pour un autre débat »…
J’en veux pour preuve le premier livre d’importance qui fut écrit sur ce sujet liturgique : « La Nouvelle Messe » de Louis Salleron. Il parle précisément, dans sa première partie du Concile et de son document liturgique Sacrosanctum Concilium, en termes élogieux. On peut y lire : « La Constitution fut bien accueillie…Elle avait, un moment, suscité l’inquiétude…Mais la lecture du texte a rassuré. La Constitution n’apparaissait nullement comme le signal de départ d’une révolution. (On ) y voyait bien plutôt le couronnement majestueux et solidement équilibré de l’œuvre de restauration liturgique poursuivie depuis près de cent ans ».
Avouez ! C’est tout sauf une critique…
Mais toutefois une subversion s’est manifestée dans le Concile et a suivie le Concile Vatican II. Elle s’est dite, cette subversion, elle-même animée de « l’esprit post-conciliaire ». Par exemple, le Concile n’a nullement aboli la latin, ni la Bulle Quo Primum Tempore. Bien au contraire. Mais ce sont les « novateurs » qui ont voulu la substitution complète du français au latin pour montrer qu’on en avait fini avec le passé et la tradition. C’est contre cette subversion liturgique que nous avons lutté. Et sous ce rapport notre combat fut bien « liturgique », fut bien un combat liturgique, eut bien des raisons spécifiquement « liturgique »s en tant que la liturgie est la Tradition à sa plus haute puissance » comme l’a écrit Dom Guéranger, dans ses « Institutions Liturgiques ».
Alors nous avons agi fermement et avec audace. Et nous avons su résister à des abus de pouvoir. Et nous avons cherché à faire reconnaître notre bon droit quand nous le pouvions…- Nous avons refusé d’être comme la carpe crevé qui va au fil de l’eau…- Mais nullement dans un esprit d’opposition à la hiérarchie catholique, nullement dans un esprit sectaire, mais dans un amour de l’Eglise et de son être historique qui ne commence pas, tout de même, avec Vatican II…
Et voilà pourquoi, nous avons su nous réjouir lorsque le 24 mai 2003, l’Eglise « a rendu son honneur à une messe offensée et presque entièrement recouverte par trente trois année de dénigrement, de diffamations de mépris, d’interdictions abusives de persécutions ecclésiastiques », pour s’exprimer comme Jean Madiran.
Tout cela montre notre bonne volonté, « notre profond désir de communion ». Aussi n’avons-nous pas hésité un instant à « prendre la main tendue de Rome » dès lors que nous nous sommes aperçus que la volonté de Rome était claire et franche. Les preuves en furent données, suffisantes…C’est un point de « friction » avec la FSSPX….
Aussi nous ne doutons pas un instant que « l’accueil » que l’on nous réserva à Rome le 8 septembre 2006 lors de la création de l’Institut du Bon Pasteur portera aussi ses fruits, un jour prochain en France auprès de nos évêques. Ceux qui nous ont déjà ouverts leur porte savent que nous sommes de bonne volonté même si nous savons être fermes dans l’adversité, que nous avons aussi en nos cœurs un profond désir de communion et que « nous portons, nous aussi, dans notre prière « cette œuvre de réconciliation qui est un fruit de l’Esprit » (Cardinal Ricard).
Benoît XVI, pape de transition ? J’ai déjà eu l’occasion de dire que l’élection de Benoît XVI en 2005 avait, comme celle de Jean XXIII, mais en sens inverse, toutes les apparences de l’élection d’un pape de transition. Y compris dans l’incertitude initiale, dans laquelle nous sommes toujours concernant Benoît XVI : Jean XXIII avait-il l’intention décidée de lancer l’Église dans l’aventure conciliaire telle qu’elle s’est déroulée ? Oui et non, mais il a posé des actes, il a pris des risques, il a fait des nominations, qui ont déséquilibré l’édifice ecclésial de Pie XII, et qui ont entraîné l’Église vers Vatican II. Toutes choses égales, mais inversement, il est bien clair que Benoît XVI n’est pas anti-conciliaire au sens où l’entendent les traditionalistes. Mais il en train de poser des actes, de faire des nominations, de prendre des risques, notamment liturgiques, qui peuvent conduire à un résultat analogue à la transition de Jean XXIII, inversement analogue, par le biais d’un déséquilibre, voulu sans l’être vraiment, de l’édifice conciliaire.
Le contexte de l’élection 2005 est d’ailleurs l’inverse de celui de 1958. En 58, l’Église entrait dans une espèce de bulle d’optimisme, bulle dans laquelle elle allait vivre jusqu’en 68, malgré de nombreux signes annonciateurs d’une déferlante de sécularisation avec ses conséquences internes gravissimes. Aujourd’hui inversement, on est dans un contexte – surtout en Occident – d’effondrement pastoral, sacerdotal, catéchétique, mémoriel diraient aussi les sociologues, auquel personne ne sait vraiment quelle réponse donner.
