30 juin 2006

Lex orandi - par Gérard Leclerc
France Catholique n°3031 du 30 juin - www.france-catholique.fr
Benoît XVI s’apprêterait à prendre des décisions en faveur d’une réforme de la réforme de la liturgie ! Certains s’en réjouissent, d’autres s’en lamentent. Faute de données précises sur les intentions concrètes du Saint-Père, il nous est possible d’en comprendre l’esprit, puisqu’il s’est lui-même exprimé plusieurs fois sur le sujet et puisque le cardinal Ratzinger, avant Benoît XVI, n’a pas été avare d’explications et de mises au point sur la réforme liturgique qui a suivi Vatican II. Si le Pape intervient aujourd’hui sur le sujet, ce n’est évidemment pas pour ouvrir un nouveau conflit à l’intérieur de l’Eglise et ranimer les querelles qui ont opposé depuis un demi-siècle progressistes et traditionalistes. Le système médiatique n’a que trop de complaisance à orchestrer les oppositions qui offrent des correspondances d’ordre politique, pour mieux estomper les questions sérieuses, celles qui concernent la foi de l’Eglise. Or lorsqu’on parle liturgie, c’est d’abord la foi qui est en cause, conformément à l’ancien adage : lex orandi, lex credendi. Il y a donc lieu de relativiser toute sensibilité politique, idéologique voire esthétique au profit d’un recentrage sur l’essentiel. Et c’est de ce point de vue que doivent être comprises et accueillies, par exemple, les éventuelles mesures de Rome en faveur d’une réconciliation avec la mouvance dite traditionaliste. Un théologien comme Yves Congar - pourtant marqué par sa réputation œcuménique et réformiste - n’hésitait pas à reconnaître un aspect légitime à certaines demandes émanant de l’opposition au Concile. Il admettait sans réserve qu’on soit attaché à la messe de saint Pie V, à condition que ce soit sans rejet pour la messe dite de Paul VI. Le cardinal Ratzinger est allé encore plus loin en reconnaissant qu’il y avait eu des dérives graves, d’ailleurs étrangères à la constitution conciliaire sur la liturgie, et qu’il convenait de prêter une attention soutenue à certaines plaintes et à certaines objections.
On ne peut prendre à la légère, par exemple, la question de l’orientation de la liturgie tournée vers le soleil levant, qui désigne symboliquement le Christ ressuscité. On s’est beaucoup moqué de Claudel s’insurgeant contre “la messe à l’envers”. Mais il est certain que s’il y a détournement de signification grave, avec une assemblée qui se recentre sur elle-même pour oublier que la liturgie est ouverture au mystère de Dieu, la déviation est gravissime. Il nous semble que la nouvelle disposition de la cathédrale de Paris, qui est présente dans les belles retransmissions de KTO, devrait amplement donner matière à réflexion. Désormais, toute l’attention se trouvent attirée vers la grande croix dorée qui se trouve au fond du chœur de la cathédrale. Ainsi est mise en valeur l’orientation de l’action liturgique qui attire l’assemblée et les célébrants au-delà d’eux-mêmes, pour qu’ils entrent dans la dynamique du mystère de Dieu.

29 juin 2006

"La réforme de la réforme" en bonne voie
Golias - 29 juin 2006 - golias.ouvaton.org/
Mgr Malcom Ranjith Patabendig, secrétaire de la Congrégation pour le culte divin, n’est pas encore très connu du grand public. Ce sri-lankais de 59 ans a pourtant été personnellement choisi par le Pape en raison de sa sensibilité traditionnelle.
Il vient de tenir à l’agence I. Media des propos qui ne sont pas en contradiction avec sa réputation.
Après le Concile Vatican II, "certains changements peu réfléchis ont été faits, dans la rapidité et l’enthousiasme" ce qui a abouti à "une situation opposée à celle que l’on souhaitait".
L’archevêque n’est pas tendre contre certaines mesures adoptées après le Concile : ces "directives erronées comme l’abandon du sacré, la confusion des rôles entre les laîcs et les prêtres, ou encore certaains changements qui ont vidé les eglises en les protestisant. Ces changements de mentalité ont affaibli le rôle de la liturgie plutôt que de le renforcer" .
Il ne faudrait pas, selon Mgr Ranjith, chercher ailleurs la cause de la désaffection des sanctuaires et des séminaires.Il faudrait retrouver "certains aspects de la liturgie du paassé".
L’archevêque rappelle que "l’ancien missel de saint Pie V n ’a jamais été aboli". L’ancien missel ne saurait être dénigré. Il serait plus pertinent d’entreprendre, dans un sens traditionnel, une réforme de la réforme.
Le même archevêque avait accordé une préface à un ouvrage recommandant la célébration de la messe à l’ancienne (et non pas face au peuple).
Manifestement des "évolutions" sont à attendre en matière liturgique ces prochains temps.
Certains ont même devancé l’appel, tel le primat des Gaules, le cardinal Philippe Barbarin.

[Mgr Tissier de Mallerais, fsspx] Ecône, sermon pour les ordinations du 29 juin 2006

SOURCE - Mgr Tissier de Mallerais, fsspx - 29 juin 2006

Au nom du Père du Fils et du Saint-Esprit.

Ainsi soit-il.

Monseigneur le supérieur général, Messeigneurs, mes biens chers confrères, chers fidèles, chers ordinands, voici qu’en 2006, l’Eglise va donc par notre ministère, ordonner quatre nouveaux prêtres et en plus quelques diacres.

Cette célébration en 2006, parmi une Eglise qui ne croit plus au sacerdoce, puisqu’elle se prépare à être une Eglise sans prêtre, et qu’elle s’organise du reste, partout dans tous les diocèses, pour être désormais une Eglise sans prêtre, notre cérémonie est donc pleine de signification de notre volonté d’empêcher un si grand crime.

Le sacerdoce, le prêtre a toujours sa place essentielle dans l’Eglise. On ne peut pas imaginer une Eglise sans prêtre. Quel est le rôle du prêtre ? C’est ce que je voudrais vous exprimer en deux mots, en vous disant, le prêtre c’est un sauveur à la suite de l’unique sauveur Notre Seigneur Jésus-Christ. Sauveur de tous, spécialement des fidèles, salvator omnium, et sauveur du monde, salvator mundi. Je dirais sauveur des âmes et en plus sauveur des sociétés d’où la place essentielle du prêtre, non seulement dans l’Eglise mais dans la société. Et donc ce sont ces deux points que je voudrais développer : tout d'abord voir, bien chers futurs prêtres, votre rôle de sauveur des âmes et ensuite envisager votre rôle de sauveur des sociétés.

Jésus bien entendu est l’unique sauveur, sauveur principal, sauveur par son incarnation, sauveur par sa croix, sauveur comme le dit son nom : Jésus qui veut dire Dieu sauve. Donc il suffit de prononcer le nom de Jésus pour professer notre foi en Jésus-Christ sauveur des âmes.

Sauveur, qui dit sauveur dit par conséquent une catastrophe universelle, un naufrage, un sauvetage. Il n’y a pas de sauveur sans un naufrage. Et ce naufrage universel, c’est le naufrage du péché qui entraîne toutes les âmes en enfer, du moins c’est ce que Notre Seigneur a enseigné. C’est aussi ce que Saint Ignace dans ses exercices spirituels nous montre très bien dans cette belle contemplation de l’Incarnation du Fils de Dieu. Il nous fait voir les trois personnes divines assises sur le trône de leur majesté et contemplant de toute éternité le désastre du péché, leur œuvre créatrice ravagée par le péché et comment ces trois personnes dans l’éternité décrètent : "opérons la rédemption du genre humain".

Et cette rédemption, ce sera l’incarnation de la deuxième personne divine, sa passion et sa croix pour expier les péchés des hommes. Et c’est cette œuvre de rédemption que le prêtre continue par sa messe. Alors chers jeunes futurs prêtres, attardons nous à contempler ce mystère de la rédemption puisque vous êtes appelés à le prolonger, à le propager, par vos saintes messes.

Il est écrit dans la sainte Ecriture : "sans effusion de sang, il n’y a point de rémission".

Dieu a posé cette loi dès l’origine de l’humanité. Il fallait offrir des sacrifices sanglants pour apaiser sa colère, c’est-à-dire satisfaire à sa justice depuis le péché originel. Et Notre-Seigneur Jésus-Christ n’a pas voulu se soustraire à cette loi. Dans l’incarnation, la sainte trinité a décrété que le Fils de Dieu verserait son sang pour expier nos péchés, sacrifice expiatoire comme dans l’ancienne loi mais au lieu du sang de boucs et de béliers, ce serait le précieux sang d’un agneau immaculé, le Christ, l’homme Dieu avec une valeur infinie aux yeux de Dieu. Alors tel est le mystère incompréhensible que nous méditons et que nous réactualisons à chaque sacrifice de la messe, chers futurs prêtres.

Et c’est ce mystère de la rédemption par le sang de Jésus, par une expiation qui est nié actuellement par les plus hautes autorités de l’Eglise. Bien que l’on emploie à satiété dans le nouveau catéchisme, il y a une page célèbre qui a une énumération incroyable des mots expiation, satisfaction, compensation. Mais ils prononcent ces mots sans y croire car ils leur donnent un sens tout à fait différent. Depuis qu’un célèbre théologien de Tübingen en Allemagne écrivit en 1968 que la présentation de la théologie de la satisfaction était très rudimentaire dans l’Eglise et qu’il fallait changer cela. Il écrivait :
«Cette présentation est faussée. On prétend que la justice de Dieu infiniment offensée devrait être réconciliée par une satisfaction infinie et pour cela on nous présente un Dieu qui envoie son Fils à la mort avec une justice inexorable pour obtenir une satisfaction infinie par un sacrifice sanglant. Cette thèse de droit lésé et rétabli n’est pas la signification de la satisfaction du mystère de la rédemption dans le nouveau testament. On se détourne avec horreur d’une telle justice divine et de sa sombre colère qui ôte toute crédibilité au message de l’amour»
Ainsi le Fils de Dieu n’aurait pas expié nos péchés sur la croix. Il aurait seulement - nouvelle interprétation - démontré une passion héroïque : l’amour de Dieu pour les hommes, un amour parfaitement gratuit du Fils de Dieu fait Homme par le don de sa vie. On ne devrait plus parler de justice lésée ni d’offense du péché puisque Dieu ne peut pas être offensé. Dieu étant infiniment heureux et bienheureux en lui-même, Il ne peut pas être offensé et donc il n’y aurait plus de justice divine à satisfaire mais seulement un Dieu qui montre à l’homme pécheur son amour inchangé et étreint l’homme justifié et gratifié par l’amour gratuit de Dieu.

