30 mai 1975

[Mgr Lefebvre, fsspx] Déclaration après la suppression de la Fraternité Saint-Pie-X

SOURCE - Mgr Lefebvre, fsspx - 30 mai 1975

Il convient de rappeler qu'avant cette procédure et depuis la fondation de la Fraternité et de son séminaire et surtout son succès auprès des jeunes et sa réputation mondiale, des campagnes de presse étaient déclenchées, contenant des calomnies odieuses comme celle de « Séminaire sauvage », retenue par l'Episcopat français suivi de l'Episcopat suisse, alors que l'évêque de Fribourg savait parfaitement qu'il n'en était rien.

Il était évident que des démarches étaient faites alors auprès de Rome pour notre suppression. Or, le 9 novembre, une lettre de la nonciature de Berne nous annonçait qu'une Commission désignée par le Pape et composée des trois cardinaux préfets des congrégations intéressées : Religieux, Education catholique, Clergé, nous envoyait deux visiteurs apostoliques : S. Exc. Mgr Descamps et Mgr Onclin.

Le lundi 11 novembre à 9 heures du matin les deux visiteurs se présentèrent. Durant trois jours ils interrogèrent dix professeurs, vingt élèves sur les 104 et moi-même. Ils sont partis le 13 novembre à 18 heures sans qu'aucun protocole de visite n'ait été signé. Nous n'avons jamais eu la moindre connaissance de la relation qu'ils ont faite.

Persuadé que cette visite était le premier pas accompli en vue de notre suppression, désirée depuis longtemps par tous les progressistes, et constatant que les visiteurs venaient avec le désir de nous aligner sur les changements opérés dans l'Eglise depuis le Concile je décidai de préciser ma pensée devant le Séminaire.

Je ne pouvais adhérer à cette Rome que représentaient des visiteurs apostoliques qui se permettaient de trouver normale et fatale l'ordination de gens mariés, qui n'admettent pas une vérité immuable, qui émettent des doutes sur la manière traditionnelle de concevoir la Résurrection de Notre-Seigneur.

C'est là l'origine de ma déclaration, il est vrai, rédigée dans un sentiment d'indignation, sans doute excessive.

Deux mois et demi ont passé sans aucune nouvelle. Le 30 janvier 1975, j'étais invité par lettre signée par les membres de la Commission à venir à Rome « m'entretenir » avec eux « des points qui laissent quelque perplexité ».

Répondant à cette invitation, je me suis rendu le 13 février 1975 à la congrégation de l'Education catholique. Leurs Eminences lescardinaux Garrone, Wright et Tabera accompagnés d'un secrétaire m'ont invité à prendre place avec eux autour d'une table de conférence, S. Em. le cardinal Garrone m'a demandé si je ne voyais pas d'inconvénient à ce que la conversation soit enregistrée et le secrétaire a installé le magnétophone.

Après m'avoir dit la bonne impression recueillie par les visiteurs apostoliques, il n'a plus été question ni le 13 février, ni le 3 mars de la Fraternité et du séminaire. Il n'a été question que de ma déclaration du 21 novembre 1974 faite à la suite de la visite apostolique.

Avec véhémence, le cardinal Garrone m'a reproché cette déclaration, allant jusqu'à me traiter de « fou », me disant que « je me faisais Athanase » et cela pendant vingt-cinq minutes. Le cardinal Tabera renchérit, me disant que « ce que vous faites est pire que ce que font tous les progressistes », que « j'avais rompu la communion avec l'Eglise », etc.

Me trouvais-je devant des interlocuteurs ? ou plutôt des juges ? Quelle était la compétence de cette Commission ? On m'affirmait seulement qu'elle était mandatée par le Saint-Père et que c'est lui qui jugerait. Il était clair que tout était jugé.

J'ai essayé en vain de formuler des arguments, des explications qui indiquaient le sens exact de ma déclaration. J'affirmais que je respectais et respecterai toujours le Pape et les évêques, mais qu'il ne me paraissait pas évident que critiquer certains textes du Concile et les réformes qui s'en sont suivies équivalait à une rupture avec l'Eglise, que je m'efforçais de déterminer les causes profondes de la crise que subit l'Eglise et que toute mon action prouvait mon désir de construire l'Eglise et non de la détruire. Mais aucun argument n'était pris en considération. Le cardinal Garrone m'affirmait que la cause de la crise se situait dans les moyens de communication sociale.

A la fin de la séance du 13 février, comme à la fin de celle du 3 mars, j'ai eu l'impression d'avoir été trompé: on m'invitait pour un entretien et en fait j'avais à faire à un tribunal décidé à me condamner. Rien n'a été fait pour m'aider à un compromis ou à une solution amiable. Aucun écrit ne m'a été donné pour préciser les accusations, aucune monition écrite. Seul l'argument d'autorité accompagné de menaces et d'invectives m'a été présenté pendant cinq heures d'entretien.