On pourrait continuer la comparaison/opposition : Roncalli a été élu, grosso modo parce que les cardinaux, y compris conservateurs, voulaient sortir du style de la dernière partie du règne de Pie XII, estimé trop rigide, renfermé, voulaient sortir d’un « trop » de gouvernement pontifical ; Ratzinger a été élu, inversement, parce que le collège cardinalice voulait sortir du « pas assez » de gouvernement de la fin du pontificat de Jean-Paul II. Mais dans un cas comme dans l’autre, ce que les électeurs voulaient, c’était un changement de style doctrinal, mais non pas un changement de cap doctrinal. Les cardinaux de 1958 ne voulaient pas le concile Vatican II, du moins pas comme il s’est déroulé ; les cardinaux de 2005 ne voulaient pas la fin de Vatican II… Le rythme de ma phrase voudrait que j’achève : … telle qu’elle va se dérouler. Mais voilà : la suite de 1958, nous la connaissons ; la suite de 2005, nous ne la connaissons pas encore, et je laisse donc les points de suspension.
En fait, les talents psychologiques, intellectuels, spirituels respectifs, extrêmement dissemblables (du moins en apparence) de Jean XXIII et de Benoît XVI se retrouvent identiques dans le fait d’avoir su et de savoir faire correspondre leurs intuitions personnelles respectives propres – un progressisme modéré pour Roncalli ; un traditionalisme éclairé pour Ratzinger – aux événements, aux contextes, aux attentes, conscientes ou non, exprimées ou pas, d’une part importante de l’Église. D’où l’extrême popularité de l’un et de l’autre (surprenante pour les deux : le charisme de Pie XII était jugé irremplaçable en 1958, comme celui de Jean-Paul II en 2005), qui dans un cas comme dans l’autre a servi et sert à néantiser toute opposition. En ce qui concerne Benoît XVI, son étonnante popularité désamorce les tentatives d’opposition (les vraies-fausses révélations sur le conclave ; l’utilisation interne de l’affaire du discours de Ratisbonne ; et plus récemment, cette tentative, à mon sens sans avenir, de constitution d’un pôle critique au sein de l’Église italienne autour du cardinal Tettamanzi, lors de la dernière assemblée ecclésiale italienne à Vérone, le mois dernier : le tiers des assistants, qui avaient applaudi à tout rompre le cardinal de Milan, sont restés bras croisés après le discours du pape).
Mais comment appréhender cette intuition de Benoît XVI qui, si elle se déploie, a les meilleures chances de provoquer un déséquilibre du système conciliaire ? Il me semble qu’on peut la qualifier comme la recherche d’un dépassement par inclusion.
Benoît XVI, avec les membres de ce que l’on peut nommer la « génération Benoît XVI » en voie de constitution voudraient éviter une critique directe de l’« esprit du Concile ». Il est cependant un point sur lequel ils y sont conduits de facto : c’est sur le terrain liturgique. S’il est vrai que la nouvelle liturgie a été la transposition cultuelle du bouleversement ecclésiologique de l’événement Vatican II, il est clair qu’à l’inverse que la « remontée de l’intérieur » chère à Benoît XVI se manifeste tout d’abord par une resacralisation de la liturgie.
Un nœud lie deux éléments de la pensée ratzinguérienne : d’une part, une critique implicite, sous forme de « bonne interprétation », de la réforme de Paul VI, au moins telle qu’elle s’est développée sur le terrain ; et d’autre part, un désir plus ou moins marqué selon les cas, d’« œcuménisme » en direction du monde traditionnel, considéré comme un conservatoire de la liturgie et de la doctrine d’« avant ».
Pour donner une note « politique », je dirai que tout pousse les deux pôles tridentin et ratzinguérien, certes très inégaux quant à leur importance numérique, non pas à fusionner mais à établir un front commun, tant du point de vue de la mission pastorale dans les diocèses français en voie de désertification, que du point de vue de la liturgie. Assurément, si d’une part, en certains lieux, paroisses, communautés, la « réforme de la réforme » allait assez loin pour offrir aux catholiques attachés au rite tridentin la possibilité de participer à des cérémonies en faisant une place conséquente aux formes traditionnelles, et si d’autre part, la libéralisation du rite de Saint-Pie-V était assez conséquente, le mouvement de transition serait considérablement accéléré.
Je citerai seulement deux noms et deux livres, significatifs de cette double direction (bonne interprétation ; main tendue aux traditionnels) : le livre – Initiation à la liturgie romaine (Ad Solem, 2003, préfacé par le cardinal Ratzinger) – de l’abbé Michel Gitton, héritier spirituel de Mgr Maxime Charles, qui organisait hier et avant-hier la célébration des 50 ans de la revue Résurrection, livre qui prône une relecture traditionalisante de la réforme conciliaire, qui dénonce « la banalisation des cérémonies liturgiques », « la perte du sens du mystère », « l’improvisation brouillonne », le verbiage moralisant et les « réformes arbitraires » ; et le livre du P. Uwe Michael Lang, de l'Oratoire de Londres, dont le livre, également préfacé par celui qui est aujourd’hui Benoît XVI, Se tourner vers le Seigneur, vient de paraître ces derniers jours en français (chez Ad Solem), et sera présenté à Paris dans dix jours, qui montre le lien intrinsèque entre le caractère sacrificiel de la messe et la direction de la célébration vers Dieu.