Vous voyez chers amis que l’on a complètement dépouillé le mystère de la rédemption de sa substance. Puisqu'on ne parle plus du péché ni de l’expiation ni de la peine due au péché. Or, ce théologien a par la suite reçu des charges importantes dans l’Eglise. Je n’en dirai pas plus mais vous pouvez deviner. Alors on recule avec horreur, non pas devant la justice divine que nous comprenons très bien comme catholiques, mais devant cette caricature honteuse du mystère de la rédemption qui a eu une influence incroyable dans l’Eglise puisque ce livre selon l’éditeur qui l’a réédité récemment en l’an 2000, est une œuvre capitale de la théologie du XX° siècle et à tel point que les catéchèses de plusieurs nations ont été infectées par cette hérésie comme nous le lisons dans un célèbre ouvrage des évêques de France écrit vers 1969 en disant que la théologie de la satisfaction nous représente un Dieu moloch qui exige sa ration de sang humain pour être satisfait. Donc c’est toujours la caricature de notre foi catholique.

Or, ces théologiens, s’ils avaient pris la peine de lire quelques pages de saint Anselme, de saint Léon le Grand et encore plus de saint Thomas d’Aquin dans sa somme théologique, auraient très bien compris que c’est la plus grande preuve d’amour du bon Dieu de nous donner un satisfacteur, un homme pris d’entre nous, l’homme Dieu qui va satisfaire pour nos péchés, parfaitement, à la justice divine à cause de la dignité de sa vie qu’il va offrir pour nous, à cause de son grand amour, de sa charité, à cause de son obéissance, c'est entendu, mais surtout à cause des souffrances immenses qu’il va choisir lui-même d’assumer pour offrir à son Père une satisfaction surabondante pour nos péchés. Saint Thomas d’Aquin a trois articles sur la passion de Jésus-Christ où il détaille les souffrances que Jésus a voulu souffrir pour expier nos péchés.

Or de cela on ne veut plus parler. On dit que Jésus a donné sa vie pour une preuve d’amour gratuit. On ne considère pas les souffrances de la passion de Jésus On ne considère plus du tout la valeur rédemptrice de la souffrance. Tout cela est une falsification du mystère de la rédemption. Et l’on comprend maintenant pourquoi la nouvelle messe. La nouvelle messe n’est rien d’autre que l’application de cette hérésie dans la liturgie et l’on comprend par conséquent la raison profondément dogmatique de notre attachement à la messe traditionnelle qui exprime, qui renouvelle, qui réactualise le mystère de la rédemption, de cette expiation de Jésus-Christ au calvaire.

Sans doute Jésus Christ ne veut plus souffrir maintenant. A la messe, il ne peut plus souffrir, il ne peut plus expier à proprement parler, mais il offre un sacrifice propitiatoire qui apaise la justice divine et qui nous rend Dieu à nouveau propice par l’application des satisfactions et des mérites du calvaire qui sont à nouveau présentés à Dieu par la victime présente sur l’autel sous les apparences du pain et du vin.

Voilà le mystère que vous êtes appelés à renouveler, chers jeunes prêtres.

Mystère de justice, le sacrifice de la messe, c’est d’abord faire justice à Dieu. Et ensuite dépendent les mérites de Jésus-Christ qui vont sanctifier les âmes et d’abord ôter le négatif avant de donner le positif. Il faut d’abord absoudre les péchés avant de penser à donner la grâce. Il faut d’abord penser à faire justice à Dieu avant d’espérer son pardon et sa vie divine. C’est un peu comme dans les sept dons du Saint-Esprit. Il y a le don de sagesse qui est le plus élevé qui consiste à être en action de grâce pour tout ce qui nous arrive au gré du bon Dieu. Puis il y a le don de crainte qui est le plus petit, le plus humble, qui nous fait craindre par-dessus tout d’offenser le bon Dieu que nous aimons. Je pense que le don de sagesse ne peut pas se passer du don de crainte. Il est impossible de vivre sans être en action de grâce pour toutes les épreuves que le bon Dieu nous envoie sans d’abord exercer le don de crainte c’est-à-dire craindre par-dessus tout la catastrophe la pire qui puisse nous arriver, de commettre un péché délibéré. Eh, bien! c ’est la même chose pour la messe.

Comment penser que nous puissions offrir un sacrifice d’action de grâce, de louange et d’adoration, si d’abord nous n’offrons pas un sacrifice d’expiation et de satisfaction à la divine justice.

C’est vouloir barrer la vertu de justice de la théologie et même de la philosophie chrétienne. On dit amour, amour, amour, eros et je ne sais quoi encore, des choses vraiment étranges et l’on ne dit plus justice, justice pour Dieu.
Alors vous serez les ministres de ce sauvetage spirituel des âmes par vos messes. Quelle consolation pour le prêtre, à chaque consécration, de savoir qu’il peut appliquer à sa volonté les infinies satisfactions de Jésus-Christ pour purifier des âmes à toutes les intentions qui lui sont confiées à sa messe. Quelle puissance dans le pouvoir du prêtre ! Mais songeons toujours à faire justice à Dieu et ensuite de sanctifier les âmes. Alors croyons de tout notre cœur, chers futurs prêtres, que notre sacrifice de la messe est vere propitiatorium comme le proclame et le définit le concile de Trente qui est un sacrifice vraiment propitiatoire. C’est un dogme de foi. C’est un sacrifice propitiatoire. Alors si la croix n’est plus un sacrifice expiatoire, il est impossible que la messe soit un sacrifice propitiatoire. Tout se tient. C’est en célébrant votre messe essentiellement que vous serez de nouveaux sauveurs, que vous continuerez ce sauvetage spirituel d’une Eglise qui ne croit plus à son sacerdoce. Quelle importance donc que nous au moins en petit nombre nous y croyons, que nous maintenions le sacerdoce et sa nature.

Sauvetage spirituel, mais également sauvetage temporel de la société, de la chrétienté, salvator hominum mais aussi salvator mundi.

Les samaritains après la visite de Jésus, disaient à la samaritaine : nous croyons maintenant que celui-ci est vraiment le sauveur du monde, salvator mundi. Donc sauveur également des sociétés temporelles, des nations, des Etats. Regnavit a ligno Deus, Dieu règne par sa croix ; mais il règne. Non pas seulement au fond des sacristies ou de nos chapelles. Il doit régner en public, dans les institutions publiques de la société civile et par la croix, par son sang. Voyons bien la rédemption avec toutes ses conséquences même temporelles.

Et l’importance, par conséquent, de votre sacerdoce, chers candidats au sacerdoce. Vous allez être ordonnés prêtres dans un temps d’apostasie, ce qui est par conséquent exercer le sacerdoce d’une façon plus difficile que l'exercèrent saint Pierre et saint Paul, que nous fêtons aujourd’hui, qui eurent eux la mission de convertir le monde païen. Vous, vous avez la mission de convertir un monde apostat. C’est beaucoup plus difficile. Comment allez-vous faire ? Eh bien vous reprenez le programme que Mgr Lefebvre nous a fixé, qui n’est pas son programme parce qu’il n’avait jamais eu aucune idée personnelle mais qui est le programme de l’Eglise catholique de toujours, opposé au programme libéral du libéralisme et de la franc-maçonnerie que l’on expliquait au jeune Marcel Lefebvre quand il était séminariste à Rome. On lui expliquait d’abord le programme des adversaires pour ensuite lui exposer le programme du Christ Roi.

Et voilà une chose très intéressante que j’aimerais vous développer en trois points : le programme libéral, la franc-maçonnerie.

Premier point : ce sera exclure le gouvernement du Christ Roi par la laïcisation des sociétés. C’est ce qui est arrivé dans tous les pays à la fin du XIX° et au début du XX° siècle : la laïcisation de toutes les sociétés civiles. Mais il continue maintenant depuis le concile Vatican II au nom de la liberté religieuse. Dire cela en 1925, quand Mgr Lefebvre était séminariste, c’était prophétique de ce qui devait arriver 40 ans après seulement. En 1965. Cela a été très vite, l’exécution du plan libéral et maçonnique ; en 40 ans de temps s’était réalisée, par la liberté religieuse, la laïcisation de la société civile.

Deuxième point : supprimer la messe, c’était le programme des francs-maçons.

Supprimer la messe, en privant les catholiques de leurs églises. Et avec le concile Vatican II, beaucoup plus simple avec la nouvelle messe qui nous a privé de la messe s’il n’y avait pas eu Mgr Lefebvre pour nous la garder, pour la sauver pour l’Eglise.

Troisième point du programme maçonnique : supprimer la vie spirituelle divine des âmes afin que les âmes ne vivent plus en état de grâce.

Puisque les âmes n’auront plus la source de la grâce à la messe, elles ne vivront plus en état de grâce. C’est la situation où personne ne va se confesser ; comment vivre en état de grâce ?

Je pourrai résumer ces trois points par ces trois expressions : le programme libéral, ce fut d’établir des sociétés laïques, de créer une Eglise laïque et enfin de faire des âmes laïques. Et, c ’est cela qu'à Rome on accepte et qu'on a voulu imposer à Mgr Lefebvre en 1987. Quand Mgr Lefebvre est allé trouver le cardinal Ratzinger à Rome, ils ont discuté là-dessus et ne se sont pas trouvés d’accord parce qu’à Rome on suit le programme maçonnique : on veut des sociétés laïques, on veut une Eglise laïque, on veut des âmes laïques. C’est logique.
Alors vous autres, chers jeunes prêtres, qu’est-ce que vous allez faire ? Vous allez prendre en main les trois points du programme catholique qui va à rebours du programme libéral.

Premier point : redonner la messe aux âmes. Puisque Mgr Lefebvre nous l’a sauvée, redonnons la aux âmes, la messe, ce sacrifice qui obtient la rémission de nos fautes, sacrifice satisfactoire, sacrifice propitiatoire.

Deuxième point de notre programme : avec la messe, reconstituer une élite de catholiques fidèles vivant en état de grâce. Ces catholiques, cette élite, chers fidèles, c’est vous. Je vous lance des fleurs, mais c’est une réalité dont vous devez être davantage conscients d’être une élite et par conséquent de toutes vos responsabilités, de tous vos devoirs comme élite chrétienne dans l’Eglise catholique, vis-à-vis de vos familles, vis-à-vis des institutions chrétiennes, vis-à-vis aussi de la politique de vos pays. Reconstituez une élite catholique vivant en état de grâce.

Et alors, troisième point : par cette élite, de chrétiens fervents vivant en état de grâce, recouronner Notre Seigneur Jésus Christ, lui redonner sa couronne, lui redonner sa place dans la société civile. C’est votre programme, chers jeunes prêtres. Cela découle de votre sacerdoce.

Voilà un programme tout à fait enthousiasmant, un programme capable de mobiliser toutes vos forces, un programme qui vous fait entrer dans le travail de vos anciens qui œuvrent depuis 40 ans avec succès, avec un grand succès malgré les difficultés. Nous avons reconstitué tout un tissu catholique, un embryon de chrétienté, pas nous mais la grâce de Dieu, par nous, grâce à notre humble fidélité au programme catholique.

Alors chers jeunes prêtres engagez-vous avec foi, avec persévérance dans l’exécution de ce programme catholique.

Demandons pour terminer à la Très Sainte Vierge Marie, mère du prêtre, notre reine, notre avocate, par son intercession toute puissante auprès de Dieu, de daigner bénir ces jeunes prêtres, ces jeunes diacres également, qui vont devoir prêcher dès maintenant l’Evangile, la vérité sur le mystère de la rédemption. Supplions la Sainte Vierge de remplir nos jeunes prêtres et nos jeunes diacres d’un zèle  vraiment surnaturel, soucieux de la saine doctrine catholique et pleins de foi dans l’importance irremplaçable de leur sacerdoce.