A la suite de la deuxième séance, j'ai demandé la copie de l'enregistrement. Le cardinal Garrone m'a répondu qu'il était bien juste que j'aie une copie, que c'était mon droit et en fit part à son secrétaire. J'envoyais le soir même une personne munie des appareils nécessaires. Mais le secrétaire affirme qu'il ne s'agissait que d'une transcription. J'allais moi-même le lendemain demander cette copie. Le secrétaire se rendit alors chez le cardinal et revint me dire que c'était bien d'une transcription qu'il s'agissait. Elle m'était promise pour le lendemain soir. Pour m'assurer qu'elle était prête, je téléphonai le lendemain matin. Le secrétaire me dit alors qu'il n'était pas question de donner une transcription mais que je pouvais venir la voir de 17 h à 20 h. Devant de tels procédés, je me suis abstenu.

Ainsi donc, après ce simulacre de procès fait d'une visite soi-disant favorable avec de légères réserves et de deux entretiens qui n'ont porté que sur ma déclaration pour la condamner totalement sans réserve, sans nuances, sans examen concret et sans qu'il me soit remis le moindre écrit, je recevais coup sur coup une lettre de S. Exc. Mgr Mamie supprimant la Fraternité et le séminaire avec l'approbation de la Commission cardinalice, puis une lettre de la Commission confirmant la lettre de Mgr Mamie sans que soit formulée une accusation formelle et précise sur des propositions données. Et la décision, dit Mgr Mamie, est « immédiatement exécutive ».

Je devais donc immédiatement renvoyer du séminaire 104 séminaristes, 13 professeurs et le personnel, et cela deux mois avant la fin de l'année scolaire ! Il suffit d'écrire ces choses pour deviner ce que peuvent penser les personnes qui ont encore un peu de sens commun et d'honnêteté. Nous étions au 8 mai de l'année de la réconciliation !

Le Saint-Père a-t-il vraiment eu connaissance de ces choses ? Nous avons peine à le croire.

+Mgr Marcel Lefebvre

6 mai 1975

Lettre de Mgr Mamie à Mgr Lefebvre - 6 mai 1975
Mis en ligne par http://fsspx.org
ÉVÊCHÉ DE LAUSANNE
GENÈVE ET FRIBOURG

Monseigneur,

Mgr François Charrière, mon prédécesseur, avait signé, le 1er novembre 1970, le décret d’érection de la Fraternité Sacerdotale internationale Saint-Pie X, au titre de Pia Unio, avec siège à Fribourg, approuvant et confirmant les statuts de ladite Fraternité.

Après de longs mois de prières et de réflexions, après avoir tant souhaité maintenir entre nous une communion fraternelle, après vous avoir entendu et écrit plus d’une fois (pensez entre autres à notre dernière conversation, ouverte et loyale, où vous m’avez clairement dit que vous n’acceptiez pas certaines déclarations conciliaires ; je vous rappelais aussi alors votre refus en ce qui concerne la célébration de la sainte messe selon le rite établi par S.S. Paul VI ; je vous disais enfin que votre attitude et vos actes me posaient une grave question de conscience en ce qui regardait l’appui canonique de l’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg à votre institut), j’en arrive à la conclusion douloureuse, mais qui me paraît nécessaire aujourd’hui :

Je vous informe donc que je retire les actes et les concessions effectués par mon prédécesseur en ce qui regarde la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, particulièrement le décret d’érection du 1er novembre 1970.

Vous recevrez ces jours-ci ou vous avez déjà reçu une lettre du Saint-Siège, plus précisément de la Commission cardinalice ad hoc. C’est donc en plein accord avec le Saint-Siège, en particulier conformément à une réponse que j’ai reçue du cardinal Arturo Tabera, préfet de la S. Congrégation pour les Religieux et les Instituts séculiers, que je prends cette décision.

En date du 21 novembre 1974, vous avez publié et signé un texte qui commence par ces mots : « Nous adhérons de tout cœur, de toute notre âme à la Rome catholique... »

Cette déclaration a été pour moi la confirmation que je ne pouvais plus, en conscience, soutenir votre Fraternité.

Vous vous opposez si manifestement au IIe concile du Vatican et à la personne et aux actes du successeur de Pierre, Sa Sainteté le pape Paul VI, vous avez si souvent dit et écrit que vous aviez l’appui de l’évêque de Fribourg, que je ne puis plus admettre que l’autorité de l’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg demeure le fondement canonique de vos institutions. J’ai conscience aussi que cette décision met en cause tout ce qui est prévu dans les statuts de la Fraternité Saint-Pie X.

Cette décision est immédiatement effective et j’en informe, par le même courrier, les instances romaines compétentes (S. Congrégation pour les Religieux, S. Congrégation pour l’Éducation catholique et S. Congrégation pour le Clergé), ainsi que S. E. Mgr Ambrogio Marchioni, nonce apostolique en Suisse, et Mgr Nestor Adam, président de la Conférence des évêques suisses.