Mais qu’on ne s’y trompe pas : ni en matière de théologie du culte chrétien, ni plus généralement, il ne s’agit pour Benoît XVI d’un retour à Pie XII, comme si Vatican II n’avait pas eu lieu. Si la parenthèse de Vatican II est fermée, ce sera d’abord de facto, remettant à plus tard les questions posées par les débats doctrinaux autour de la réforme de Paul VI et autres. On est en présence, je crois, de ce que l’on pourrait qualifier de franchissement « positif », c'est-à-dire d’une tentative de synthèse des positions affrontées, mais, et c’est capital, avec une relativisation de la position « progressiste », tout en conservant une partie de ses apports. C’est une même tentative de dépassement inclusif qu’avaient menée les PP. Ignace la Potterie, Henri de Lubac, Hans Urs von Balthasar, et Joseph Ratzinger, contre l’historicisme de la critique biblique rationaliste. Le principal angle d’attaque de Joseph Ratzinger dans la question biblique a été celui d’une « réforme de la réforme », c'est-à-dire d’une « critique de la critique ». L’héritage de la critique biblique n’était pas rejeté, mais relativisé et intégré dans une conception plus vaste de l’inspiration. Et ainsi de suite : le dialogue interreligieux non pas évacué, mais intégré dans le « dialogue des cultures ». Avec, en filigrane un projet théologique – et à la longue magistériel – fort intelligent, mais risqué, risqué peut-être pour tout le monde, mais d’abord et avant tout très risqué pour le socle conciliaire, qui paraissait jusqu’ici un socle de granit.
Benoît XVI, pape de transition ?
par l'abbé Barthe - 20 novembre 2006 - 2ème Carrefour Apostolique, à la Mutualité
Mis en ligne par leforumcatholique.org
Benoît XVI, pape de transition ? J’ai déjà eu l’occasion de dire que l’élection de Benoît XVI en 2005 avait, comme celle de Jean XXIII, mais en sens inverse, toutes les apparences de l’élection d’un pape de transition. Y compris dans l’incertitude initiale, dans laquelle nous sommes toujours concernant Benoît XVI : Jean XXIII avait-il l’intention décidée de lancer l’Église dans l’aventure conciliaire telle qu’elle s’est déroulée ? Oui et non, mais il a posé des actes, il a pris des risques, il a fait des nominations, qui ont déséquilibré l’édifice ecclésial de Pie XII, et qui ont entraîné l’Église vers Vatican II. Toutes choses égales, mais inversement, il est bien clair que Benoît XVI n’est pas anti-conciliaire au sens où l’entendent les traditionalistes. Mais il en train de poser des actes, de faire des nominations, de prendre des risques, notamment liturgiques, qui peuvent conduire à un résultat analogue à la transition de Jean XXIII, inversement analogue, par le biais d’un déséquilibre, voulu sans l’être vraiment, de l’édifice conciliaire.
Le contexte de l’élection 2005 est d’ailleurs l’inverse de celui de 1958. En 58, l’Église entrait dans une espèce de bulle d’optimisme, bulle dans laquelle elle allait vivre jusqu’en 68, malgré de nombreux signes annonciateurs d’une déferlante de sécularisation avec ses conséquences internes gravissimes. Aujourd’hui inversement, on est dans un contexte – surtout en Occident – d’effondrement pastoral, sacerdotal, catéchétique, mémoriel diraient aussi les sociologues, auquel personne ne sait vraiment quelle réponse donner.
On pourrait continuer la comparaison/opposition : Roncalli a été élu, grosso modo parce que les cardinaux, y compris conservateurs, voulaient sortir du style de la dernière partie du règne de Pie XII, estimé trop rigide, renfermé, voulaient sortir d’un « trop » de gouvernement pontifical ; Ratzinger a été élu, inversement, parce que le collège cardinalice voulait sortir du « pas assez » de gouvernement de la fin du pontificat de Jean-Paul II. Mais dans un cas comme dans l’autre, ce que les électeurs voulaient, c’était un changement de style doctrinal, mais non pas un changement de cap doctrinal. Les cardinaux de 1958 ne voulaient pas le concile Vatican II, du moins pas comme il s’est déroulé ; les cardinaux de 2005 ne voulaient pas la fin de Vatican II… Le rythme de ma phrase voudrait que j’achève : … telle qu’elle va se dérouler. Mais voilà : la suite de 1958, nous la connaissons ; la suite de 2005, nous ne la connaissons pas encore, et je laisse donc les points de suspension.
En fait, les talents psychologiques, intellectuels, spirituels respectifs, extrêmement dissemblables (du moins en apparence) de Jean XXIII et de Benoît XVI se retrouvent identiques dans le fait d’avoir su et de savoir faire correspondre leurs intuitions personnelles respectives propres – un progressisme modéré pour Roncalli ; un traditionalisme éclairé pour Ratzinger – aux événements, aux contextes, aux attentes, conscientes ou non, exprimées ou pas, d’une part importante de l’Église. D’où l’extrême popularité de l’un et de l’autre (surprenante pour les deux : le charisme de Pie XII était jugé irremplaçable en 1958, comme celui de Jean-Paul II en 2005), qui dans un cas comme dans l’autre a servi et sert à néantiser toute opposition. En ce qui concerne Benoît XVI, son étonnante popularité désamorce les tentatives d’opposition (les vraies-fausses révélations sur le conclave ; l’utilisation interne de l’affaire du discours de Ratisbonne ; et plus récemment, cette tentative, à mon sens sans avenir, de constitution d’un pôle critique au sein de l’Église italienne autour du cardinal Tettamanzi, lors de la dernière assemblée ecclésiale italienne à Vérone, le mois dernier : le tiers des assistants, qui avaient applaudi à tout rompre le cardinal de Milan, sont restés bras croisés après le discours du pape).