Ainsi soit-il.

Au nom du Père du Fils et du Saint-Esprit.

Ainsi soit-il.

+ Mgr Tissier de Mallerais

25 juin 2006

La réforme Vatican II n'a jamais décollé - Entretien avec Mgr Albert Malcolm Ranjith
25 juin 2006 - La Croix - www.la-croix.com
La réforme Vatican II n'a jamais décollé Pour le secrétaire de la Congrégation pour le culte divin, il faut retrouver le véritable esprit de la réforme conciliaire
Entretien avec Mgr Albert Malcolm Ranjith Patabendige Don, secrétaire de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements
La Croix : On a le sentiment que, pour Benoît XVI, la liturgie est une priorité.
Mgr Albert Ranjith : À juste titre. Lorsque l’on remonte l’histoire de la liturgie à travers les siècles, on voit combien est important pour tout homme le besoin d’écoute de Dieu et de contact avec l’au-delà. L’Église a toujours été consciente que sa vie liturgique doit être orientée vers Dieu et comporter une atmosphère profondément mystique. Or, depuis quelques années, on a tendance à l’oublier, pour y substituer un esprit de liberté totale qui laisse tout l’espace à l’invention, sans enracinement, ni approfondissement.
– Serait-ce que la liturgie est devenue l’objet de polémiques, de débats dans l’Église, voire un facteur de graves divisions ?
– Je pense que c’est là un phénomène proprement occidental. La sécularisation en Occident a entraîné une forte division entre ceux qui se réfugient dans le mysticisme, en oubliant la vie, et ceux qui banalisent la liturgie, en la privant de sa fonction de médiatrice vers l’au-delà. En Asie – par exemple au Sri Lanka, mon pays –, chacun, quelle que soit sa religion, est très conscient du besoin de l’homme d’être porté vers l’au-delà. Et cela doit se traduire dans la vie concrète. Je pense qu’il ne faut pas abaisser le sens du divin au niveau de l’homme, mais au contraire chercher à hisser l’homme vers le niveau supra-naturel, là où nous pouvons approcher le Mystère divin. Or, la tentation de devenir protagoniste de ce Mystère divin, de chercher à le contrôler est forte dans une société qui divinise l’homme, comme le fait la société occidentale. La prière est don : la liturgie n’est pas déterminée par l’homme, mais par ce que Dieu fait naître en lui. Elle implique une attitude d’adoration vers le Dieu créateur.
– Avez-vous le sentiment que la réforme conciliaire est allée trop loin ?
– Il ne s’agit pas d’être anti-conciliaire ou post-conciliaire, ni conservateur ou progressiste ! Je crois que la réforme liturgique de Vatican II n’a jamais décollé. D’ailleurs, cette réforme ne date pas de Vatican II : elle a en réalité précédé le Concile, elle est née avec le mouvement liturgique au début du XXe siècle. Si l’on s’en tient au décret Sacrosanctum Concilium de Vatican II, il s’agissait de faire de la liturgie la voie d’accès à la foi, et les changements en la matière devaient émerger de manière organique, en tenant compte de la tradition, et non de manière précipitée. Il y eut de nombreuses dérives, qui ont fait perdre de vue le véritable sens de la liturgie. On peut dire que l’orientation de la prière liturgique dans la réforme postconciliaire n’a pas été toujours le reflet des textes de Vatican II, et en ce sens, on peut parler d’une correction nécessaire, d’une réforme dans la réforme. Il faut regagner la liturgie, dans l’esprit du Concile.
– Concrètement, par quoi cela passe-t-il ?
– Aujourd’hui, les problèmes de la liturgie tournent autour de la langue (vernaculaire ou latin), et de la position du prêtre, tourné vers l’assistance ou tourné vers Dieu. Je vais vous surprendre : nulle part, dans le décret conciliaire, on n’indique qu’il faut que le prêtre désormais se tourne vers l’assistance, ni qu’il est interdit d’utiliser le latin ! Si l’usage de la langue courante est consenti, notamment pour la liturgie de la Parole, le décret précise bien que l’usage de la langue latine sera conservé dans le rite latin. Sur ces sujets, nous attendons que le pape nous donne ses indications.
– Faut-il dire à tous ceux qui ont suivi, avec un grand sens de l’obéissance, les réformes post-conciliaires qu’ils se sont trompés ?
– Non, il ne faut pas en faire un problème idéologique. Je remarque combien les jeunes prêtres, ici, aiment à célébrer en rite tridentin. Il faut bien préciser que ce rite, celui du missel de saint Pie V, n’est pas « hors la loi ». Faut-il l’encourager davantage ? C’est le pape qui décidera. Mais il est certain qu’une nouvelle génération est en demande d’une plus grande orientation vers le mystère. Ce n’est pas une question de forme, mais de substance. Pour parler de liturgie, il ne faut pas seulement un esprit scientifique, ou historico-théologique, mais surtout une attitude de méditation, de prière et de silence. Encore une fois, il ne s’agit pas d’être progressiste ou conservateur, mais simplement de permettre à l’homme de prier, d’écouter la voix du Seigneur. Ce qui se passe dans la célébration de la gloire du Seigneur n’est pas une réalité seulement humaine. Si on oublie cet aspect mystique, tout se brouille, et devient confus. Si la liturgie perd sa dimension mystique et céleste, qui, alors, aidera l’homme à se libérer de l’égoïsme et de son propre esclavage ? La liturgie doit avant tout être une voie de libération, en ouvrant l’homme à la dimension de l’infini.
Recueilli par Isabelle de GAULMYN à Rome

Un fidèle de Benoît XVI
Âgé de 58 ans, Mgr Albert Malcolm Ranjith Patabendige Don est l’un des premiers responsables de la curie nommés par Benoît XVI. Originaire du Sri Lanka, il fut évêque auxiliaire de Colombo en 1991, avant de recevoir la charge du diocèse de Ratnapura en 1995. Cet homme brillant et cultivé, d’un grand classicisme doctrinal, fut appelé à Rome en 2001 comme sous-secrétaire de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples. Mais il dut en repartir, nommé en 2004 nonce en Indonésie, ce qui fut considéré comme une sanction liée aux différends qu’il avait eus avec le cardinal Sepe, alors préfet de ce dicastère et récemment muté à Naples. Sa nomination à la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, remplaçant Mgr Sorrentino comme bras droit du cardinal Arinze, a signifié le retour en grâce de ce fidèle de Benoît XVI.

24 juin 2006

Un nouveau Secrétaire d’Etat du Vatican
Le cardinal Tarcisio Bertone
Abbé Barthe / Olivier Figieras - Présent - 24 juin 2006
Un nouveau Secrétaire d’Etat du Vatican Le cardinal Tarcisio Bertone
L’abbé Claude Barthe* répond aux questions de “Présent”
Benoît XVI a nommé jeudi le cardinal Tarcisio Bertone, actuel archevêque de Gênes, et l’un de ses plus proches collaborateurs à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la foi, comme successeur du cardinal Sodano, démissionnaire, à la tête de la Secrétairerie d’Etat.
Le Pape a également nommé son actuel ministre des Affaires étrangères, Mgr Giovanni Lajolo, au gouvernement de la Cité du Vatican, où il succédera au cardinal américain Szoka. Nous avons demandé à M. l’abbé Barthe, qui connaît le cardinal Bertone, qui était le nouveau Secrétaire d’Etat.
— Qui est le cardinal Bertone ?
— Le cardinal Tarcisio Bertone est un Italien du Nord, du diocèse d’Ivrea, près de Turin, cinquième enfant d’une famille qui en compte huit. C’est un homme de 71 ans, sérieux mais plein d’humour, d’une forte stature physique et de grande capacité intellectuelle. Religieux salésien (Don Bosco), ordonné en 1960, il a étudié à Turin, avant d’enseigner à l’Université salésienne de Rome (dont il est devenu « Recteur magnifique »), tant la morale que le droit de l’Eglise.
C’est donc tout à la fois un canoniste et un moraliste, spécialiste de droit public ecclésiastique, qui connaît bien le domaine de la liberté religieuse. Sa dissertation de licence avait d’ailleurs pour thème : Tolérance et liberté religieuse.
— C’est un proche du cardinal Ratzinger ?
— C’est un des plus proches, sinon le plus proche parmi les hauts personnages ecclésiastiques. Quand a-t-il été remarqué par le Cardinal, qui avait les yeux toujours fixés sur le personnel professoral romain ?
Je ne saurais dire. Il s’occupait déjà de la rédaction du Nouveau directoire œcuménique de 1993. Et même avant, en 1988, il faisait partie du groupe qui assistait le cardinal Ratzinger dans la tentative de réconciliation avec Mgr Lefebvre.
Il est devenu secrétaire de la Congrégation de la foi (le secrétaire est le second personnage d’une Congrégation, après le préfet) de 1995 à 2002. C’est l’époque de la déclaration Dominus Iesus sur l’unicité et l’universalité salvifique de Jésus-Christ et de l’Eglise (6 août 2000). Il a notamment suivi plusieurs dossiers français très inquiétants. Il « collait » parfaitement à la ligne Ratzinger, étant en outre de formation théologique plus classique. C’est pour cela qu’il est
aujourd’hui choisi pour remplacer le cardinal Sodano à ce poste de « Premier ministre ». Au début du pontificat, la rumeur le voyait à la Congrégation pour la doctrine de la foi. Il semble qu’il ait refusé ce poste. Mais, depuis l’élection de
Benoît XVI, il n’a cessé de faire des allées et venues entre Gênes et Rome. Il est consulté constamment.
— Plutôt connu à la Curie comme un homme de doctrine, le voici à la Secrétairerie d’Etat…
— Oui ! et c’est très intéressant, car cela confirme que Benoît XVI veut redonner à la doctrine la première place dans le gouvernement de l’Eglise. Il faut se rappeler que, jusqu’à Paul VI, le Saint-Office (devenu ensuite Congrégation de la
doctrine de la foi) était dit la Suprême (congrégation) : c’était le premier de tous les dicastères du Saint- Siège. Le préfet du Saint-Office était d’ailleurs le Pape lui-même. La Congrégation avait donc une indépendance certaine. Un des effets
de Vatican II a été de réduire cette puissance. Le Secrétaire d’Etat a certes, toujours eu une très grande importance, celle d’un Premier ministre qui coordonne les autres et qui s’occupe de toutes les affaires de poids. Mais depuis Paul VI, celui-ci avait acquis encore plus d’importance. On dit que Benoît XVI veut rendre à la Congrégation pour la doctrine de la foi sa suprématie. Mais déjà, en prenant pour premier collaborateur celui qui l’a secondé au palais du Saint-Office, le Pape donne un signe d’un rééquilibrage en ce sens.
— En effet, la Secrétairerie d’Etat n’était pas connue jusqu’ici comme très proche du cardinal Ratzinger.
— Jusqu’à présent, non. Le cardinal Sodano, dans les temps qui ont précédé le dernier conclave n’était certes pas un « ratzinguérien ». Mais les choses changent très vite. Aujourd’hui, les membres de la Secrétairerie connus pour leur sympathie à l’égard de celui qui était le cardinal Ratzinger n’ont plus à se garder prudemment. Et le nouveau Secrétaire d’Etat a la capacité de se donner rapidement les coudées franches.
— Le cardinal Bertone a été en relations suivies avec sœur Lucie, à Fatima. Mais nos milieux le connaissent peu.
— Le monde traditionnel d’une manière générale ne le connaît pas ; c’est dommage, car c’est un personnage intéressant. Il faut ainsi savoir qu’il a célébré récemment, et pontificalement, la messe de saint Pie V. Sur les questions liturgiques, je pense qu’il est en parfaite syntonie avec Benoît XVI.
— Et en ce qui concerne les relations avec les religions non chrétiennes et l’œcuménisme ?
— Il est extrêmement sensible comme Benoît XVI, et comme le cardinal Ruini, autre « ratzinguérien » de poids, au danger de l’islamisme, et à celui du terrorisme. Quant à l’œcuménisme proprement dit, il s’est notamment beaucoup intéressé, quand il était à la Congrégation pour la doctrine de la foi, à la question anglicane. Sur ce sujet, sa position est fermement traditionnelle : il n’est pas question de reconnaître la validité des ordres anglicans.
— Que peut-on donc espérer de cette nomination ?
— Tout simplement que l’ensemble de la Curie soit davantage dans la ligne du Pape, à commencer par la Secrétairerie d’Etat, ce qui n’était pas acquis au premier abord. Au reste, les manœuvres d’opposition et de sape vont continuer,
s’amplifier peut-être. D’autres nominations vont suivre. La rumeur actuelle veut que Mgr Baldelli, l’actuel nonce à Paris soit nommé à la place de Mgr Lajolo (aux relations avec les Etats), ou à celle de Mgr Sandri comme substitut à la Secrétairerie d’Etat. Le premier vient de recevoir une nouvelle nomination… Il se dit aussi que Mgr Comastri, actuel vicaire général de la Cité du Vatican, serait nommé pour remplacer le cardinal Castrillon Hoyos à la tête de la Congrégation pour le clergé. Le départ de Joaquín Navarro Valls, directeur de la Salle de presse est imminent : tout porte à croire que l’ensemble du système de communication du Saint-Siège : radio, TV, salle de presse, Osservatore Romano, va être « resserré ».
Pour en revenir au cardinal Bertone, c’est un personnage qui, compte tenu de ses capacités et de la confiance que lui porte Benoît XVI, va jouer un rôle important dans le pontificat, et compter pour l’Eglise dans les années à venir.
Propos recueillis par Olivier Figueras

