15 juin 2003

[Abbé G. de Tanoüarn, fsspx - Nouvelle Revue Certitudes] Le Père Gollnisch et sa quête

SOURCE - Abbé G. de Tanoüarn, fsspx - Nouvelle Revue Certitudes - n°14 - avril-mai-juin 2003

Pour en terminer avec ce panorama trop rapide de la doctrine officielle de l'Eglise sur la laïcité ouverte, je voudrais raconter ici une histoire qui n'arrive peut-être que dans le diocèse de Paris, parce qu'il est bien géré. Elle montre bien comment l'Eglise qui est en France envisage sa mission -aux ordres de la République dont elle revendiquerait simplement d'être une dame d’œuvres efficace.
Comme tous les habitants du quartier, j'ai reçu à mon nom, au bureau de Certitudes dans le Quinzième arrondissement, un appel à verser le denier de l'Eglise. Il est signé du curé de la paroisse sur laquelle j'ai un bureau, le Père Pascal Gollnisch, qui se trouve être le propre frère d'un certain Bruno, dont on a beaucoup entendu parler ces derniers temps. C'est donc plein de curiosité que, comme chaque année, je me suis précipité sur son laïus, en essayant de voir comment le Père Gollnisch incite ses paroissiens à l'obole.

Autant le dire tout de suite : l'année 2003 est un bon crû pour une anthologie de la religion conciliaire. Tout en dénonçant formellement ce genre d'argumentation, je n'ai donc pas été déçu...

Le Père Gollnisch a opté pour une cible large. On le comprend : il n'est pas nécessaire d'être un fidèle patenté pour donner à la quête : « au-delà des catholiques, beaucoup d'hommes et de femmes de bonne volonté s'intéressent à la vie de l'Eglise ». Comment explique-t-il cette merveilleuse fascination ? la raison qu'il donne peut surprendre : « les chrétiens s'efforcent d'être au service de la paix, du respect de chacun et du bien commun. » Si l'on suit le Père Gollnisch, aider l'Eglise catholique matériellement, c'est contribuer à ce que des gens se mobilisent pour vivre de ces valeurs laïques que sont la paix, le respect de l'autre et le bien commun. L'Eglise ferait ici figure d'ONG, oui d'Organisation Non Gouvernementale, spécialisée dans la promotion de l'harmonie sociale. Le Père répète d'ailleurs une deuxième fois sous une autre forme ce mirifique programme, peut-être à l'attention de ceux qui n'auraient pas compris : « Au sein de notre société, participant aux grands débats contemporains, les chrétiens s'efforcent de témoigner des valeurs qui permettent de mener une existence humaine. » Quelle joie d'alimenter ainsi le débat démocratique, en contribuant à l'élaboration d'une justice vraiment dialogale au service de tous les hommes sans distinction. Cette participation de l'Eglise au vivre ensemble de la communauté nationale est facile en réalité car « les valeurs qui permettent de mener une existence humaine » sont intitulées « valeurs chrétiennes » : elles sont ensuite carrément assimilées aux « valeurs de l'Evangile ». Le texte marque une sorte d'équivalence entre « les valeurs qui permettent de mener une existence humaine », les « valeurs chrétiennes » et les « valeurs de l'Evangile ». Pour quiconque lit rapidement et exactement la prose gollnischienne, l'équation est claire : l'Evangile nous apprend d'abord à bien faire l'homme comme aurait dit Aristote.

Quel aplatissement du message du Christ ! On peut évidemment souligner, à la décharge du Père Gollnisch, qu'il est difficile de s'adresser à tout le monde. On peut noter qu'il n'est pas aisé de demander de l'argent à des personnes qui, a priori, ne sont pas catholiques. Mais enfin il n'empêche, il me semble qu'il faut complètement revoir la stratégie marketing de la paroisse Saint-Jean-Baptiste de Grenelle. Réfléchissons : lorsqu'un homme adulte et vacciné au XXIème siècle fait un don, il lui importe que l'oeuvre pour laquelle il distrait quelque chose de ses ressources ordinaires apparaisse comme particulièrement performante, ou importante, qu'elle ait quelque chose d'irremplaçable.

Si, pour définir les chrétiens, on se contente de dire : ce sont des gens qui ont la médaille d'or du débat démocratique, il est clair qu'on n'est pas forcément très attractif. D'autant qu'entre Hollande et Raffarin, le débat démocratique est actuellement au plus bas.

Qu'est-ce donc qu'être chrétien ? S'agit-il seulement de rendre un témoignage de bonne conduite humaine ? Les apôtres saint Pierre et saint Paul insistent effectivement sur le "bon renom" des fidèles : il ne faut pas qu'on puisse se moquer de l'Eglise du Christ à cause des fantaisies de tel ou tel. Mais jamais les apôtres n'auraient osé dire que l'identité chrétienne consiste à « témoigner des valeurs qui permettent de rendre une existence humaine ». Cette théorie de la plus grande humanisation de l'homme se trouve dans Vatican II. Pas dans l'Evangile.