Mais comment appréhender cette intuition de Benoît XVI qui, si elle se déploie, a les meilleures chances de provoquer un déséquilibre du système conciliaire ? Il me semble qu’on peut la qualifier comme la recherche d’un dépassement par inclusion.
Benoît XVI, avec les membres de ce que l’on peut nommer la « génération Benoît XVI » en voie de constitution voudraient éviter une critique directe de l’« esprit du Concile ». Il est cependant un point sur lequel ils y sont conduits de facto : c’est sur le terrain liturgique. S’il est vrai que la nouvelle liturgie a été la transposition cultuelle du bouleversement ecclésiologique de l’événement Vatican II, il est clair qu’à l’inverse que la « remontée de l’intérieur » chère à Benoît XVI se manifeste tout d’abord par une resacralisation de la liturgie.
Un nœud lie deux éléments de la pensée ratzinguérienne : d’une part, une critique implicite, sous forme de « bonne interprétation », de la réforme de Paul VI, au moins telle qu’elle s’est développée sur le terrain ; et d’autre part, un désir plus ou moins marqué selon les cas, d’« œcuménisme » en direction du monde traditionnel, considéré comme un conservatoire de la liturgie et de la doctrine d’« avant ».
Pour donner une note « politique », je dirai que tout pousse les deux pôles tridentin et ratzinguérien, certes très inégaux quant à leur importance numérique, non pas à fusionner mais à établir un front commun, tant du point de vue de la mission pastorale dans les diocèses français en voie de désertification, que du point de vue de la liturgie. Assurément, si d’une part, en certains lieux, paroisses, communautés, la « réforme de la réforme » allait assez loin pour offrir aux catholiques attachés au rite tridentin la possibilité de participer à des cérémonies en faisant une place conséquente aux formes traditionnelles, et si d’autre part, la libéralisation du rite de Saint-Pie-V était assez conséquente, le mouvement de transition serait considérablement accéléré.
Je citerai seulement deux noms et deux livres, significatifs de cette double direction (bonne interprétation ; main tendue aux traditionnels) : le livre – Initiation à la liturgie romaine (Ad Solem, 2003, préfacé par le cardinal Ratzinger) – de l’abbé Michel Gitton, héritier spirituel de Mgr Maxime Charles, qui organisait hier et avant-hier la célébration des 50 ans de la revue Résurrection, livre qui prône une relecture traditionalisante de la réforme conciliaire, qui dénonce « la banalisation des cérémonies liturgiques », « la perte du sens du mystère », « l’improvisation brouillonne », le verbiage moralisant et les « réformes arbitraires » ; et le livre du P. Uwe Michael Lang, de l'Oratoire de Londres, dont le livre, également préfacé par celui qui est aujourd’hui Benoît XVI, Se tourner vers le Seigneur, vient de paraître ces derniers jours en français (chez Ad Solem), et sera présenté à Paris dans dix jours, qui montre le lien intrinsèque entre le caractère sacrificiel de la messe et la direction de la célébration vers Dieu.
Mais qu’on ne s’y trompe pas : ni en matière de théologie du culte chrétien, ni plus généralement, il ne s’agit pour Benoît XVI d’un retour à Pie XII, comme si Vatican II n’avait pas eu lieu. Si la parenthèse de Vatican II est fermée, ce sera d’abord de facto, remettant à plus tard les questions posées par les débats doctrinaux autour de la réforme de Paul VI et autres. On est en présence, je crois, de ce que l’on pourrait qualifier de franchissement « positif », c'est-à-dire d’une tentative de synthèse des positions affrontées, mais, et c’est capital, avec une relativisation de la position « progressiste », tout en conservant une partie de ses apports. C’est une même tentative de dépassement inclusif qu’avaient menée les PP. Ignace la Potterie, Henri de Lubac, Hans Urs von Balthasar, et Joseph Ratzinger, contre l’historicisme de la critique biblique rationaliste. Le principal angle d’attaque de Joseph Ratzinger dans la question biblique a été celui d’une « réforme de la réforme », c'est-à-dire d’une « critique de la critique ». L’héritage de la critique biblique n’était pas rejeté, mais relativisé et intégré dans une conception plus vaste de l’inspiration. Et ainsi de suite : le dialogue interreligieux non pas évacué, mais intégré dans le « dialogue des cultures ». Avec, en filigrane un projet théologique – et à la longue magistériel – fort intelligent, mais risqué, risqué peut-être pour tout le monde, mais d’abord et avant tout très risqué pour le socle conciliaire, qui paraissait jusqu’ici un socle de granit.