* Auteur d’un certain nombre d’ouvrages de réflexion sur la crise actuelle de l’Eglise, l’abbé Claude Barthe vient de publier, aux Editions François-Xavier de Guibert (www.fxdeguibert.com), une nouvelle édition de son Trouvera-t-il encore la foi sur la terre ?, dans laquelle il prolonge son étude jusqu’aux nouveaux développements mis en place par Benoît XVI dans la perspective d’une réforme de la réforme.

23 juin 2006

[Le Figaro] Un proche du Pape prône le retour de la messe en latin

SOURCE - Le Figaro - 23 juin 2006

Le numéro deux du «ministère» du culte au Saint-Siège estime qu'il faut redonner de la solennité à la liturgie. Un nouveau geste en direction des traditionalistes.

LA MESSE en latin revient en grâce au Vatican. Rétablir certains aspects de la messe d'avant le concile Vatican II «est une urgence». Quarante ans après, il faut une véritable réforme de la réforme, redonner sa solennité à la messe et rappeler que le rôle des laïcs n'est pas celui des prêtres.

Telle est la substance des propos de Mgr Malcom Ranjith Patabendig à l'agence I.MEDIA. Ils feront plaisir aux catholiques traditionalistes et aux Lefebvristes.

Ce diplomate sri-lankais, numéro deux du «ministère» du culte et de la discipline des sacrements, est dans la droite ligne de Benoît XVI qui l'a volontairement placé à ce poste.

Après le Concile Vatican II, «certains changements peu réfléchis ont été faits, dans la rapidité et l'enthousiasme», ce qui a débouché sur «une situation opposée à celle que l'on souhaitait», estime l'ancien nonce en Indonésie. Une trahison de l'esprit des réformes, en quelque sorte.
La messe «dos au peuple»
Reprenant la croisade contre les abus liturgiques, il ne mâche pas ses mots contre ces «directions erronées comme l'abandon du sacré, la confusion des rôles entre les laïcs et les prêtres, ou encore certains changements qui ont vidé les églises en les protestantisant. Ces changements de mentalité ont affaibli le rôle de la liturgie plutôt que de le renforcer» et favorisé «le sécularisme». L'Église aurait ainsi beaucoup perdu aux yeux de nombreux jeunes et de nombreux prêtres. Pour Mgr Malcom Ranjith, «elle doit être sensible à ces urgences que les gens sentent et retrouver certains aspects de la liturgie du passé». Le Saint-Siège appelle ainsi les évêques à «renforcer les acquis du passé» tout en conservant les gains du concile en matière liturgique (l'utilisation de la langue vernaculaire, en particulier). En effet, «l'ancien missel de la messe dite de saint Pie V n'a jamais été aboli». Une affirmation qui n'est pas neuve. Pour l'ancien nonce, il est injuste de donner une image négative de la messe revendiquée par les traditionalistes. Il faut au contraire perfectionner le missel actuel.

Ces paroles reflètent la pensée du Pape. En avril dernier, une réédition en italien d'un livre de celui qui était alors le cardinal Ratzinger a exhumé ses positions favorables à la célébration de la messe en latin, «dos au peuple», selon l'ancien missel. Il y a trois ans déjà, le futur pape exprimait son désir de rouvrir ces questions, regrettant «les fanatismes» du débat post-conciliaire sur la liturgie. Benoît XVI y travaille et ses directives sont attendues, alors qu'il a multiplié les gestes à l'égard de la frange traditionaliste de l'Église catholique et de la Fraternité Saint Pie X. Mais si avec cette dernière, la «querelle des rites» n'est qu'un point de controverse, l'enseignement doctrinal du Concile Vatican II en est un autre qui semble plus difficilement surmontable. Mais Benoît XVI, en remettant au goût du jour l'ancien missel, ouvre une brèche dans laquelle de nombreux fidèles, en délicatesse avec Rome, pourront s'engouffrer.

15 juin 2006

La Justice déclare illégales et annule les exclusions des abbés Laguérie et Héry
15 juin 2006 - Communiqué des abbés Christophe Héry et Philippe Laguérie repris par frat.canalhistorique.free.fr
Ce 15 juin 2006, la 1ère chambre du Tribunal de grande instance de NANTERRE vient de prononcer la nullité de nos exclusions de l’association cultuelle Fraternité sacerdotale Saint Pie X.
Nous avions fait ce recours civil en dernier ressort, devant le refus qui nous était opposé d’appliquer le droit de l’Église et d’accepter nos recours internes, pourtant légitimes.
Près de deux ans après nos exclusions de la FSSPX, notre bon droit est enfin reconnu et les méthodes employées contre nous sont déclarées illégales au regard du droit civil – semblable  ici au droit de l’Église : le juge a notamment retenu la violation des droits de la défense et du droit à être jugé de manière impartiale et objective.
Ce jugement bénéficie juridiquement à tous les membres du District
Devant le Tribunal, la FSSPX contestait que l’abbé HERY ait été renvoyé, car elle lui déniait la qualité préalable de membre de l’association cultuelle, après 16 ans de service dans le District. Le Tribunal a, au contraire, retenu notre argumentation : sur 120 prêtres du District de France, 30 sont des membres votants de l’association cultuelle (dont l’abbé LAGUERIE), et les 90 autres sont « membres de fait sans voix délibérative » (dont l’abbé HERY).
Par ce jugement de principe, le Tribunal reconnaît désormais à l’ensemble des prêtres du District de France un statut juridique civil et tous les droits attachés au sein de l’association cultuelle. Ce vide juridique est désormais comblé et notre bon droit reconnu. Nous tenons à saluer cette victoire obtenue par notre avocat, Maître Jérôme TRIOMPHE, qui n’a ménagé ni sa peine, ni sa générosité, ni son talent, et que nous voulons ici remercier.
Nous recevons ce jugement du Tribunal de NANTERRE comme une bénédiction pour la Fraternité tout entière et un signe de la Providence à trois semaines du Chapitre général. Nous espérons ainsi que cette décision permette de trouver une voie d’apaisement pour l’avenir.
C’est ce que nous souhaitons le plus.
Nous prions de tout cœur et avec espérance à cette intention.
Bordeaux, le 16 juin 2006
Abbé Philippe LAGUERIE
Abbé Christophe HERY
La pierre d'achoppement: le concile Vatican II
Abbé de Cacqueray - "Lettre à nos frères prêtres" n°29 - juin 2006

"La Lettre à nos frères prêtres" est la lettre trimestrielle de liaison de la Fraternité Saint-Pie X avec le clergé de France --- Abonnement annuel: 8 euros (4 euros si on parraine un prêtre) --- Correspondance: Lettre à nos frères prêtres, 2245 avenue des Platanes, 31380 Gragnague
A l’issue de la dernière assemblée plénière des évêques de France, le cardinal Ricard faisait le point sur « l’accueil des groupes “traditionalistes” au sein de nos diocèses ». Concernant la Fraternité Saint-Pie X, il écrivait : « La charité implique qu’on cherche à se connaître, à se comprendre, à faire disparaître les images fausses que l’on peut avoir les uns des autres […] La vérité implique qu’on soit au clair sur nos points de dissension. Ceux-ci portent moins d’ailleurs sur les questions de liturgie que sur celle de l’accueil du magistère, tout particulièrement de celui du concile Vatican II […] La communion peut s’accompagner de questions, de demandes de précision ou d’approfondissement. Elle ne saurait tolérer un refus systématique du Concile. » Dans ce souci de vérité désireux d’écarter toute fausse image, il importe effectivement de faire le clair sur l’objet de nos dissensions. Car, avouons-le bien simplement et en toute charité : il est curieux d’entendre la Fraternité Saint-Pie X taxée d’un refus systématique du concile Vatican II, lorsque l’on sait que cette dernière, en son décret même d’érection, s’appuie explicitement sur Presbyterorum ordinis (n°10 §2) ; ou encore qu’elle est l’une des rares Sociétés cléricales à respecter certaines demandes formelles du concile Vatican II quant à la formation sacerdotale : quel séminaire diocésain prend saint Thomas d’Aquin pour maître (Optatam totius n°13), ou assure un apprentissage systématique du latin (Optatam totius n°16 §3) ? Ce ne sont là que quelques exemples, pris parmi d’autres, destinés à montrer la complexité de la situation : on ne peut opposer une acceptation “pleine et entière” de Vatican II – qui serait le propre des évêques de France – à un “refus systématique du Concile” caractéristique de la Fraternité Saint-Pie X.
Il n’en reste pas moins que, d’un point de vue doctrinal, le positionnement de chacun face au concile Vatican II demeure la principale pierre d’achoppement. Les uns, dénoncés en son temps par le cardinal Ratzinger, voudraient l’imposer comme un “superdogme”. Pour notre part, nous avons toujours rappelé qu’il n’engageait point la foi. Nous constatons de plus que, loin d’avoir clarifié les vérités révélées, le Concile favorisé la diffusion des idées libérales, au risque de laisser chez beaucoup la foi catholique se dissoudre dans un relativisme pratique. Les constats sont là, par trop douloureux.
Entre deux positions si divergentes, y a-t-il encore un espace pour un échange constructif et fructueux ? J’en suis persuadé. Avant même d’aborder le contenu du Concile, il est possible d’évaluer ensemble le degré d’assentiment qu’il réclame – ou ne réclame pas. Il est possible de répondre, d’un commun accord parce qu’en toute rigueur théologique, à la question suivante : quelle autorité pour le concile Vatican II ? Une telle conversation sera libératrice. Plusieurs d’entre vous nous l’ont dit : les questions et doutes que nous formulons, beaucoup les soulèvent en silence. Y répondre en toute vérité et charité, ensemble et à haute voix, soulagera bien des consciences…
Abbé R. de CACQUERAY