Quant à nous, nous continuons de demander aux fidèles comme aux prêtres catholiques d’accepter et d’appliquer toutes les orientations et décisions du IIe concile du Vatican, tous les enseignements de Jean XXIII et de Paul VI, toutes les directives des secrétariats institués par le Concile, y compris dans la liturgie nouvelle. Cela nous l’avons fait et nous le ferons encore, même aux jours les plus difficiles et avec la grâce de Dieu, parce que, pour nous, c’est là le seul chemin pour « édifier » l’Église.

C’est donc avec une grande tristesse, Monseigneur, que je vous assure de ma fidèle prière et de mes sentiments très fraternels, dans l’attachement au Christ-Jésus, à son Église et à celui qui a reçu le pouvoir divin de confirmer ses frères, le Souverain Pontife, successeur de Pierre.

+ Pierre Mamie,

évêque de Lausanne, Genève et Fribourg.
Lettre des Cardinaux Garrone et Wright - 6 mai 1975
Mis en ligne par http://fsspx.org
Sacra Congregazione
per l’Educazione Cattolica
Il cardinale prefetto

Prot. N. 70/72


Rome, le 6 mai 1975.


Excellence,

C’est au nom de la Commission cardinalice et par mandat exprès du Saint-Père que nous vous écrivons.

Nous vous restons très reconnaissants du climat fraternel dans lequel ont pu se dérouler nos récents entretiens, sans que les divergences de nos jugements aient jamais compromis entre nous une communion profonde et sereine. Mais cela ne fait que nous rendre plus douloureuse l’apparente irréductibilité de vos vues, avec les conséquences qui ne peuvent manquer d’en découler.

C’est autour de votre Déclaration publique, dans la revue Itinéraires, que notre échange s’est principalement engagé et poursuivi. Il ne pouvait en être autrement puisque nous trouvions là explicité tout ce que le Visiteur à Écône n’avait pu éclaircir et nous invitait à dégager dans une conversation avec vous.

Or une telle Déclaration nous apparaissait en tous points inacceptable. Il est impossible de concilier la plupart des affirmations contenues dans ce document avec une fidélité authentique à l’Église, à celui qui en a la charge et au Concile où la pensée et la volonté de l’Église se sont exprimées. Il est inadmissible que chacun soit invité à subordonner à son propre jugement les directives venant du pape pour s’y soumettre ou s’y dérober : c’est là proprement le langage traditionnel des sectes qui en appellent aux papes d’hier pour se soustraire à l’obéissance au pape d’aujourd’hui.

Tout le long de nos conversations notre vœu était de vous amener, Excellence, à reconnaître le bien-fondé de telles objections et à revenir sur vos propres affirmations. Cela, nous avez-vous dit, vous était impossible : « Si je devais modifier ce texte, disiez-vous, j’écrirais les mêmes choses. »

En ces conditions, la Commission ne pouvait que remettre au Saint-Père ses conclusions absolument unanimes et le dossier complet de cette affaire pour qu’il puisse juger lui-même. C’est avec l’entière approbation de Sa Sainteté que nous vous faisons part des décisions suivantes :

1) « Une lettre sera envoyée à Mgr Mamie, lui reconnaissant le droit de retirer l’approbation donnée par son prédécesseur à la Fraternité et à ses Statuts. » C’est chose faite par lettre de Son Éminence le cardinal Tabera, préfet de la S. Congrégation pour les Religieux.

2) Une fois supprimée la Fraternité, celle-ci « n’ayant plus d’appui juridique, ses fondations, et notamment le séminaire d’Écône, perdent du même coup le droit à l’existence ».

3) II est évident — nous sommes invités à le notifier clairement — « qu’aucun appui ne pourra être donné à Mgr Lefebvre tant que les idées contenues dans le Manifeste du 21 novembre 1974 resteront la loi de son action ».

Nous ne vous communiquons pas ces décisions, Excellence, sans une profonde tristesse. Nous savons avec quelle généreuse persévérance vous avez travaillé, le bien qui s’est accompli ainsi. Nous devinons dans quelle situation cruelle vous allez vous trouver. Mais nous sommes sûrs que tous ceux qui auront lu ou voudront lire votre Déclaration, et qui voudront bien ne pas soupçonner gratuitement aux décisions prises d’autres motifs que cette Déclaration elle-même, se rendront à l’évidence que les choses ne pouvaient pas se résoudre autrement, étant donné votre refus de retirer ce texte : aucune institution d’Église, aucune formation au sacerdoce ne peuvent se bâtir sur un tel fondement.

Nous souhaitons, Excellence, que le Seigneur vous donne la lumière et vous fasse trouver la voie conforme à Sa volonté, dans la confiance à Celui à qui nous devons comme évêques une sincère et effective obéissance.

Pour nous, nous ne pouvons que vous dire notre attachement fraternel, et vous assurer de notre prière.

Gabriel Marie card. Garrone,
Préfet de la S.C. pour l’Éducation Catholique
Président de la Commission Cardinalice
John cardinal Wright,

Cette lettre est communiquée à S.E. Mgr Mamie et à S.E. Mgr Adam.

5 mai 1975

[Jacques Chancel - Radioscopie] Abbé Louis Coache

SOURCE - Jacques Chancel - Radioscopie - Abbé Louis Coache - 5 mai 1975