[France 5] L’Eglise retrouve son latin ?

France 5 - 20 novembre 2006

L’Eglise retrouve son latin ? Le monde catholique s’attend à ce que, dans les prochains jours ou semaines, le pape publie un Motu proprio, un décret papal, qui devrait permettre à n’importe quel prêtre de célébrer la messe en latin, si un certain nombre de fidèles le demande. Une façon de faire revenir les intégristes dans le giron de l’Eglise. Emoi chez certains catholiques en France, notamment parmi les évêques de l’Est. Le pape Benoît XVI veut-il réunifier la famille catholique ou, comme certains le pensent, assiste t-on à un débat droite/gauche dans l’Eglise catholique. Après plus de quarante ans d’absence, la messe en latin va faire son grand retour. Elle avait été abandonnée depuis le concile de Vatican II. Pour la première fois depuis le schisme de 1988, les lefebvristes, bêtes noires de l’Eglise, sont en train de se réconcilier avec Rome, après vingt ans de longues négociations. Jean-Paul II dans un souci d’unité de l’Eglise avait engagé les pourparlers et ce serait Benoît XVI qui pourrait finaliser cet accord.
 
La principale critique des lefevristes envers Vatican II était son ouverture vers les autres religions. Selon eux, seule le catholicisme détient la vérité.
 
Mais pour certains, cette main rendue vers les intégristes peut provoquer le départ de nombreux catholiques du giron de l’Eglise catholique. Donc, principe d’unité, mais à quel prix ? Ce retour à la lecture de la liturgie en latin ne serait-il pas un retour en arrière ?
 
L’enjeu dans cette histoire n’est une fois de plus pas la messe en latin mais le retour à la messe avant le concile de Vatican II, c’est-à-dire une autre lecture de la liturgie, et cela poserait un véritable problème pour bon nombre de catholiques.

Invités 

Abbé Laguérie
Ancien curé de l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet, dans le Ve arrondissement de Paris, occupée de force par les catholiques intégristes, l’abbé Laguérie officie aujourd’hui en l’église Saint-Eloi de Bordeaux et est supérieur de l’institut du Bon-Pasteur, une société de vie apostolique.
 
Michel Kubler
Prêtre de formation, Michel Kubler est rédacteur en chef religion de la Croix.

19 novembre 2006

La messe de saint Pie V et la théologie de Vatican II
19 novembre 2006 - Sermon de l'abbé Bourrat - laportelatine.org
Sermon de l'abbé Philippe Bourrat donné le 19 novembre 2006
Chapelle Notre-Dame de l'espérance à Versailles.

L'intention du pape Benoît XVI de rendre à la messe de Saint Pie V ses droits et sa pleine légitimité a suscité ces derniers mois et particulièrement en France, l'ouverture d'un débat auquel ont participé clercs et laïcs. Monsieur l'Abbé Philippe BOURRAT, bien connu des lecteurs de Credo, nous a aimablement autorisé à diffuser son homélie prononcée en la Chapelle Notre Dame de l'Espérance de Versailles le 24ème dimanche après la Pentecôte, le 19 novembre 2006.
Avec la clarté habituelle qui est l'apanage de ses sermons, Mr l'abbé Bourrat pose avec une grande objectivité le marché sousjacent entre l'acceptation du retour à la messe de Saint Pie V par le Vatican en contrepartie de la reconnaissance de la théologie de Vatican II par les fidèles de la Tradition. (Extrait de CREDO - 11 rue du Bel air - 95300 ENNERY)