[Abbé Michel Beaumont, fsspx - Fideliter] Le chapitre général de juillet 2006


SOURCE - Abbé Michel Beaumont, fsspx - Fideliter n° 171 - mai-juin 2006

La Fraternité Saint-Pie X va connaître dans quelques semaines son troisième Chapitre général ordinaire, au cours duquel, notamment, sera élu le Supérieur général pour les douze années à venir. Qu'est- ce qu'un Chapitre général? Comment se déroule-t-il? Qui en fait partie ? Quelles sont les règles de l'élection du Supérieur général ? Telles sont les questions auxquelles nous avons tenté de répondre.

Le Chapitre général (qui, dans d'autres in tituts, peut prendre un nom différent : chez les Jésuites, Congrégation générale) est l'instance suprême et extraordinaire de la Fraternité Saint-Pie X (l'instance ordinaire étant le Supérieur général assisté de son Conseil).

Le Chapitre est le seul habilité, si le besoin s'en faisait sentir, à modifier les Statuts. Le Chapitre général statutaire (ou « ordinaire ») se réunit tous les douze ans. La Fraternité Saint-Pie X ayant été fondée en 1970, le troisième Chapitre général sta- tutaire aura lieu à partir du lundi 3 juillet 2006.

Le Supérieur général peut convoquer, pour des raisons exceptionnelles, un Chapitre extraordinaire : le cas ne s'est pas présenté jusqu'ici.

Enfin, le Supérieur Général peut convoquer un « Chapitre d'affaires», qui ne regroupe que les supérieurs en charge et qui n'a voix que consultative (il ne s'agit pas d'un Chapitre général au sens propre). Le but premier et essentiel du Chapitre général ordinaire (comme celui de 2006, donc) est de procéder à l'élection du Supérieur général et de ses Assistants. Son but second est de «vérifier si la Fraternité Saint- Pie X applique consciencieusement les Statuts et s'efforce d'en garder l'esprit ».

Le Chapitre général se compose d'abord de personnes désignées par leur « ofice», c'est-à-dire par leur charge dans l'ouvre.
Par office
Ce sont :
- le Supérieur général et ses deux Assistants ;
- les évêques ; - les anciens Supérieurs généraux;
- Le Secrétaire général et l'Économe général ;
- les supérieurs de district ;
- les directeurs de séminaires majeurs ;
-les supérieurs de maisons autonomes.
Le Chapitre se compose ensuite des membres prêtres les plus anciens, qui n'ont pas les charges ou offices précités, « dans la proportion d'un tiers des membres par office ».
Les « anciens»
Les membres du Chapitre de 2006 seront au nombre de 40. Et 30 d'entre eux le seront au titre de leur office. Les membres par ancienneté, «dans la proportion d'un tiers des membres par office », sont donc quant à eux au nombre de 10 (un tiers de 30) et représentent au final un quart du Chapitre. Ces « anciens » ont fait leurs engagements dans la Fraternité Saint-Pie X entre 1971 (pour les deux plus anciens) et 1974 (pour les deux plus récents). Ils ne sont pas dépourvus d'expérience de commandement : on y trouve notamment trois anciens supérieurs de district et un ancien supérieur de séminaire.
Une palette variée
II faut noter que le Chapitre, qui regroupe des personnes ayant de hautes charges ou une grande ancienneté dans l'ouvre, présente néanmoins une palette humaine variée, gage d'un regard multiple et sage sur le réel. Par exemple, si le plus âgé des capitulants a 66 ans, le plus jeune n'a que 32 ans. Le prêtre le plus ancien dans le sacerdoce a été ordonné en 1972, tandis que le plus récent n'a été ordonné pour sa part qu'en 2001 (et les deux séries parallèles ne coïncident pas). Les Français représentent 20 capitulants (dont 5 seulement résident en France), soit la moitié exactement. Ce chiffre est supérieur au poids des Français dans la Fraternité Saint-Pie X, où ils représentent un tiers des effectifs. En fait, la proportion est respectée dans les membres par office : les Français sont alors 11 sur 30 capitulants. Mais les anciens font basculer cette parité: les Français y sont 9 sur 10, témoignage qu'à ses tout débuts la Fraternité Saint-Pie X recrutait d'abord en France.
France et Europe
La domination des Européens, en revanche, est écrasante : ils représentent 32 capitulants. Ces Européens sont issus de six pays : Allemagne, Autriche, Espagne, France, Grande-Bretagne et Suisse. Les huit non Européens se détaillent ainsi: un Australien, un Africain du Sud, deux Argentins, deux Canadiens et deux États-uniens. Le monde slave, l'Asie, l'Afrique noire, le Maghreb n'ont donc, pour le moment, pas de représentants au Chapitre. L'Amérique latine est encore faiblement représentée, et même les États-Unis.
Préparation du Chapitre
Avant de se dérouler, le Chapitre est préparé. Tout d'abord, chaque membre de la Fraternité est invité à présenter ses suggestions. De son côté, le Supérieur général et son Conseil préparent les matières à soumettre au Chapitre, ainsi qu'un rapport sur la Fraternité Saint-Pie X au cours du mandat écoulé. Pendant ce temps, le Secrétaire général établit, selon les Statuts, la liste des capitulants, qui est définitivement fixée (sauf décès) six mois avant le Chapitre. Le même Secrétaire classe et rassemble en un seul document les suggestions arrivées à la Maison généralice. Puis le Secrétaire général expédie à chacun des capitulants la liste des membres du Chapitre et le document de synthèse des matières et des suggestions, pour étude personnelle et réflexion. Pen- dant ce temps, on offre dans toute la Fraternité Saint-Pie X des prières spéciales pour implorer les lumières du Saint- Esprit sur le futur Chapitre. A leur arrivée au Chapitre, pour se disposer à agir selon l'Esprit divin, les capitulants suivent une retraite spirituelle d'au moins trois jours.
Élection du Supérieur
Après ces préliminaires spirituels, ont lieu les prestations de serment prévus par le droit canonique, la vérification des titres des membres présents à participer au Chapitre, le rapport du Supérieur général sortant, et diverses réunions préparatoires. Puis vient l'élection du nouveau Supérieur général et de ses deux Assistants, à bulletins secrets. Le Supérieur général doit être élu avec au moins deux tiers des voix. Les deux assistants doivent être élus avec la majorité absolue. Tous trois doivent être prêtres, avoir au moins trente ans et être engagés définitivement dans la Fraternité Saint-Pie X.
Un autre, ou le même ?
Le Chapitre général réélira-t-il l'actuel Supérieur général, ou en choisira-t-il un autre ? Étudions brièvement les raisons en faveur de l'une ou l'autre option. Le premier argument pour un éventuel renouvellement du mandat actuel provient des Statuts eux-mêmes : Mgr Lefebvre a évoqué ce cas dans la première phrase qui traite du Supérieur général : « Le Supérieur général et ses deux Assistants sont élus par le Chapitre général pour douze ans. Ils sont rééligibles. » Mais on peut retourner cette même phrase des Statuts en faveur de l'élection d'un Supérieur nouveau, même si cet argument reste plutôt implicite. On peut raisonnablement estimer, en effet, que Mgr Lefebvre, en accordant au Supérieur général un mandat long, a voulu lui permettre de réaliser une politique suivie, avec l'idée qu'au terme du mandat, un autre le remplacerait et mènerait une politique éven- tuellement différente.
L'expérience
Le deuxième argument en faveur d'une réélection est celui de l'expérience. Un nouveau Supérieur aurait besoin d'une ou deux années pour se mettre au courant de toutes les affaires, tandis qu'après douze ans à la tête de l'ouvre, le Supérieur sortant serait immédiatement opérationnel et bénéficierait de tout son savoir-faire. A cet argument dont la valeur apparente est grande, il faut opposer celui d'une approche renouvelée des problèmes par un nouveau Supérieur, donc d'une capacité différente à les résoudre et à les affronter. Si l'argument de l'expérience était déterminant à lui seul, les responsables ne devraient jamais être changés : ce qui n'est ni raisonnable, ni conforme à la pratique usuelle de l'humanité. Le troisième argument en faveur d'une réélection est celui de l'habitude. Après douze ans, les qualités (et les défauts) du Supérieur sortant sont connues et tous savent dans quelle direction et de quelle manière il mènera l'ouvre. Tandis que confier la Fraternité à un autre, c'est faire un saut dans l'inconnu.
L'habitude, la notoriété
Un argument parallèle est celui de la notoriété. Le Supérieur sortant est bien connu, ce qui est un avantage pour représenter l'ouvre. Tandis qu'une « nouvelle tête » mettrait plusieurs années à se faire connaître, ce qui réduirait d'autant l'efficacité de son gouvernement durant ce délai. Ces deux arguments ne sont toutefois pas réellement déterminants. Certes, il est très humain de vouloir conserver ce que l'on connaît bien : « Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras. » Mais suivre universellement cette règle, sans tenir compte des circonstances, des personnes, du besoin de renouvellement de toute société humaine, c'est ouvrir la porte à la routine et à l'encroûtement. Comme on le voit, il n'existe aucun argument absolument probant dans un sens ou dans un autre. Et c'est bien ainsi que le veulent les Statuts. Ce sera aux capitulants, éclairés de la lumière du Saint-Esprit et faisant usage de leur raison, à choisir librement l'homme (un autre ou le même) qui gui- dera sagement la Fraternité Saint-Pie X durant les douze prochaines années.
Suite du Chapitre
Après cette élection, le Chapitre n'est pas achevé. Il se continue, au contraire, sous la présidence du nouveau Supérieur général. Le Chapitre étudie les diverses questions (celles de la Maison généralice, celles des membres de la Fraternité, celles soulevées au sein même du Chapitre) et vote, à la majorité absolue, des résolutions qui auront force de loi pour la Fraternité Saint-Pie X.

Abbé Michel Beaumont

[Abbé G. de Tanoüarn - Objections] Benoît XVI, accusé levez-vous !