« Laissez parler votre âme »


Mais de quoi aurait pu parler le père Gollnisch, direz-vous ? Une publicité récente pour un véhicule tout terrain de marque Jeep paraît en ce moment ici ou là avec le slogan « Laissez parler votre âme ». C’est de l'âme qu'il faut parler, c'est l'âme qu'il faut laisser parler. Les grandes questions de notre destinée restent aussi cruciales aujourd'hui qu'hier. Ce n'est pas parce qu'au dernier moment trop souvent le médecin vole aux gens leur mort en fournissant toute la morphine nécessaire que l'âme, la résurrection, la vie éternelle ne représentent pas des enjeux considérables que chacun, croyant ou non, est capable de comprendre. « Il importe à toute vie de savoir si l'âme est mortelle ou immortelle » déclare Pascal. Pourquoi les hommes d'aujourd'hui ne pourraient-ils plus entendre ce langage ?

On finit par prendre l'habitude de cette rhétorique humanitaire, au point de ne plus nous rendre compte à quel point elle est déplacée et combien elle trahit un profond déficit d'identité de la part des dignitaires de l'Eglise catholique qui l'emploient soir et matin.

Déficit d'identité ? C’est bien cela. A la fin de son courrier, le Père Gollnisch, comme n'en pouvant plus, finit par une sorte d'appel désespéré : « Nous aimerions que vous partagiez notre réflexion. Que pensez-vous de l'Eglise catholique ? Que devrait faire la paroisse ? N'hésitez pas à nous le faire savoir ».On comprend ce genre de SOS dans la bouche de Marie Georges Buffet succédant à Robert Hue à la tête du bateau ivre et se demandant à quoi peut bien servir le Parti Communiste Français au XXIème siècle. Cela fait mal dans la bouche d'un curé de paroisse, qui a l'éternité pour lui...

11 juin 2003

[Abbé Méramo, fsspx] Lettre à l'abbé Aulagnier

Abbé Aulagnier - 11 juin 2003

Bogotá, le 11 juin 2003 Cher Monsieur l'abbé Aulagnier,
 
Comme jusqu'à présent personne n'a répondu (que je sache) à votre déclaration du 10 mai 2003, je me sens dans l'obligation morale de vous manifester ouverte et clairement votre erreur, je dirais même votre déraillement.
 
Vous parlez avec enthousiasme du retour au pluralisme liturgique, dont l'encyclique du Pape sera l'origine. Vous vous réjouissez du pluralisme comme réalité ecclésiale à laquelle il faut accoutumer les esprits. Vous signalez comme une victoire que le Pape a parlé (causa finita est), même si les évêques de France auront du mal à accepter cela.
 
Tout cela est faux, absolument faux. C'est une véritable claudication, et vous montrez, en plus, à la Rome prostituée par le modernisme, le chemin pour nous contaminer de son apostasie.
 
C'est honteux parler du pluralisme liturgique, lequel est abominable à Dieu. L'idéal pour vous serait d'avoir un autel traditionnel dans le panthéon des faux religions. Il ne faut pas confondre pluralité de rites dans l'Église avec pluralité liturgique, pluralité de culte, lequel est une abomination comme l'est la pluralité religieuse. Car il y a un seul Dieu, une seule vérité, une seule Église, un seul baptême, un seul culte.
 
Votre retour au pluralisme liturgique est une apostasie, une claudication du combat de la Tradition, c'est une trahison. C'est indigne qu'un des plus anciens disciples de Mons. Lefebvre envisage une chose pareille avec la prétention de nous y pousser.
 
Vous parlez aussi de catholicisation de la nouvelle Messe: c'est une autre erreur qui montre l'aveuglement de celui qui le dit. On ne peut pas catholiciser une messe bâtarde, une messe mauvaise, comme Mgr Lefebvre la nomme. Ce serait vouloir catholiciser l'erreur; et l'erreur, il faut le corriger, pas le baptiser.
 
La nouvelle messe a été appelée messe bâtarde par Mgr Lefebvre parce qu'elle est née de la copulation illégitime et adultère entre le catholicisme et la protestantisme. Une chose pareille ne peut pas se catholiciser, cela est, une fois encore, une claudication, une apostasie.
 
Cher ami, retournez à la vérité. Il faut que vous arrêtiez de mettre de la pagaille parmi nous. Vous faites pire que l'ennemi moderniste et libéral, pire que les infiltrés, vous devenez la pomme pourrie qui va contaminer tout le sac.
 
Excusez-moi de vous parler ainsi, mais il faut dire la vérité avant tout, car c'est la vérité qui nous sauve et qui nous fait libres. C'est par cela que Notre Seigneur nous a dit: "veritas liberabit vos" (Jn. 8,32).
 
Réfléchissez au pied de la Croix et que la grâce de Dieu vous illumine.
 
En union de prières,
Mr. l'abbé Basilio Méramo