L'actualité récente de la vie de l'Eglise mérite notre attention. Elle me semble en rapport avec l'Evangile d'aujourd'hui.
« Le royaume des cieux, nous dit l'Evangile, est semblable à la levure que prend une femme et qu'elle enfonce dans trois mesures de farine pour faire lever toute la pâte. » (Matthieu XIII 33)
Et Notre Seigneur dit ailleurs :
« Vous êtes le sel de la terre. Si le sel s'affadit, avec quoi sera-t-il salé ? »
Levure qui fermente dans la pâte ou sel qui donne du goût aux aliments, le chrétien est aussi « lumière dans le monde », il est la lampe allumée sur le candélabre pour éclairer autour de lui. Tout cela ne se réalise qu'à la condition d'être uni à Jésus-Christ. C'est à la condition d'être porteur de la Lumière surnaturelle de la foi qui est un don de Dieu que l'on peut prétendre être une lumière dans le monde. D'où la nécessité d'entretenir cette flamme au contact de la vie intime de Jésus qui est Dieu .
Mais si la flamme s'éteint ou devient artificielle, si la mèche ne trempe plus dans l'huile de la grâce, alors l'âme retombe dans les ténèbres et le monde retrouve l'obscurité du péché. Si le sel s'affadit, « il n'est plus bon qu'à être jeté dehors et foulé aux pieds par les passants ».
Il me semble que le débat qui s'est ouvert sur la possibilité de rendre à tout prêtre le droit de célébrer la messe authentiquement catholique, dite de saint Pie V, est un exemple frappant de cet enjeu de foi et de préservation de la foi.
D'un côté, la Fraternité Saint Pie X qui affirme depuis 36 ans que la nouvelle messe synthétise un grand nombre de dérives théologiques, à commencer par sa protestantisation et sa dimension oecuméniste qui en font l'expression liturgique d'une foi nouvelle, d'une nouvelle conception de l'Eglise, vue désormais comme « sacrement de l'unité » du genre humain, comme « peuple de Dieu » qui s'assimile à l'humanité tout entière.
De l'autre côté, des papes, des évêques qui affirmaient jusqu'alors que cette nouvelle messe n'avait rien changé en profondeur et que, si elle était effectivement le fruit du Concile Vatican II qui l'avait programmée, elle était, comme lui, fidèle à la Tradition de l'Eglise. Toute résistance à cette nouvelle messe était donc le signe d'un refus de l'autorité suprême de l'Eglise et une incompréhension du sens de la Tradition de l'Eglise. On était pourtant prêt à tolérer ces passéistes, ces nostalgiques du latin et de la messe « de leur enfance », en leur accordant ici ou là la possibilité de vivre leur « sensibilité religieuse » dans le cadre d'une Eglise qui se montrait par là même ouverte et généreuse, moderne et tolérante. Mieux encore : on reconnaissait le droit à des communautés religieuses d'user du rite traditionnel. Mais tout cela comportait une condition, et c'est là tout l'enjeu du débat ; que cette permission liturgique ne soit pas le prétexte ou l'occasion d'une remise en cause de la théologie nouvelle que contient cette nouvelle messe et les nouveaux sacrements qui l'accompagnent.
On voit là poindre le noeud d'une forte contradiction puisqu'on nous avait dit et redit que la théologie véhiculée par le nouveau rite n'avait rien de contraire à la Tradition multiséculaire de l'Eglise. Ainsi, on autorisait l'écorce de cette messe ancienne, avec tout ce qu'elle comporte de beauté, d'esthétique, mais on interdisait d'en vivre la théologie ou de contester, par comparaison, celle de la nouvelle messe.
C'est ainsi que la Fraternité Saint Pierre, Barroux, Institut du Christ-Roi et autres communautés plus petites se sont engagés à user de la messe traditionnelle sans contester les erreurs flagrantes de Vatican II, pourtant destructrices de la foi des fidèles. Moyennant quoi on les tolérait. Plus ou moins bien d'ailleurs. Parmi les plus zélés d'entre eux, certains se sont efforcés de justifier dans des ouvrages certaines erreurs de Vatican II (la liberté religieuse défendue par le Père Basile du Barroux), pour montrer qu'ils étaient de bons élèves. Sans compter l'inévitable basculement d'un bon nombre de ces prêtres qui, après avoir cessé de critiquer la nocivité de la nouvelle messe, ont fini tout simplement par la célébrer.
Mais cette fin d'année 2006 est marquée par un débat plus nouveau. Le Pape Benoît XVI ayant envisagé de rendre à la messe de toujours ses droits et sa pleine légitimité, on assiste, depuis, à la montée au créneau d'un bon nombre d'ennemis farouches de la messe traditionnelle au nom de raisons théologiques.
La messe traditionnelle serait un danger pour la théologie de Vatican II. L'aveu est de taille. Après nous avoir fait croire que les différences entre les rites n'étaient qu'une question de sensibilité et que les changements étaient motivés par un souci pastoral d'une plus grande participation des fidèles à la liturgie, on avoue désormais que le problème ne réside pas dans le latin ou le chant grégorien, ou encore dans l'orientation de l'autel, face ou dos au peuple. Non ! L'opposition est théologique. Deux théologies, deux conceptions de l'Eglise, deux conceptions du Sacrifice, deux conceptions du prêtre, deux conceptions de l'oecuménisme s'opposent au travers de ces deux rites. Et ce sont les évêques et les prêtres conciliaires qui l'avouent. Le 9 novembre 2006, le Cardinal Ricard, dans son discours de clôture de l'assemblée plénière de la Conférence des évêques de France, disait ceci :
« Nous savons bien que les différends avec les fidèles qui ont suivi Mgr Lefebvre dans son « non » à Rome ne sont pas d'abord liturgiques mais théologiques - autour de la liberté religieuse, de l'oecuménisme, du dialogue interreligieux - et politiques.»
Mgr Dagens, évêque d'Angoulême dans La vie, en octobre, Mgr Defois, archevêque de Lille, au même moment dans Le Figaro, insistaient sur l'opposition théologique qui nous sépare : nous sommes accusés par eux de ne pas avoir compris et de ne pas avoir accepté la nouvelle définition de l'Eglise de Lumen Gentium qui distingue Eglise du Christ et Eglise catholique, la première subsistant dans la seconde ; de ne pas avoir compris la liberté religieuse de Dignitatis humanae ; de ne pas avoir compris la nécessaire adoption par l'Eglise des principes du monde et son ouverture au monde telle que nous la propose Gaudium et Spes ; de nous être attachés à « une lecture intégraliste de l'évangile du Christ roi qui confond le règne de Dieu avec celui des hommes » comme l'écrit Mgr Defois.
Ces aveux sont de taille car nous qui ne faisons que proclamer ce qu'a toujours proclamé l'Eglise jusqu'à Pie XII, nous sommes accusés de n'avoir rien compris aux grandes vérités de foi que présentent Vatican II et la nouvelle messe. L'Eglise n'a-t-elle donc rien compris pendant 20 siècles ? S'est-elle trompée pendant 20 siècles ? Dans tous les cas, c'est reconnaître publiquement que cette nouvelle théologie et cette nouvelle liturgie sont bien opposées à celles de l'Eglise de toujours.
Le Père Caffin écrivait dans l'humanité tout récemment : «
Ce sont deux théologies qui s'affrontent, deux attitudes spirituelles qui se manifestent dans des liturgies différentes. Ce n'est pas qu'une question de sensibilité artistique ou esthétique mais la manifestation d'un sens qui est donné au message chrétien. »
Et le Cardinal Ricard précisait, cette fois dans son discours d'ouverture à Lourdes, le 4 novembre dernier :
« L'accueil de quelques-uns dans la communauté ecclésiale [il fait allusion aux prêtres de l'Institut du Bon Pasteur] ne saurait remettre en question le travail pastoral de l'ensemble. Non l'Eglise ne change pas de cap. Contrairement aux intentions que certains lui prêtent, le pape Benoît XVI n'entend pas revenir sur le cap que le Concile Vatican II a donné à l'Eglise. Il s'y est engagé solennellement. »
Dans un tel contexte, il nous faut prier, nous former et agir.
Prier d'abord, pour que cette effervescence n'en fasse tomber davantage dans le piège d'accords pratiques qui laissent de côté le combat des erreurs fatales à la foi catholique. Nous former pour garder la foi catholique. Nous ne sommes pas meilleurs que les autres. Nous pouvons tomber nous aussi face aux pièges et aux erreurs modernes si nous ne nous formons pas suffisamment.
Enfin il faut agir : pour faire connaître cette Vérité étemelle qu'est Notre Seigneur Jésus-Christ, en informant les âmes de bonne volonté et en répandant la charité des oeuvres par lesquelles nous manifestons notre appartenance pleine et entière à l'Eglise catholique. La sainteté des oeuvres est le gage et le témoignage de notre appartenance à l'Eglise de Jésus-Christ.
Nous sommes dans l'Eglise catholique. Nous n'avons pas à attendre d'être intégrés à l'Eglise catholique. Nous n'avons pas à attendre un morceau de papier pour être reconnus. De qui ? Et sur quels principes ?
« Le royaume des deux, nous dit l'Evangile, est semblable à la levure que prend une femme et qu'elle enfonce dans trois mesures de farine pour faire lever toute la pâte. » « Vous êtes le sel de la terre. Si le sel s'affadit, avec quoi sera-t-il salé ?"
Philippe Bourrat † 