SOURCE - Abbé G. de Tanoüarn - Objections - Juin 2006

Benoît XVI, accusé levez-vous !
Mgr Tissier de Mallerais, l’un des quatre évêques sacrés par Mgr Lefebvre en 1988, vient de donner une interview au site Internet The Remnant. Cette conversation “à bâtons rompus” avec le jeune Américain Stephen Heiner est révélatrice des positions fondamentales de “la droite de la Fraternité Saint-Pie X” actuellement dans la crise de l’Eglise. À la veille d’un chapitre général qui doit, entre autres choses procéder à l’élection pour 12 ans du successeur de Mgr Bernard Fellay à la tête de la société religieuse fondée voilà bientôt un demi-siècle par Mgr Lefebvre, ces réactions épiscopales me semblent particulièrement significatives. N’ayant reçu aucune forme de démenti, ni explicite ni même tacite, elles engagent d’une certaine façon l’ensemble de la Fraternité Saint-Pie X.
Ce qui me semble le plus important, au point de conditionner l’ensemble du propos de Mgr Tissier, réputé pour sa grande réserve personnelle, c’est, à la fin de l’entretien, la manière dont l’évêque se sépare explicitement de l’une des positions les plus fréquemment répétées par Mgr Lefebvre. Selon Mgr Tissier, il n’est pas possible de « lire le concile Vatican II à la lumière de la Tradition ». Dans ce texte dont on nous dit qu’il l’a soigneusement relu avant publication, l’auteur de la biographie officielle de Mgr Lefebvre, qui connaît mieux que personne sans doute le parcours de l’évêque de fer, n’hésite pas à déclarer que si, autrefois, la Fraternité pouvait tenter de « lire le concile Vatican II à la lumière de la Tradition », « cela n’est plus le cas aujourd’hui ». Il y a une évolution sur ce point de la position des traditionalistes, reconnaît l’évêque : « La seule lumière à laquelle on puisse lire le Concile est celle de la nouvelle philosophie ». Et Mgr Tissier de Mallerais de conclure par un conseil donné à l’Eglise : « Un jour l’Eglise devra effacer ce Concile, l’oublier. L’Eglise se montrera sage si elle oublie ce Concile ! » Il faut « en faire table rase (tabula rasa) ».
L’insistance de l’évêque est patente. Elle contient évidemment comme un message. Quel est-il ?
Tabula rasa
C’est au pape Benoît XVI que s’adresse Mgr Tissier, en lui offrant une sorte d’avertissement : ne croyez pas, déclare l’évêque, que, concernant le Concile, nous nous contenterons d’une interprétation renouvelée et conforme à la Tradition. Ce que nous voulons avec Vatican II, c’est en faire table rase. Et pour être sûr de se faire bien comprendre, l’évêque répète la même formule en latin : tabula rasa !
Manière implicite de prévenir Rome, en avertissant que les enchères montent. La Fraternité ne se contentera pas du travail que fait Benoît XVI, critiquant publiquement « un certain esprit du Concile » et tentant de remettre Vatican II dans la continuité des grands conciles œcuméniques. Le discours du 22 décembre à la Curie romaine, au cours duquel Benoît XVI avait formulé cette nouvelle approche de Vatican II, est mentionné par Mgr Tissier. Mais il est compris par lui, de manière volontairement déformée, comme un appel à interpréter non pas seulement ce concile pastoral mais « tous les dogmes de l’Eglise » (dixit Mgr Tissier). Que le pape ait pu appeler à « interpréter tous les dogmes de l’Eglise », je dois y insister pour ceux parmi nos lecteurs qui ne sont pas familiers de la moderne “science de l’interprétation” (herméneutique), cela signifierait qu’il demande aux fidèles de ne plus prendre au pied de la lettre la Trinité (un seul Dieu en trois personnes), l’incarnation (le mystère de Dieu fait homme) ou la Rédemption (le mystère du Fils de Dieu mort sur la Croix pour nous offrir le salut). Si on passe les dogmes à la moulinette de l’interprétation, cela signifie qu’on accepte le tamis de la subjectivité moderne, qui en prend et en laisse, à sa guise. Étant personnellement très réticent sur le sédévacantisme, je crois que si l’on me montrait un texte où le pape aurait proféré une telle énormité, j’aurais bien du mal à lui reconnaître (en acte) le charisme souverain de l’autorité du Christ, dont Pierre fut revêtu.
 
Mgr Tissier avance cela benoîtement et sans s’émouvoir, mais sans éprouver non plus le besoin d’étayer son dire d’une quelconque manière.
 
C’est le deuxième aspect étonnant de son texte : lui qui paraît si mesuré d’habitude, il s’attaque à la personne du pape de manière à la fois tranchante et très légère.
 
Il est tranchant lorsqu’il affirme de Benoît XVI : en tant que théologien, l’abbé Ratzinger « a publié un ouvrage rempli d’hérésies ». « Il est bourré d’hérésies », ce livre (il s’agit de L’introduction au christianisme, traduit en français sous le titre : La foi chrétienne hier et aujourd’hui) ». Et il récidive : « Cet ouvrage nie la nécessité de la satisfaction » (c’est-à-dire l’idée que le Christ a satisfait à notre place pour les péchés du monde, qu’il les a expiés sur la croix). Et l’interviewer de lancer étourdiment : « On dirait du Luther ». Mgr Tissier ne se démonte pas pour si peu : « Non, c’est pire que Luther, bien pire ».
 
Voilà qui s’appelle trancher ! Mais Mgr Tissier est beaucoup moins efficace lorsqu’il s’agit de prouver ce qu’il avance à grand fracas : « Je peux le citer » déclare-t-il en parlant de celui qu’il vient de déclarer hérétique. Suit un extrait de la p. 232 de l’édition allemande, dans lequel on a du mal à découvrir la moindre hérésie : « Certains textes de dévotion semblent laisser entendre que la foi chrétienne en la Croix comprend Dieu comme un Dieu dont la justice inexorable exigeait un sacrifice humain, le sacrifice de son propre Fils ». En quoi est-il hérétique de mettre en cause cette « présentation extrêmement rudimentaire de la théologie de la satisfaction » pour reprendre encore les paroles du jeune théologien ? Je ne veux pas ici discuter du dogme de la satisfaction ; qu’il suffise au lecteur qui veut se faire une idée du débat de retrouver les paroles de l’Adoro te, poème liturgique de saint Thomas d’Aquin : pour le Docteur angélique, la justice de Dieu n’exigeait pas « un sacrifice humain » puisqu’une seule goutte du sang du Christ, versé pour l’humanité eût suffi à rétablir le droit de Dieu sur sa créature révoltée, en accomplissant toute justice. Va-t-on dire que saint Thomas d’Aquin, dans l’Adoro te, « a proféré une hérésie » et « qu’il ne s’est toujours pas rétracté » ? Ce serait absurde !
 
Si l’on continue à ausculter ce texte, on finit par ressentir un véritable malaise. Non seulement Mgr Tissier est tranchant et léger lorsqu’il s’agit d’attaquer le pape dans sa foi, mais il est lui-même très péremptoire dans certaines de ses affirmations, ce qui pose son discours aux limites de l’orthodoxie doctrinale. Je ne suis pas en train de le traiter d’hérétique ! Mais je constate que certaines affirmations doctrinalement téméraires sont de nature à fausser son propre jugement et que certaines expressions (en dehors même d’insultes du type de celle que nous avons citée plus haut : c’est bien pire que Luther) exigeraient d’être changées ou précisées.
Un véritable malaise
Premier exemple : Mgr nous explique que « la Fraternité n’est pas sédévacantiste ». Le pape est hérétique ? Qu’importe, il est pape : « En cas de doute, l’Eglise supplée au pouvoir exécutif ». Comme si le pouvoir du pape était – à l’instar de celui du président de la République française – un pouvoir exécutif ! Comme si l’Eglise avait jamais admis la distinction célèbre de Montesquieu, qui, en matière politique, reconnaît un pouvoir législatif, un pouvoir exécutif et un pouvoir judiciaire. Que cela corresponde à certaines tendances obscures du nouveau Code de Droit Canonique, soit. Mais que Mgr Tissier ait oublié l’enseignement de Cajétan sur le droit divin des papes et la doctrine catholique de la « plénitude de ses pouvoirs », cela est bien surprenant !
 
Autre exemple ! Avec assurance, Mgr Tissier commence l’interview par une mise au point sur la notion de communion ecclésiastique (qui n’est pas la communion sacramentelle, comme on sait, mais que l’on peut définir rapidement comme l’unité réalisée de l’Eglise catholique). « Le problème, déclare l’évêque, ce n’est pas la communion, qui correspond à l’idée stupide entretenue par les évêques depuis Vatican II. La communion n’est pas ce qui pose problème ; ce qui pose problème, c’est la profession de foi. La “communion” n’est rien. C’est l’invention du concile Vatican II. L’essentiel, c’est que les gens n’ont pas la foi catholique. La communion ne signifie rien à mes yeux. Ce n’est qu’un slogan de la nouvelle Eglise. La définition de la nouvelle Eglise est la communion, qui n’a jamais été une définition de l’Eglise catholique ».
Que l’on ne puisse ni ne doive définir l’Eglise exclusivement par la communion, cela est bien clair ! Une telle habitude, prise depuis le Concile, aboutit à privilégier l’orthodromie d’une praxis par rapport à l’orthodoxie. Mais que l’on infère de cette première affirmation claire que « La communion n’est rien. C’est l’invention du concile Vatican II », voilà qui me semble difficilement conciliable avec la théologie catholique. Ne serait-ce que du point de vue des faits, qui sont têtus comme chacun sait. Car l’unité de communion, dans l’enseignement de Cajétan (mort en 1534) par exemple, est distincte et de la profession de foi commune et de l’unité des fidèles “sub capite” (sous l’autorité de Pierre). Elle renvoie à cette charité surnaturelle qui unit entre eux tous les membres de l’Eglise. Il ne suffit pas d’avoir la même profession de foi pour être membres de la même Eglise, il faut encore que chaque membre « agisse comme une partie » de ce Tout surnaturel. L’“Agere ut pars” (le fait d’agir comme une partie dans un Tout) est le constitutif formel de notre appartenance à l’Eglise, dans la doctrine de Cajétan.
Sédévacantisme ?
Sans doute Mgr Tissier sait-il bien tout cela. Mais alors pourquoi son enseignement est-il si désinvolte dans sa forme ? On a l’impression qu’il veut donner une fausse image de la conception qu’il se fait de l’unité de l’Eglise, à force de radicalité anti-Vatican II.

Malaise ? Oui, j’ai dit malaise. D’autant plus que, plusieurs mois après sa diffusion, aucune autorité de la FSSPX n’est intervenue pour relativiser ce texte. Ce silence de Mgr Fellay et de son staff vaut-il approbation ? Il est à craindre que oui.
 