18 novembre 2006

Lettre aux Amis et Bienfaiteurs N° 2 des « Œuvres Sacerdotales de Courtalain » (OSC)
18 novembre 2006 - la.revue.item
ACSM - Œuvres Sacerdotales de Courtalain
18 Novembre 2006
Séminaire Saint-Vincent-de-Paul
18, place Alexandre-Rillié
28290 Courtalain

Lettre aux Amis et Bienfaiteurs N° 2 des « Œuvres Sacerdotales de Courtalain » (OSC)


Bien chers Amis et Bienfaiteurs,

L’Institut du Bon Pasteur est né le 8 septembre 2006 ainsi que le Séminaire Saint-Vincent-de-Paul. Ce qui, hier, était impensable est, au­jourd’hui, réalité.

La retraite « de fondation », comme l’a appelée M. l’abbé Philippe Laguérie, s’est déroulée au Séminaire à Courtalain, du lundi 23 au vendredi 27 octobre 2006. Elle fut prêchée par M. l’abbé Guillaume de Tanoüarn qui nous a fait un merveilleux commentaire des Exercices de Saint Ignace. La vie de Saint Ignace fut la lecture de table ainsi que l’Épître aux Éphésiens de Saint Paul. Nous étions dix-neuf : les nouveaux séminaristes entourés de quelques prêtres.

Tout était fin prêt... pour ne pas dire juste prêt. Avec le Frère Charles et quelques amis, nous terminions les chambres : peintures, mo­quette, ameublement; la salle de conférences, le réfectoire. Les corps de métier nous livraient la cuisine le samedi soir et, le lundi après-midi, elle était toute propre avec assiettes et tout le reste...

La chapelle fut terminée en même temps avec un bel autel (une copie d’un autel où Saint Jean Eudes aurait célébré la Messe... au château du Fresnes Camilly, du nom de la famille que le Saint fréquentait d’une manière plus particu­lière : la fa­mille Camil­ly), un bel autel de 4 m de hauteur. Il fut réalisé par un me­nuisier de Normandie. Il fallut installer les rideaux, de beaux rideaux bleu marine, aux quatre fenêtres. Il fallut également installer et adapter les nappes d’autel, les bancs; réunir ostensoir, encensoir, jeux de burettes, navette donnés par des amis de Vichy, le chasublier... y mettre quelques belles chasubles que j’avais pu trouver voilà quelques mois à Bourges dans une belle œuvre, l’Œuvre des Tabernacles; assurer l’ornementation de la chapelle et poser un beau tableau du Bon Pasteur qui me fut donné il y a maintenant trois ans ― à mon retour du Canada, par une jeune famille amie ― un Bon Pasteur qui tient en ses mains un agneau, le berger marchant avec quelques brebis le long d’une vallée... Et voilà que trois ans après, la Providence permet la fondation de l’Institut du Bon Pasteur ! J’y vois là un signe.

Je préparais donc cette belle chapelle et mettais un point final le soir du 20 octobre 2006, en la fête de Saint Jean de Kenty, un des patrons principaux de la Pologne. Le soir vers 19 h, l’Introït de cette messe retint mon attention; on y lit : Celui qui possède la miséricorde enseigne et instruit comme un berger son troupeau. En latin : « Qui misericordiam habet, docet et erudit quasi pastor gregem suum ».

N’y a-t-il pas là quelque chose de providentiel ? La pre­mière messe célébrée sur cet autel qui sera le cœur du séminaire de cet institut qui porte le nom du Bon Pasteur, sur lequel je venais de poser ce tableau, séminaire sous le patronage de Saint Vincent de Paul qui fut, toute sa vie, l’homme de la misé­ricorde ! Avouez que tout cela est de bon augure !

Il y a là tout un programme. Nous aurons à cœur de former les sémina­ristes dans cet esprit de charité, de bonté, de justice, de patience, de douceur, d’attention au prochain, de délicatesse; toutes vertus qui conviennent au bon pasteur, aux prêtres. Nous aurons à cœur de les enseigner, de les instruire – docere et erudire – dans la science de Dieu, de l’Église, de sa tradition millénaire sans sectarisme, ni étroitesse d’esprit mais ouverts à l’amour de la patrologie, à l’amour du Nouveau Testament qui contient toute la doctrine du Bon Pasteur (« Je suis le Bon Pasteur. Le Bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis... Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent... Je donne ma vie pour mes brebis » (Jn 10)); de les instruire à la spiritualité de l’Église, à l’amour de la liturgie, de la messe tridentine, à la réfutation des erreurs modernes. Ce sera en effet l’ensemble des cours que ces séminaristes recevront cette année.

Ces cours seront donnés dans une succession de sessions par M. l’abbé Philippe Laguérie qui assurera le cours des erreurs modernes, par M. l’abbé Guillaume de Tanoüarn celui de patrologie, par M. l’abbé Christophe Héry le cours d’Ecriture Sainte, par M. l’abbé Claude Barthe celui de liturgie, par M. l’abbé Henri Forestier le cours de la vie spirituelle, et par votre serviteur le « combat » de la messe, combat gigantesque que nous menons aux côtés de Mgr Lefebvre auquel nous restons tous fidèles. Que de choses passionnantes à enseigner et à apprendre ! Comme j’aime­rais être de nouveau séminariste pour apprendre tout cela.

Ils seront neuf séminaristes, peut-être dix, plus deux frères : le plus grand nombre Français, mais un Polonais, un Mexicain, deux Brésiliens, peut-être plus encore. Ils seront encadrés de deux prêtres, M. l’abbé Forestier et moi-même, assistés d’un professeur d’orgue, de français, de latin. Et tout cela se déroulera dans un cadre champêtre, agréable, à Courtalain, dans une propriété louée par bail emphytéotique de 32 ans à la famille Gontaud-Biron, tout près de leur château Renaissance, entourée d’un grand parc et de forêts où les séminaristes pourront trouver paix et silence.

Ce séminaire Saint-Vincent-de-Paul pourra recevoir jusqu’à trente séminaristes, tous travaux finis. Huit chambres ont pu être aménagées en ce début d’année académique, sans compter l’aménagement de quatre studios pour les prêtres à demeure et leurs visiteurs. La chapelle est aménagée pour 35 séminaristes.

Mais il reste encore à faire... 22 autres chambres pour l’an prochain, la salle de biblio­thèque et d’informatique, une chambre d’ami, le secrétariat ainsi qu’une deuxième salle de conférences. Oh ! Que de travail en perspective ! Com­bien le soutien de vos prières, votre soutien financier nous sont nécessaires ! Il faut assurer les pensions des séminaristes; il faut bien les nourrir.

Deux cent cinquante (250) bienfaiteurs ont répondu à mon premier appel depuis Juillet dernier. Tous ensemble, nous ferons bon et beau travail. Ne craignez pas de soutenir ce séminaire, votre séminaire. Il veut former des prêtres, vos prêtres de demain, à l’instar du Bon Pasteur : généreux, zélés, missionnaires, aimant la Messe, le culte dû à Dieu, vivant dans un esprit de pauvreté, détachés du monde comme Benoît XVI vient de le rappeler à Vérone. Voilà un beau programme. Soyez généreux ! Adressez cette Lettre à vos amis, soyez missionnaires !

Cette « Lettre aux Amis et Bienfaiteurs » vous sera envoyée régulière­ment; elle vous donnera des nouvelles du séminaire; elle vous parlera de nos joies, de nos peines, du cours de notre vie.

En la fête de l’Epiphanie, j’ai l’intention d’organiser une « Journée Portes ouvertes » agrémentée d'un petit cocktail. J’y ai déjà convié l’évêque du lieu (Chartres), Monseigneur Michel Pansard, lors de la visite que je lui faisais le 19 octobre dernier. Ce fut une visite de courtoisie. Notre échange fut aimable; je lui ai exprimé mon désir de le recevoir, de l’accueillir, de lui présenter le séminaire : « Ma table vous est ouverte », lui ai-je dit. J’ai le ferme espoir qu’il viendra ― un beau mouvement de communion.

Nous vous remercions du soutien que vous procurerez aux séminaristes et de l’aide apportée à l’Œuvre du Séminaire Saint-Vincent-de-Paul à Courtalain.

[NdQ - Suivent: renseignements pratiques]