Oh ! Pas une approbation doctrinale, fondamentale. Mais il existe aujourd’hui au plus haut niveau dans la Fraternité un consensus pour repousser les accords avec Rome aux calendes grecques. Les complications pratiques auxquelles se heurteraient les supérieurs en cas d’accord suffisent à dissuader les responsables de tout accord, comme le montre bien la rhétorique immuable de Mgr Fellay (cf. notre numéro précédent). Il y a donc aujourd’hui une prime non-dite à tout ce qui rend cet accord impossible. Dans ce contexte qui est aussi celui d’un jeu de rôle à plusieurs personnages, l’un atténuant ou radicalisant l’autre, la critique féroce de Mgr Tissier, son injustice à l’égard de Benoît XVI et ses gros sabots théologiques étaient bien venus.
 
Cela représente-t-il un ralliement au sédévacantisme ? Assurément pas un sédévacantisme théorique, mais à une pratique qui, au nom de la profession de la foi, fait comme si le pape n’existait pas comme pape, mais seulement comme accusé et justiciable.

Echéances électorales
Le texte de Mgr Tissier de Mallerais dont nous proposons ici une analyse fondamentale comporte un volet électoral, qui a été abondamment commenté. Son Excellence rappelle que la FSSPX n’est pas faite pour être dirigée par un évêque : « Le plus normal est que ce poste de supérieur général aille à un simple prêtre ». On sait que, lors du Chapitre électoral précédent, il y a 12 ans, en 1995, les suffrages s’étaient portés sur Mgr Fellay en désespoir de cause, parce qu’aucun candidat ne parvenait à réunir la majorité requise des deux tiers. Cette année, la même difficulté risque de se présenter. De même qu’il y a douze ans, M. l’abbé Schmidberger avait “adoubé” Mgr Fellay, de même cette année, il semble impensable que le scrutin se fasse sans que d’une manière ou d’une autre la direction actuelle ne s’y retrouve. Dans les constitutions rédigées par Mgr Lefebvre, tout était très consciemment pensé pour empêcher les brusques changements d’orientation. La crise de l’Eglise avait fait réfléchir le fondateur sur les bienfaits du conservatisme…

Mgr Tissier de Mallerais est l'évêque qui m'a ordonné prêtre, le 24 septembre 1989, en la fête de Notre-Dame de la Merci pour le rachat des captifs. Ce sont des sentiments filiaux que je lui dois d'abord et je voudrais les exprimer ici très simplement. Ma critique au nom du magis amica veritas en est d'autant plus douloureuse. -- Abbé Guillaume de Tanoüarn

8 juin 2006

[Romano Libero - Golias] L’épiscopat s’ouvre officiellement aux intégristes

SOURCE - Romano Libero - Golias - 8 juin 2006

A Pentecôte, les deux pèlerinages de Chartres très "old style" se sont croisés sur la route de Chartres. Celui des intégristes de la dissidence de Mgr Lefebvre et celui des ralliés à Rome. La grand messe pontificale selon le rite de Saint Pie V y fut célébrée par Mgr Philippe Breton, évêque d’Aire et Dax, de tendance nettement conservatrice et très engagé dans le dialogue avec les traditionalistes. Une évolution très nette se dessine chez les évêques français, amorcée jadis en solitaire par quelques individualités comme Mgr Georges Lagrange, évêque de Gap, ou Mgr Paul-Marie Guillaume, évêque de Saint-Dié et très lié à l’Abbaye du Barroux. Le président du pélerinage de Chartres, Hubert de Gestas, émet cependant de prudentes réserves car ce tournant de l’épiscopat français se heurte encore à bien des résistances parmi les prélats. Il s’exprime en ces termes : "nous avons été sensibles à l’intérêt que les évêques manifestent à notre égard. Mais nous les sentons encore très prudents et surtout réticents par rapport à ce que Rome propose". Le même Hubert de Gestas espère que l’année prochaine connaître la libéralisation totale du rite tridentin et même le retour des lefebvristes, ou d’une part d’entre eux, dans le giron de l’Eglise.

A Rome, des prélats émettent des réticences au sujet d’un tel rabibochage, en particulier les cardinaux Mario Pompedda (préfet émérite de la Signature Apostolique), Walter Kasper (président du conseil pour l’unité), Giovanni Battista Re (préfet de la congrégation des évêques) et même, dans une moindre mesure, William Levada (préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi). Par contre d’autres cardinaux comme Dario Castrillon Hoyos, le président de la Commission "Ecclesia Dei" ou le nigérian Francis Arinze se montrent très enthousiastes à l’idée d’une réconciliation avec les anciens épigones de l’archevêque Lefebvre.

L’épiscopat français est divisé entre des prélats accueillants et d’autres plus réservés. Parmi les prélats les plus sympathisants, on doit citer outre Mgr Breton, évoqué plus haut, Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon. Ce dernier a en effet bien voulu créer à Toulon même la première paroisse de rite tridentin confié au Révérend Père Fabrice Loiseau. Est ainsi remise sur le tapis l’idée pourtant clairement écartée naguère de l’instauration d’un ordinariat de rite tridentin, un peu comme il y a des ordinariats de rites orientaux. Cela reviendrait à accorder une complète autonomie aux courants traditionalistes.

En tout cas, les épiscopes multiplient les signes de bienveillance du côté de ceux qui sont attachés à la messe ancienne. Le Cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon et primat des Gaules, a ouvert en sa cité épiscopale un séminaire de type intégriste. Il a préfacé récemment un "paroissien" (sorte de super missel) à l’ancienne ainsi remis en usage. Il s’agit d’un encouragement clair donné à tous ceux qui s’obstinent à célébrer les sacrements comme jadis. Et qui en font un drapeau, comme le déplorait déjà Paul VI autrefois.

Une commission épiscopale a en tout cas été créée en vue d’étudier le processus éventuel de rapprochement avec les intégristes par les soins du Cardinal Jean-Pierre Ricard, président de la Conférence épiscopale. Mgr Ricard, archevêque de Bordeaux, se range parmi les partisans prudents de l’accueil : il a célébré des ordinations au Barroux mais se dit très opposé à la création d’un ordinariat propre. Cette commission est composée de trois évêques : un grand ancien, le cardinal Bernard Panafieu, archevêque émérite de Marseille, un modéré, sincèrement conciliaire mais assez favorable à une reprise du dialogue avec les intégristes ; un évêque plus en phase avec les amateurs de l’ancien style ecclésial, Mgr Alain Planet de Carcassonne, Mgr Nicolas-Marie Aubertin, archevêque de Tours et qui, jadis, comme évêque de Chartres, se montrait plutôt complaisant à l’égard des traditionalistes. Les résultats des travaux de cette Commission sont à attendre pour la prochaine assemblée des évêques en novembre. Le mot d’ordre qui devrait en émaner sera très probablement "oui, mais...". En passant, il faut se souvenir que plusieurs évêques conservateuirs ne sont pas pour autant tendres avec ceux qui sont plus à droite qu’eux. A l’inverse, des prélats plutôt libéraux, comme jadis Mgr Louis Boffet à Montpellier ou aujourd’hui Mgr Gérard Defois à Lille peuvent se montrer plus complaisants.

Les courants français traditionalistes doivent cependant compter avec les très fortes réticences des anciennes générations du clergé. Ces dernières verraient en toute reconnaissance des traditionalistes un désaveu de leurs espoirs et souvent de leurs combats. Un nombre non négligeable d’évêques se sent pris entre le marteau et l’enclume. Ils souhaitent sincèrement dialoguer avec leurs ouailles tradis mais se refusent à donner l’impression de renier les acquis du Concile. C’est le caas par exemple du Cardinal Ricard. D’autres évêques, ne dissimulent par leur véritable inquiétude quant à une reconnaissance peut-être inconséquente et sont conscients des enjeux théologiques incontournables, irréductibles à une question de sensibilité liturgique. On peut évoquer là Mgr Joseph Doré, archevêque de Strasbourg, Mgr Albert Rouet, archevêque de Poitiers ou Mgr Gérard Daucourt évêque de Nanterre.

La partie n’est donc pas totalement gagnée pour les tradis. Ils devront sans doute faire davantage page blanche. En même temps, un argument de poids pèse en leur faveur dans l’esprit des évêques et de Rome : le nombre de jeunes prêtres et de jeunes séminaristes en formation. Certes, dans l’absolu, il ne saurait être le seul. Par contre, dans le contexte d’une Europe occidentale où les séminaires se vident de plus en plus et où raisonnablement il n’est pas réaliste d’espérer une reprise des vocations "conciliaires", certaines arrière-pensées (faisons des séminaires tradis)peuvent apparaître facilement, à Lyon, et ailleurs.

Plusieurs évêques ne cachent pas une connivence réelle d’analyse avec les traditionalistes. C’est le cas par exemple de Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus et Toulon, déjà évoqué. C’est le cas également de Mgr Jean-Pierre Cattenoz, le fougueux archevêque d’Avignon, très violent dans son combat doctrinal, notamment sur les questions morales. On citera enfin Mgr Raymond Centène, évêque de Vannes, un prélat encore jeune, collaborateur de la revue "Képhas" clairement de sensibilité traditionnelle.

5 juin 2006

Les «tradis» se croisent sur la route de Chartres
05 juin 2006 - Le Figaro - Sophie de Ravinel
Les lefebvristes marchent vers Paris tandis que les traditionalistes assisteront cet après-midi à Chartres à une messe célébrée en latin, selon le rite tridentin.
Un petit scout d'une douzaine d'années, sourire aux lèvres et chapelet en main, traîne ses rangers sur la route, un sac militaire plus grand que lui sur le dos. Des abbés en soutane conversent avec quelques jeunes, et le service de sécurité tente de canaliser la foule des pèlerins qui se dirigent vers le campement du premier soir. Une odeur de soupe se répand. Avec près de 30 kilomètres dans les jambes, la fatigue se lit sur le visage des derniers arrivants.
Ce sont les pèlerins de «Notre-Dame de Chrétienté», fidèles à Rome, en route vers Chartres. Ils y sont attendus aujourd'hui pour une messe qui sera célébrée en milieu d'après-midi par Mgr Philippe Breton. Évêque du diocèse d'Aire-et-Dax, il est aussi en mission officielle depuis 2003 au sein du Grec, un «groupe de réflexion entre catholiques» qui facilite le dialogue entre les minorités traditionalistes et «le commun» de l'église. Mgr Breton a profité de son voyage vers Chartres pour réviser ce rite latin qu'il n'avait célébré que «quelques semaines, il y a quarante ans». «Je compte bien, dit-il, encourager les fidèles à la mission mais aussi les inviter à aimer l'Église telle qu'elle est et non telle qu'ils la rêvent.» Hier, il s'est joint aux 6 500 pèlerins pour une veillée d'adoration eucharistique. «Le seul véritable rite»
Parmi eux, Thierry et Nathalie – 5 enfants, de 7 ans à 8 mois – espèrent que leurs pairs puissent être prochainement «considérés comme de véritables catholiques au sein de leurs diocèses». «C'est vrai qu'à Lille, nous n'avons aucun problème, nous sommes plutôt gâtés. Mais ailleurs, ce n'est pas toujours le cas.» Chez les «tradis», on aime bien se raconter l'histoire de la cousine du frère des amis des parents qui n'a pu obtenir un mariage, un baptême ou des funérailles selon «le seul véritable rite auquel un chrétien digne de ce nom puisse se fier» : le rite tridentin.
Le président du pèlerinage, Hubert de Gestas, commence d'ailleurs déjà à se demander si les évêques appliqueront les directives de libéralisation de la messe tridentine qui pourraient venir de la Congrégation pour le culte divin. «Nous avons été sensibles, dit-il, à l'intérêt que les évêques manifestent à notre égard. Mais nous les sentons encore très prudents, et surtout réticents, par rapport à ce que Rome propose.» Le président espère tout de même que, l'an prochain, les festivités des 25 ans du pèlerinage «seront éclipsées par la joie de ce que Rome aura rendu possible : la libéralisation de l'usage du rite tridentin ou, pourquoi pas, le retour des lefebvristes dans le giron de l'Église».
A quelques kilomètres de là, chez ces lefebvristes justement, on reste prudent. Supérieur de la Fraternité Saint Pie X, Mgr Bernard Fellay est venu célébrer la messe hier pour les quelque 3 500 pèlerins – dont plus de 1 000 enfants – qui marchent vers Paris et la basilique du Sacré-Coeur. «Mon impression, explique-t-il, est que l'élan de réconciliation voulu par le Pape a été freiné, au Vatican ou ailleurs.» Mais il reconnaît aussi que, de toute manière, «rien ne viendra sans doute avant [leur] chapitre général». Les responsables de la Fraternité renouvelleront son mandat à cette occasion ou éliront un successeur. Rome attend de connaître son interlocuteur. Dans son homélie, Mgr Fellay accusait hier l'Église de se «suicider» par son «renoncement à être missionnaire». Mais dans l'assemblée, Hervé – 9 enfants et bientôt 10 – évoquait pour sa part un «espoir fabuleux de réconciliation». «Tout le monde, soutient-il, souhaite ardemment que les malentendus soient effacés.»
Ces évêques qui tendent la main aux traditionalistes
05 juin 2006 - Le Figaro - Sophie de Ravinel
Outre Mgr Philippe Breton, «missionné» par le président de la conférence des évêques de France, le cardinal Jean-Pierre Ricard, un certain nombre d'évêques oeuvrent à la reprise d'un dialogue avec les fidèles attachés au rite tridentin. L'archevêque de Bordeaux a d'ailleurs constitué une commission chargée d'étudier les modalités d'un rapprochement dans le cadre d'une éventuelle libéralisation de ce rite.
Celle-ci est composée du cardinal Bernard Panafieu, ancien archevêque de Marseille, de Mgr Alain Planet, évêque de Carcassonne, et de Mgr Bernard-Nicolas Aubertin, archevêque de Tours.
Les résultats des travaux sont attendus pour la prochaine réunion plénière des évêques à Lourdes, en novembre prochain. Signe d'ouverture : le cardinal Panafieu ordonnera un prêtre et un diacre selon le rite tridentin, le 22 juillet prochain à l'abbaye bénédictine du Barroux, dans le Vaucluse. A Lyon, le cardinal Philippe Barbarin a aussi célébré la messe selon le rite préconciliaire pour des confirmations, le 28 mai dernier dans l'église Saint-Georges. Mgr Dominique Rey a fait de même à Toulon, le 13 mai, dans la première paroisse de France qui rassemble ses fidèles en fonction de leur fidélité à ce rite tridentin et non de leur localisation géographique. Les traditionalistes savent en outre pouvoir compter sur la confiance d'autres évêques comme Mgr Raymond Centène, à Vannes.

4 juin 2006

Lettre aux amis et bienfaiteurs n° 69
4 juin 2006 - Mgr Bernard Fellay
Chers amis et bienfaiteurs,
« En célébrant la messe ancienne, j’ai découvert ce qu’est le prêtre. »
Plusieurs fois ces derniers temps, nous avons reçu ce témoignage émouvant de la part de prêtres qui se rapprochent de nous.
Autour de cette phrase se trouve résumée une grande partie du profond mystère qui frappe l’Église :
1) L’Église est en crise depuis le Concile Vatican II parce que le sacerdoce y a été mis à mal. C’est l’un des éléments fondamentaux de cette crise.
2) L’un des points les plus décisifs pour la restauration de l’Église est et sera le sacerdoce. Monseigneur Lefebvre est parmi les hommes d’Église du XXe siècle celui qui l’a probablement le plus clairement compris.
3) En fondant la Fraternité Saint Pie X, il ne cherche rien d’autre que de restaurer le sacerdoce pour restaurer l’Église tout entière.
4) Et pour ce faire, rétablir ce lien intime, d’une profondeur insoupçonnable, entre le prêtre et la messe.
Que le prêtre soit le grand oublié du concile Vatican II, des Pères du concile l’ont avoué candidement.
Et dans la constitution sur l’Église, Lumen gentium, alors que l’on consacre des chapitres entiers aux évêques et surtout aux laïcs, une des grandes “inventions” de Vatican II, on ne trouvera pour le prêtre que quelques paragraphes, et chaque fois en le subordonnant soit à l’évêque soit au sacerdoce universel des baptisés.
Dès 1971, la commission internationale de théologie pourra dire :
« Vatican II a modifié cette image sacerdotale sous deux aspects. Le Concile a traité du Sacerdoce commun de tous les fidèles avant de traiter du sacerdoce ministériel… Il a de plus mis en évidence la place de l’évêque, centre de l’Église particulière et membre du collège universel des évêques. La place des prêtres dans l’Église en est devenue floue. (1) ».
Ce flou, provenant de cette dépréciation et d’une nouvelle perspective du sacerdoce a entraîné la perte d’identité du prêtre, dont parlera Jean-Paul II dans l’exhortation post-synodale de 1992, Pastores dabo vobis, en disant qu’elle provient d’une interprétation erronée du concile.
Perte d’identité, une place floue dans l’Église… et pourtant le décret Presbyterorum ordinis donne la définition du sacerdoce du Concile de Trente ! Mais le contexte est tel que c’est une autre idée, celle du prêtre prédicateur, comme le voulait Luther, que l’on met en avant, et non pas celui qui offre le Sacrifice. Ce qui fera dire au père Olivier, reconnu comme un spécialiste de la question, au sujet du malaise autour du Sacerdoce après le Concile :
« Le vrai problème est tellement inhabituel au catholicisme que l’on comprend aisément cet aveuglement instinctif qui permet de l’éluder : la volonté de fidélité à deux Conciles qui divergent aussi nettement l’un de l’autre est tout simplement impossible. (2) »
A cette nouvelle présentation du sacerdoce correspond parfaitement la nouvelle messe, de saveur et d’intention encore plus protestantes…
Ces éléments conjugués : définition du prêtre et nouvelle messe, ont suffi pour provoquer la plus grave des crises touchant le sacerdoce de toute l’histoire de l’Eglise.
Disons-le tout simplement : le sacerdoce a été habilement dénaturé. Le “président” (præesse), le “prédicateur” (prædicare) sont bien des rôles sacerdotaux, mais ils ne sont pas l’essentiel : le “sacrificare”.
Et tant que le prêtre n’a pas compris que sa raison d’être, c’est le sacrifice, que son ordination l’ordonne au sacrifice, et le sacrifice de Notre Seigneur sur la croix, le prêtre ne saura pas vraiment ce qu’il est, qui il est. Le prêtre sans messe, sans sacrifice, c’est un œil sans vision, une oreille qui n’entend pas, des pieds qui ne marchent pas.
Jamais l’ennemi de l’Église n’aura réussi à la frapper si bien au cœur. Car le cœur de l’Église, ce qui communique la vie surnaturelle à tout le Corps Mystique, ce qui diffuse la vie dans tout l’organisme, c’est le saint sacrifice de la Messe. A la messe protestantisée au nom de l’œcuménisme, selon les paroles mêmes de Bugnini, il fallait un sacerdoce correspondant…
Les prêtres que nous citions au début de cette lettre ont compris cela comme dans un éclair fulgurant au contact de la messe traditionnelle. Et alors, me disent-ils, ils sont à la fois frustrés et heureux. Frustrés, car “on” leur a caché ce trésor, on les en a privés. Heureux, submergés de bonheur en comprenant la grandeur extraordinaire de leur vocation, la réalité saisissante de la participation au sacerdoce de Notre Seigneur Jésus-Christ “in persona Christi”. Le prêtre est associé, plongé même, dans l’acte sacrificateur de Notre Seigneur, Souverain Prêtre, et il participe ainsi de tout son être, qu’il livre à Jésus, prêtre et hostie, pour le salut des âmes, pour l’acte rédempteur. Tout cela a été escamoté dans la nouvelle messe.
Pauvres prêtres qui ne savent pas ce qu’ils sont !
Bien chers fidèles, nous ne doutons pas que vous vous réjouissiez avec nous lorsque des prêtres découvrent ce qu’ils sont. Ce sont de bien belles victoires sur la crise de l’Église, des fortins, châteaux-forts reconquis pour l’Église militante et qui s’ajoutent aux nouveaux prêtres que nous donne chaque année la divine Providence. Cette année, ils seront 17, 10 en ce mois de juin, 7 en décembre. Dans de tels événements, l’une des fins de notre Fraternité s’accomplit de manière tangible, elle dont le but est le sacerdoce et tout ce qui s’y rapporte.
Cela doit être le souci constant des supérieurs que de maintenir toujours vive parmi les membres la volonté d’accomplir et d’atteindre cette fin. Comme dans toute société, de temps en temps, il faut s’asseoir et examiner le chemin parcouru, vérifier si et comment la fin de la société est poursuivie, observer l’état des membres. Ce travail se fait en particulier au cours du “Chapitre”, une assemblée qui pour nous, Fraternité Saint Pie X, se réunit tous les 12 ans. C’est aussi à cette occasion que les capitulants, au nombre de quarante, élisent le Supérieur général, qui conduira la Fraternité, assisté de son Conseil, pendant les 12 prochaines années.
Nous n’avons pas besoin d’insister sur l’importance d’un tel événement pour notre Fraternité.
C’est ainsi que nos règles nous ordonnent de précéder pendant 6 mois le Chapitre par des prières pour obtenir de la miséricorde divine sa grâce, sa lumière et le soutien du Saint-Esprit.
Nous vous invitons à vous joindre à nos prières et sacrifices par une neuvaine, et si vous le pouvez un jour de jeûne.
Cette neuvaine commencera le 2 juillet. Elle consiste en la prière du Veni Creator, trois invocations au Cœur Immaculé de Marie et une à saint Pie X. Quant au jour de jeûne, il est fixé au vendredi 7 juillet.
Soyez vivement remerciés pour votre si touchante et fidèle générosité, sans laquelle la Fraternité n’aurait pas les moyens de se développer et de croître, croissance qui tient du miracle… Nous comptons sur votre prière et demandons à Notre Dame de vous obtenir par son intercession toutes les grâces et le soutien spirituel dont vous avez besoin.
Que Dieu vous bénisse abondamment !

En la fête de la Pentecôte, Le 4 juin 2006
+ Bernard Fellay



Notes
(1) Le ministère sacerdotal, Cerf, Paris, 1971.
(2) Daniel Olivier, Les deux visages du prêtre, Fayard, Paris 1971, p. 106.